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KANE, ELISHA KENT, chirurgien, officier de marine, explorateur et auteur, né le 3 février 1820 à Philadelphie, aîné des six fils et de la fille de John Kintzing Kane, juriste de renom, et de Jane Duval Leiper ; décédé le 16 février 1857 à La Havane, Cuba.
Ayant choisi de faire carrière en génie civil, Elisha Kent Kane entra à l’University of Virginia, à Charlottesville, en 1837 ; toutefois, dès l’année suivante, il fut forcé d’abandonner ses cours à cause d’une grave crise de rhumatisme articulaire aigu qui le laissa avec une faiblesse cardiaque permanente. Petit et mince de taille, Kane était doué d’un courage et d’une résistance qui lui permirent de surmonter ce handicap et lui furent plus tard fort utiles. Il commença ses études de médecine à l’automne de 1839 à l’University of Pennsylvania, dans sa ville natale, fit son internat à l’hôpital du Blockley Almshouse et obtint son diplôme en mars 1842. Sur le conseil de son père, il fit une demande pour entrer dans la marine des États-Unis. Il n’avait pas encore reçu de brevet d’officier lorsqu’en mai 1843 il quitta le pays à destination de la Chine, à titre de médecin attaché à la mission diplomatique conduite par Caleb Cushing, homme d’État du Massachusetts. Kane voyagea beaucoup en Orient, puis, après avoir quitté la légation en juin 1844, il dirigea un navire-hôpital à Whampoa (Huang-p’u, Chine) pendant six mois ; il ne rentra à Philadelphie qu’à la fin de l’été de 1845, après avoir fait escale en Égypte et en Europe. Son brevet d’officier, daté du 1er juillet 1843, faisait officiellement de lui un chirurgien adjoint de la marine. Au cours des quatre années qui suivirent, Kane reçut diverses affectations, en temps de paix, au large des côtes occidentales de l’Afrique, en Méditerranée et le long de la côte est des États-Unis, et participa à la guerre entre le Mexique et les États-Unis.
En mars 1850, Kane offrit ses services, en qualité de chirurgien, à l’expédition américaine que l’on se proposait d’envoyer à la recherche de sir John Franklin*, perdu dans l’Arctique depuis 1845. Le 12 mai, il reçut l’ordre de rejoindre le brick Advance qui, à l’instar du brick Rescue, était en train d’être équipé par le marchand new-yorkais Henry Grinnell. Dix jours plus tard, les deux navires quittèrent le port de New York, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Edwin Jesse De Haven*, commandant de l’expédition, et du midshipman reçu S. P. Griffin, avec mission d’effectuer des recherches dans les environs du détroit de Barrow (Territoires du Nord-Ouest), au nord dans le détroit de Wellington et à l’ouest jusqu’au cap Walker. Ils longèrent d’abord la rive sud du détroit de Lancaster jusqu’au havre Leopold, puis mirent le cap au nord, sur l’île Beechey, où ils rejoignirent à la fin d’août les expéditions de recherche de William Penny*, de sir John Ross et du capitaine Horatio Thomas Austin*. Kane nota dans son journal que le 28 août sept navires dirigés par trois commandants étaient « à portée de voix » de l’île Beechey, et que deux autres, commandés par le capitaine Erasmus Ommanney, étaient pris dans les glaces, à seulement 15 milles à l’ouest. Pendant cette escale, on trouva dans l’île Beechey des traces indiquant que les deux bâtiments de l’expédition de Franklin, l’Erebus et le Terror, y avaient passé l’hiver de 1845–1846. L’Advance et le Rescue partirent alors vers l’ouest jusqu’à l’île Griffith avant de rebrousser chemin le 13 septembre. À l’extrémité sud du détroit de Wellington, les glaces les emprisonnèrent et les obligèrent à passer l’hiver dans les eaux arctiques. Ils dérivèrent avec la banquise vers le nord, puis vers le sud et l’est, hors du détroit de Lancaster, dans la baie de Baffin, où ils restèrent pris jusqu’en juin 1851. Le lieutenant De Haven tenta ensuite de pousser plus au nord à travers le pack, mais il dut abandonner les recherches et mettre le cap sur New York, où l’expédition arriva à bon port à la fin de septembre.
Kane s’employa alors à la narration de cette expédition, qui parut sous le titre de The U.S. Grinnell expedition in search of Sir John Franklin [...] ; il donna aussi des conférences devant plusieurs organismes scientifiques. Adhérant à l’hypothèse d’une mer polaire libre de glaces, il persuada Grinnell, le financier américain George Peabody, le département de la Marine des États-Unis et plusieurs organismes scientifiques de parrainer une seconde expédition chargée de rechercher Franklin depuis le nord de la baie de Baffin jusqu’aux rives de la « mer polaire ». C’était une expédition inusitée du fait que Kane, chirurgien de la marine, était nommé commandant de l’unique navire qui y participait, l’Advance, et parce qu’un équipage formé de civils et de militaires ne permettait pas l’application intégrale des règlements de la marine. Dès le départ, le moral et la discipline de l’équipage posèrent des problèmes à Kane.
L’Advance quitta New York le 30 mai 1853 et effectua une escale dans le port de pêche de Fiskenæsset, au Groenland, au début de juillet. Là, le chasseur inuit Hans* Hendrik se joignit à l’expédition. Le 20 juillet, le navire mouillait à Upernavik où Kane engagea Johan Carl Christian Petersen, conducteur de traîneaux et interprète danois. Ensuite, l’Advance continua vers le nord, longeant la côte ouest du Groenland ; à la fin d’août, il fut stoppé par les glaces dans le détroit que Kane nomma baie Peabody (rebaptisé plus tard bassin de Kane). Pendant qu’on préparait l’hivernage dans la baie de Rensselaer, des expéditions en bateau et en traîneau parvinrent jusqu’à 79º50´ de latitude nord. Cet hiver-là, la température descendit jusqu’à –70°F ; tous les membres de l’expédition souffrirent à des degrés divers de scorbut et de malnutrition, et 57 des 60 chiens de traîneau périrent d’une épidémie de rage de l’Arctique.
En 1854, on lança quatre expéditions en traîneau dans le but d’explorer la baie Peabody. Le 19 mars, l’officier en premier Henry Brooks partit avec huit hommes pour constituer des dépôts de ravitaillement en vue de futures explorations. Des froids aussi bas que –57ºF causèrent de douloureuses gelures à quatre hommes, dont deux moururent peu après leur retour à bord de l’Advance ; en mai, le chirurgien de bord Isaac Israel Hayes* et un membre d’équipage firent un tour d’inspection au sud-ouest ; en juin, l’officier en second James McGary et Amos Bonsall se dirigèrent vers le nord en traversant la baie Peabody ; enfin, le steward William Morton, qu’accompagnait Hans Hendrik, dépassa l’endroit où McGary avait rebroussé chemin et parvint au point le plus septentrional jamais atteint par l’expédition, soit le cap Independence, au Groenland, à 81º22´ de latitude nord. Le 12 juillet 1854, craignant que l’Advance ne reste prisonnier des glaces, Kane et cinq compagnons tentèrent de rejoindre par bateau l’escadre d’Edward Belcher*, à l’île Beechey. Ils échouèrent, et c’est alors que Hayes, Petersen et sept autres membres de l’équipage décidèrent de quitter le navire, malgré les conseils de Kane selon qui ils feraient mieux ne pas s’en éloigner. Le 28 août, ils partirent à pied vers le sud, à destination d’Upernavik ; venus à un cheveu de périr, ils revinrent à bord le 12 décembre. Kane, dont la discipline n’était pas très stricte, ne prit aucune sanction à leur endroit et les traita beaucoup plus comme des patients que comme des mutins ou des déserteurs. En mai 1855, devant l’éventualité de passer un troisième hiver captif des glaces, Kane abandonna le navire. Lui et ses hommes n’arrivèrent à Upernavik qu’au terme d’un long et dramatique voyage de 1 300 milles à pied et en bateau qui dura 83 jours. De là, un navire danois les conduisit à Godhavn, dans l’île Disko, d’où ils repartirent à destination des États-Unis au début de septembre, à bord des navires américains Release et Arctic, qui avaient été envoyés à leur recherche. Compte tenu des difficultés extrêmes auxquelles ils firent face pendant cette expédition, il est remarquable de noter que seulement trois hommes y périrent : un membre d’équipage à cause de malnutrition et deux autres de froid.
Au cours de ses nombreux périples, Kane avait contracté plusieurs maladies dont la « fièvre du riz » (choléra) en Chine, la « peste » (fièvre typhoïde) en Égypte et la « fièvre du littoral » (septicémie bactérienne) en Afrique australe, sans compter le scorbut dont il souffrit à plusieurs reprises dans l’Arctique. À son retour aux États-Unis en 1855, il était en très mauvaise santé, ce qui ne l’empêcha pas de terminer rapidement son compte rendu de l’expédition, Arctic explorations : the second Grinnell expedition in search of Sir John Franklin [...], puis de visiter l’Angleterre à la fin de 1856. C’est à Cuba, où il croyait trouver un soulagement à sa maladie chronique, qu’il mourut le 16 février 1857, après deux graves attaques d’apoplexie. On lui fit des funérailles publiques grandioses à Philadelphie, à titre dé premier grand explorateur américain de l’Arctique, et on l’inhuma au cimetière Laurel Hill. Bien qu’il n’ait jamais été marié officiellement, Kane entretint, de 1855 à 1857, des relations suivies avec la spiritualiste Margaret Fox, qui prétendit après sa mort avoir été sa femme.
Elisha Kent Kane ne vécut pas longtemps, mais il séduisit l’imagination du peuple américain par ses voyages en Orient, sa brève mais illustre participation à la guerre entre le Mexique et les États-Unis et ses deux expéditions dans l’Arctique. Ses deux livres reçurent un accueil favorable et sont toujours considérés comme des valeurs sûres parmi les ouvrages sur l’exploration de l’Arctique. Si les explorateurs qui le suivirent avaient prêté attention à ses écrits, la contribution d’Elisha Kent Kane à la médecine des régions froides aurait pu être importante : il mettait l’accent sur la nécessité de s’adapter à l’environnement au moyen d’habitations, de vêtements et d’activités appropriés, et il démontrait que le mode de vie inuit était important pour survivre. Par-dessus tout, il insistait sur un régime de viande fraîche pour prévenir et guérir le scorbut. D’autres explorateurs ont suivi la voie choisie par Kane en 1853 : Isaac Israel Hayes en 1860 et 1869, Charles Francis Hall* en 1871, sir George Strong Nares en 1875, Adolphus Washington Greely en 1881, Robert Edwin Peary en 1898, 1905 et 1908, ainsi que Donald Baxter MacMillan en 1913.
Elisha Kent Kane est l’auteur de plusieurs articles scientifiques, dont le premier a été sa thèse en médecine, « Experiments on kiesteine, with observations on its applications to the diagnosis of pregnancy », publiée dans l’American Journal of the Medical Sciences (Philadelphie), nouv. sér., 4 (juill. 1842) : 13–38. À son retour de l’expédition de 1850–1851, il a expliqué son hypothèse sur la possibilité d’une mer polaire libre de glaces dans une brochure de 24 pages, Access to an open polar sea in connection with the search after Sir John Franklin and his companions (New York, 1853). Quatre articles préparés à partir de ses notes de l’expédition de 1853–1855 et édités par Charles Anthony Schott ont été publiés après sa mort dans le Smithsonian Contributions to Knowledge (Washington) : « Astronomical observations in the Arctic seas [...] », 12 (1860), article 2 ; « Magnetical observations in the Arctic seas [...] », 10 (1859), article 3 ; « Meteorological observations in the Arctic seas [...] », 11 (1859), article 5 ; et « Tidal observations in the Arctic seas [...] », 13 (1860), article 2. Par la suite, les articles ont paru dans un seul volume édité par Schott, sous le titre de Physical observations in the Arctic seas [...] (Washington, 1859–1860). Le journal que Kane avait rédigé lors de l’expédition de 1850–1851, intitulé The U.S. Grinnell expedition in search of Sir John Franklin : a personal narrative (Londres et New York, 1853 ; nouv. éd., 1854), a connu un grand succès et a été réédité par Horace Kephart sous un autre titre, Adrift in the Arctic ice pack, from the history of the first U.S. Grinnell expedition in search of Sir John Franklin (New York, 1915). Son récit du deuxième voyage dans l’Arctique a aussi paru dans plusieurs éditions : Arctic explorations : the second Grinnell expedition in search of Sir John Franklin, 1853, ’54, ’55 ; illustrated by upwards of three hundred engravings, from sketches by the author (2 vol., Philadelphie et Londres, 1856 ; nouv. éd., 1857 ; nouv. éd., Londres, 1861). Ces ouvrages ont été tellement populaires qu’on les a fait traduire et publier en allemand sous le titre de Zwei Nordpolarreisen zur Aufsuchung Sir John Franklins, Julius Seybt, trad. (Leipzig, République démocratique allemande, 1857) et Kane, der Nordpolfahrer : Arktische Fahrten und Entdeckungen der zweiten Grinnell-Expedition zur Aufsuchung Sir John Franklin’s in den Jahren 1853, 1854 und 1855 [...], F. Kiesewetter, trad. (2 vol., Leipzig, 1859). Margaret Fox, dans sa tentative pour établir l’existence d’un mariage de droit commun entre elle et Kane, a édité, sous le titre de The love-life of Dr. Kane ; containing the correspondence, and a history of the acquaintance, engagement, and secret marriage between Elisha K. Kane and Margaret Fox, with facsimiles of letters, and her portrait (New York, 1866), une collection de lettres de Kane, dont l’authenticité de quelques-unes a été mise en doute.
L’American Philosophical Soc. Library (Philadelphie) possède une collection de la correspondance et des écrits de Kane (E. K. Kane papers). La Pa., Hist. Soc. (Philadelphie), dans la Ferdinand J. Dreer coll. et la Stanford Univ. Libraries (Stanford, Calif.) dans la ms Division (M61) conservent des journaux de sa deuxième expédition. [r. e. j.]
I. I. Hayes, An Arctic boat journey, in the autumn of 1854 (Boston, 1860).— Cooke et Holland, Exploration of northern Canada.— DAB.— G. W. Corner, Doctor Kane of the Arctic seas (Philadelphie, 1972).— William Elder, Biography of Elisha Kent Kane (Philadelphie et Boston, 1858).— Jeannette Mirsky, Elisha Kent Kane and the seafaring frontier (Boston, 1954).— S. M. Smucker [Schmucker], The life of Dr. Elisha Kent Kane, and of other distinguished American explorers [...] (Philadelphie, 1858).
Robert E. Johnson, « KANE, ELISHA KENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kane_elisha_kent_8F.html.
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Auteur de l'article: | Robert E. Johnson |
Titre de l'article: | KANE, ELISHA KENT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |