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IRVING, sir ÆMILIUS, avocat et homme politique, né le 24 mars 1823 à Leamington (Royal Leamington Spa, Angleterre), fils de Jacob Æmilius Irving, officier de l’armée britannique, et de Catherine Diana Homfray ; le 3 juin 1851, il épousa à Montréal Augusta Louisa Gugy (décédée en 1892), fille aînée de Bartholomew Conrad Augustus Gugy* ; décédé le 27 novembre 1913 à Toronto.
Dans son enfance, Æmilius Irving vécut en France, où il apprit le latin et le français. Après avoir émigré dans le Haut-Canada avec sa famille en 1834 – ils s’installèrent près de Lundy’s Lane (Niagara Falls) en 1835, puis près de Newmarket en 1839 –, il poursuivit ses études à l’Upper Canada College de Toronto. C’était un fougueux jeune homme ; ses amis le surnommaient Hickory. Son père, juge de paix et réformiste, devint conseiller législatif et premier préfet du district de Simcoe en 1843.
En 1844, Irving entra comme étudiant au cabinet de Joseph Clarke Gamble et, cinq ans plus tard, il fut admis au barreau. Il exerça un moment à Toronto avant de s’établir à Galt (Cambridge) en 1851 pour y ouvrir un cabinet. La même année, il épousa Augusta Louisa Gugy ; ils auraient deux filles et six fils, dont un mourrait en bas âge. Sa nombreuse famille n’était pas son unique souci, car il hérita en Jamaïque d’une plantation de canne à sucre qui semble avoir été pour lui un fardeau financier. Ces responsabilités raffermirent sans doute sa détermination à avancer dans sa profession. Le 24 janvier 1853, Irving fut nommé greffier de la paix du comté de Waterloo.
En 1855 ou 1856, Irving s’installa avec sa famille à Hamilton, où il fut, jusqu’en 1872, conseiller juridique de la Great Western Railway Company. Travailler pour cette entreprise en pleine expansion lui donna l’occasion d’affronter une grande variété de problèmes juridiques d’ordre technique ou stratégique. Dans un contexte marqué par des changements législatifs et par l’acquisition de nouvelles lignes ferroviaires, les relations avec les expéditeurs, les manufacturiers, les passagers et les employés exigeaient une attention soutenue. Les négociations avec les propriétaires fonciers au sujet des droits de passage, le règlement des litiges, les petites manies du personnel au siège social de la compagnie, situé en Angleterre, faisaient aussi partie de son expérience juridique plutôt inhabituelle. Nommé conseiller de la reine en 1863, il serait élu en 1874 au conseil de la Law Society of Upper Canada. Il supervisa un certain nombre de causes importantes, dont quelques-unes furent portées en appel au comité judiciaire du Conseil privé en Grande-Bretagne. En mai 1867, le conseil d’administration de la Great Western Railway Company à Londres décida de lui attribuer la somme de 5 000 $ pour son travail, surtout pour avoir défendu la société ferroviaire contre une importante réclamation présentée par la Commercial Bank of Canada.
Des observateurs influents, dont l’éditeur du Globe George Brown*, encourageaient Irving à entrer en politique. Au moment de la Confédération, la perspective de mettre ses talents à profit dans ce domaine lui plaisait. Cependant, comme il l’avouait à Brown en juillet 1867, il voulait, idéalement, « un siège au Parlement qui ne gênerait pas [sa] situation ». Aux élections fédérales de 1872, après avoir quitté la Great Western Railway Company, il se présenta sans succès dans Hamilton sous la bannière réformiste. Élu en 1874 aux côtés d’Andrew Trew Wood*, il fut délogé en avril 1875 mais regagna son siège un mois plus tard. Son intervention la plus remarquée à titre de député de l’arrière-ban du gouvernement d’Alexander Mackenzie* consista en un amendement au projet de loi sur la Cour suprême. Il s’agissait de l’article 47, qui faisait, de cette cour en voie de création, le tribunal canadien de dernière instance et mettait fin aux appels au Royaume-Uni. Cependant, les légistes de la couronne britannique rendirent cet article inopérant en 1876.
Défait en 1878 puis en 1882, Irving quitta Hamilton en 1886 pour s’installer à Toronto où, durant presque une trentaine d’années encore, il consacra ses immenses énergies à la chose publique et à sa profession. Par intermittence, de 1877 à 1892, il fut procureur de la couronne. À ce titre, il affronta souvent de redoutables avocats de la défense tels D’Alton McCarthy* et Nicholas Flood Davin*. On a une idée de la façon dont il se comportait dans une salle d’audience en lisant, dans un numéro du Globe de 1880, le compte rendu de sa foudroyante « dénonciation » de George Bennett*, accusé du meurtre de George Brown, et, sous la plume de Hector Willoughby Charlesworth*, une allusion à sa « singulière habitude de penser tout haut », que les juges, bienveillants, faisaient mine de ne pas remarquer.
Irving se signala davantage dans les litiges constitutionnels et les négociations intergouvernementales. Rappelant en 1913 le combat mené par l’Ontario contre Ottawa au sujet de la structure de la fédération canadienne, le Globe décrivit ainsi son rôle : « Il était dans une large mesure un partenaire professionnel de sir Oliver Mowat[*], alors à la fois procureur général et premier ministre [de la province]. Dans des affaires très importantes où le droit constitutionnel ou l’histoire des servitudes foncières et privilèges entrait en ligne de compte, il a abattu beaucoup de besogne, mais [de façon] discrète. Seuls les fonctionnaires du gouvernement provincial savaient combien l’Ontario [allait] lui [être] redevable. Il ne se trouvait alors aucun autre membre de la profession qui eût la compétence et la science nécessaires pour faire aussi bien des recherches aussi fouillées. »
Le litige sur la frontière de l’Ontario et du Manitoba avait commencé longtemps avant que l’Ontario puisse effectivement compter sur les services d’Irving. Néanmoins, ses précieux dossiers sur la question suggèrent qu’il surveilla minutieusement les aspects juridiques de ce litige et leurs relations avec d’autres sujets de désaccord entre le gouvernement fédéral et les provinces. Conseiller juridique de sa province en des matières soumises à l’arbitrage tripartite des comptes résultant de la fondation du dominion et de la création de l’Ontario et du Québec à partir de l’ancienne province du Canada, il participa au difficile règlement d’un grand nombre de revendications complexes entre gouvernements. Sur la question des intérêts par exemple, il comparut devant la Cour suprême du Canada en 1894–1895 et défendit avec succès une sentence arbitrale satisfaisante pour l’Ontario et le Québec, sans toutefois parvenir à mettre un terme à cette longue querelle. Dans les années 1890, il s’occupa également des désaccords entre l’Ontario et le gouvernement fédéral quant à la question de savoir qui avait la responsabilité financière des revendications présentées par les Amérindiens en vertu des traités Robinson de 1850 [V. William Benjamin Robinson*] et du traité « North-West Angle » de 1873 [V. Alexander Morris*]. De plus, il amena en arbitrage ou devant les tribunaux bon nombre d’autres affaires compliquées du point de vue de la procédure mais importantes sur le plan financier ; celles-ci étaient liées notamment au fonds des écoles publiques, aux dépenses d’immigration et au Québec Turnpike Trust. Enfin, à titre de principal responsable du dossier des pêches, il finit par plaider en 1898, devant le comité judiciaire du Conseil privé, dans une procédure de renvoi complexe qui se termina par la remise aux provinces d’une large part de la compétence en matière de pêches. Durant des années encore, on solliciterait son avis sur cette question.
De 1893 à la veille de sa mort en 1913, sir Æmilius Irving fut trésorier de la Law Society of Upper Canada. D’après ses collègues, il en présidait les délibérations « avec une indéfectible courtoisie, une prudente fermeté et une subtile impartialité ». Il reçut un doctorat en droit de la University of Toronto en 1905 et fut créé chevalier l’année suivante. De confession anglicane, il était franc-maçon depuis longtemps et faisait du yacht. Il mourut le 27 novembre 1913 et fut inhumé au cimetière St James à Toronto. Son fils Paulus Æmilius, homonyme de l’un de ses ancêtres, se distingua dans la magistrature de la Colombie-Britannique ; Irving était très fier de lui.
AO, F 1027.— Globe, 28 mars, 28 nov. 1913.— Attorney-General for the Dominion of Canada v. Attorney-General for the Province of Ontario, [1897] Law Reports, Appeal Cases (Londres) : 199–213 (Conseil privé).— Attorney-General for the Dominion of Canada v. Attorneys-General for the provinces of Ontario, Quebec, and Nova Scotia, [1898] Law Reports, Appeal Cases : 700–717.— Gordon Bale, Chief Justice William Johnstone Ritchie : responsible government and judicial review (Ottawa, 1991).— Canadian Law Times (Toronto), 26 (1906) : 520s.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— H. [W.] Charlesworth, Candid chronicles : leaves from the note book of a Canadian journalist (Toronto, 1925).— DHB, 1.— Dominion annual reg., 1880–1882.— Dominion of Canada v. Provinces of Ontario and Quebec (1894–1895), Canada Supreme Court Reports (Ottawa), 24 : 498–545.— C. B. Koester, Mr Davin, m.p. : a biography of Nicholas Flood Davin (Saskatoon, 1980).— Province of Quebec v. Dominion of Canada, in re Indian claims (1898), Canada Supreme Court Reports, 30 : 151–155.— Joseph Schull, Edward Blake : the man of the other way (1833–1881) (Toronto, 1975).— [L. M. V.] ith, Young Mr Smith in Upper Canada, M. L. Smith, édit. (Toronto, 1980).
Jamie Benidickson, « IRVING, sir ÆMILIUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/irving_aemilius_14F.html.
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Auteur de l'article: | Jamie Benidickson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
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