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GUGY, BARTHOLOMEW CONRAD AUGUSTUS, militaire, député, seigneur, né à Trois-Rivières le 6 novembre 1796, fils aîné de Louis Gugy*, député, seigneur et conseiller législatif, et de Juliana O’Connor, décédé subitement à sa résidence de Darnoc, à Beauport près de Québec, le 11 juin 1876.
Hugenot de naissance et fils d’un colonel suisse au service de la Grande-Bretagne après avoir été royaliste français, Bartholomew fit ses études à l’école du pasteur John Strachan* à Cornwall et s’enrôla dans la garde canadienne (Canadian Fencibles) aussitôt que la guerre fut déclarée en 1812. Il fit la lutte aux côtés de son père, et, promu lieutenant, il se distingua à la bataille de Châteauguay. Il entreprit ensuite des études de droit et fut admis au barreau le 7 août 1822. Il ne tarda pas à se faire une nombreuse et lucrative clientèle, mais sa carrière subséquente fut surtout politique et militaire.
Gugy fut élu, aux élections générales de 1831, député de la ville de Sherbrooke et réélu jusqu’à l’époque des troubles de 1837–1838. Comme il était un des quelques « bureaucrates » qui pouvaient s’exprimer aisément en français, il eut de nombreuses et émouvantes passe-d’armes avec Louis-Joseph Papineau. Gugy luttait avec une souplesse oratoire, usant de l’ironie, du persiflage, du sarcasme et de l’insolence. Il savait trouver le meilleur moyen d’exaspérer l’orateur (président), et celui-ci bondissait à grands cris. (Selon certains apologistes de Papineau, ce serait même Gugy le grand responsable des écarts de language des Patriotes et de leur chef.)
En 1837, au premier son de la révolte, Gugy s’était porté volontaire dans la milice. Devenu colonel, il dirigea la cavalerie à Saint-Charles et ce serait lui qui, personnellement, s’empara de la « colonne de la liberté » que les Patriotes avaient érigée en l’honneur de Papineau, pour la transporter (avec deux subalternes) en triomphe à Montréal. À Saint-Eustache il se distingua encore par son enthousiasme. Il aurait conduit son cheval jusque dans l’église pour l’abreuver dans les bénitiers. On l’accusa de cruauté, et même d’avoir marché dans le sang des Canadiens français jusqu’aux genoux. Mais une brochure, Attestation de six curés au sujet de la conduite du colonel Gugy en 1837–1838 rétablit la vérité en sa faveur. Plus tard, ayant cantonné ses troupes à Saint-Hyacinthe, Gugy descendit chez les Dessaulles où s’étaient réfugiés les enfants Papineau. Il donna une poupée de cire à Ezilda et deux albums d’images à Gustave.
Du 22 novembre 1838 au 2 janvier 1839, Gugy occupa le poste de magistrat de police à Montréal et, le 14 mars 1841, il accepta d’être adjudant général de la milice pour le Bas-Canada. Jusqu’à sa démission le 30 juin 1846, il devint l’une des cibles préférées du parti libéral de Louis-Hippolyte La Fontaine* qui l’accusait de ne pas nommer suffisamment de Canadiens français aux grades supérieurs de la milice. Après l’Union en 1841, Gugy s’était présenté comme tory dans le comté de Saint-Maurice, mais avait été défait malgré les efforts du scrutateur en sa faveur. Effectivement, les partisans de son adversaire, Joseph-Édouard Turcotte*, s’étaient emparés du bureau de vote. Il s’était aussi porté candidat dans la ville de Sherbrooke mais avait été défait par Edward Hale. En 1848 il fut élu sans concurrent dans la ville de Sherbrooke. En chambre, Gugy vota régulièrement contre le ministère de Louis-Hippolyte La Fontaine, et lors du célèbre débat sur le projet de loi des indemnités, il fut, de concert avec sir Allan Napier MacNab*, le principal chef de l’opposition. Ses discours n’ont pas peu contribué à la tension presque électrique qui explosa enfin durant les émeutes qui suivirent l’incendie du parlement en 1849. Il réagit avec son entrain et son impétuosité habituels, et se mit à combattre ceux-là même qui avaient été excités par ses discours. Le soir de l’incendie du parlement, il empoigna plusieurs des agitateurs pour les empêcher de s’attaquer personnellement à l’orateur, Augustin-Norbert Morin* ; le lendemain, 26 avril, au Champ de Mars, quand les émeutiers s’attroupaient pour porter l’attaque chez Francis Hincks*, Benjamin Holmes* et La Fontaine, Gugy escalada un lampadaire pour haranguer la foule pendant deux heures, et tenter en vain de la persuader de se disperser. Ces pirouettes (physiques et politiques) amenèrent le Canadien du 9 mai 1849 à décrire le colonel comme « une variété non encore décrite de l’espèce et qui appartient à aucune nation en particulier [...] étant en partie suisse, en partie irlandais, en partie français, en partie sauvage, et nous croyons en partie... ». Après 1850, par crainte des annexionnistes, Gugy se détacha peu à peu des tories montréalais. C’est peut-être pourquoi il n’osa pas remettre son nom en candidature à l’élection de 1851.
Cette année-là le colonel Gugy fut néanmoins nommé parmi les représentants du Canada à l’exposition universelle de Londres. En 1853, il fut de nouveau inspecteur et surintendant de police à Montréal, mais démissionna la même année pour se retirer dans le domaine de Beauport qu’il avait hérité de son père en 1840 avec les seigneuries de Yamachiche, Rivière-du-Loup, Grandpré, Grosbois et Dumontier. Après une défaite cuisante aux mains d’un autre tory, James Moir Ferres, dans le comté de Missisquoi-Est, en 1854, il se retira définitivement de la politique.
Bouillant, facilement emporté, d’un caractère haut en couleur, le gros et bruyant colonel ne fut ni rancunier, ni intolérant, ni sectaire. En sa qualité de seigneur, il était fidèle à percevoir ses rentes, mais il n’eut jamais recours à des procédés vexatoires. Il aimait les procès. En 1844, par exemple, il avait administré une volée à un jeune livreur qui, aux ordres de Francis Hincks, s’obstinait à déposer le Pilot à la porte du colonel. Hincks l’avait poursuivi et Gugy avait particulièrement savouré sa victoire. Plus tard, il intenta à un certain William Brown des procès qui durèrent 22 ans et ne furent terminés que par l’incendie du palais de justice de Québec en 1873. Mais, vers la fin de ses jours, Gugy revenait souvent à Québec, monté droit à cheval malgré ses 78 ans, pour s’installer dans la bibliothèque du palais de justice et régaler les jeunes de tous âges avec les détails de ses procédures et de ses plaidoiries d’antan. Il ne semble pas avoir été d’un tempérament fanatique. S’il ne fut jamais populaire parmi les Canadiens français, c’est qu’il avait trop souvent soutenu des principes que ces derniers refusaient.
De ses deux mariages, à Louise Duchesnay et à Mary McGrath, il laissa un fils et trois filles.
B. C. A. Gugy, How I lost my money : an episode in my life (Québec, 1859) ; Letters originally published in the « Quebec Gazette », addressed to His Excellency Sir E. W. Head, Bart, Governor-General of B.N. America, &c. (Québec, 1855).
APC, FM 30, D 62 (Papiers Audet), 14, pp.641–762.— Certaines attestations, dédiées au jury éclairé qui a décidé la cause Gugy vs Brown (Québec, 1871).— Le Canadien (Québec), 9 mai 1849, 12 juin 1876.— Montreal Standard, 3 févr. 1912.— Morgan, Sketches of celebrated Canadians, 517–528.— Political appointments, 1841–1865 (J.-O. Coté).— Raphaël Bellemare, Les bases de l’histoire d’Yamachiche 1703–1903 ; commémoration des premiers établissements dans cette paroisse : ses fiefs, ses seigneurs, ses premiers habitants, ses développements, son démembrement en plusieurs paroisses et autres renseignements tirés de manuscrits inédits conservés dans les vieilles archives du Bas-Canada (Montréal, 1901), 100s.— Cornell, Alignment of political groups.— Dent, Last forty years, II : 616.— Gérard Filteau, Histoire des Patriotes (3 vol., Montréal, 1938–1939).— Monet, Last cannon shot.— D. R. Barry, An eminent Quebec lawyer of the last century, Canadian Law Times (Toronto), XXXII (1912) : 427–438.— É.-Z. Massicotte, Les tribunaux de police de Montréal, BRH, XXVI (1920) : 180–183.— P.-G. Roy, Bartholomew-Conrad-Augustus Gugy, BRH, X (1904) : 333–336.
Jacques Monet, « GUGY, BARTHOLOMEW CONRAD AUGUSTUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gugy_bartholomew_conrad_augustus_10F.html.
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Auteur de l'article: | Jacques Monet |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |