HOLLAND, JOHN FREDERICK, arpenteur, officier dans la marine, dans l’armée et dans la milice, propriétaire terrien, juge de paix, fonctionnaire et homme politique, né probablement pendant l’hiver de 1764–1765 dans l’anse Observation (anse Holland, Île-du-Prince-Édouard), fils naturel et premier enfant de Samuel Johannes Holland* et de Marie-Joseph Rollet ; au plus tard en 1790, il épousa Mary Emily Tissable, et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 17 décembre 1845 à Charlottetown.
Ce sont les voyages de son père, arpenteur général de la province de Québec et du district nord de l’Amérique du Nord de 1764 à 1801, qui déterminèrent les circonstances dans lesquelles John Frederick Holland grandit et commença sa carrière. Samuel Johannes Holland préférait avoir sa famille auprès de lui, et c’est pendant qu’il dressait la topographie de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) que John Frederick vit le jour. Celui que l’on surnommait « St. Johns Jack » ne fréquenta jamais d’autre école que le foyer nomade de ses parents. Sa mère lui apprit le français et le latin ; auprès de son père, il acquit les connaissances pratiques du soldat et de l’arpenteur. Lorsque la Révolution américaine éclata, Samuel Johannes Holland s’enfuit de Perth Amboy, au New Jersey, pour gagner l’Angleterre. Devenu chef de famille, John Frederick s’occupa des siens au moment de leur bref emprisonnement puis de leur évacuation. Comme il les savait désormais à l’abri, il entra en 1777 dans la marine britannique en qualité de midship. Il était à bord du Nautilus quand, en 1779, ce navire alla libérer le fort George (Castine, Maine) avec l’escadre de sir George Collier*. La même année, il obtint une commission d’enseigne dans le King’s Royal Regiment de New York, qu’avait levé sir John Johnson*. Promu lieutenant en 1781, il quitta l’armée dès 1783, à l’âge de 19 ans.
La fin des hostilités ne poussa pas Holland à se ranger. Tandis que son père avait repris ses tâches régulières à Québec et que son parrain, Frederick Haldimand*, y était bien installé dans sa fonction de gouverneur, il décrocha un poste de sous-ingénieur au sein de l’équipe qui arpentait les emplacements prévus à l’intention des loyalistes à l’ouest de la rivière des Outaouais. Durant l’hiver de 1783–1784, il traça le plan du village de Cataraqui (Kingston, Ontario). En 1786, il participa aux travaux de délimitation de la frontière entre le Québec et le Nouveau-Brunswick.
Samuel Johannes Holland espérait ardemment que son fils aîné lui succéderait au poste d’arpenteur général, et il l’envoya en Angleterre en 1789 pour faire approuver leur nomination conjointe. Au lieu de cela, sur la recommandation de sir Joseph Banks*, John Frederick reçut au début de 1790 la mission de tirer au clair la rumeur selon laquelle il y avait, à l’ouest du Grand lac des Esclaves, une voie navigable qui menait peut-être au Pacifique. Ses voyages l’avaient déjà conduit au lac Supérieur, et sa qualité d’arpenteur le rendait apte à faire le tracé d’une voie terrestre. La controverse de la baie Nootka [V. George Vancouver*] retarda son départ et, quand il arriva à Québec, à l’automne de 1790, sa mission n’était plus nécessaire : Alexander Mackenzie* avait découvert que la voie navigable menait à l’océan Arctique.
À ce moment, tout comme son père et son frère Frederick Braham, Holland était marié à une Canadienne française de religion catholique, mais ses occupations n’avaient pas été de nature à lui instiller des habitudes domestiques. Il préférait la société virile des campements et des villages, et ses manières rudes commençaient à menacer sa vie professionnelle. D’abord assuré de la protection de son père et de son parrain, Holland eut ensuite celle du prince Edward* Augustus (plus tard duc de Kent et Strathearn), qui prisait grandement les services qu’avaient rendus Samuel Johannes Holland et sa famille. Le prince nomma John Frederick lieutenant dans son régiment en 1794 et l’affecta à la construction de la citadelle de Halifax à titre d’assistant. Il consentit aussi à être le parrain d’au moins l’un de ses enfants. Hélas ! Même le prince ne pouvait protéger Holland contre lui-même. Coupable de certaines indiscrétions à son nouveau poste, il fut dépêché en 1798 à Charlottetown en qualité de commandant d’armes intérimaire, sous-ingénieur et maître de caserne. On le mit à la demi-solde l’année suivante. Puis le duc de Kent quitta l’Amérique du Nord en 1800 et Holland père mourut en 1801. Dès lors, l’avenir de John Frederick s’obscurcit : on abolit son poste de sous-ingénieur en 1802, il n’était plus commandant d’armes intérimaire en 1805 et il perdit sa charge de maître de caserne en 1817.
Holland se rabattit sur la propriété que son père lui avait léguée à l’Île-du-Prince-Édouard – la moitié est du lot 28 – où sa mère et l’une de ses sœurs s’installèrent. Mais tenir une cour à Charlottetown lui plaisait davantage, et il était renommé pour faire le « pitre » à bien des dîners publics. Juge de paix à compter de 1802 et shérif en chef en 1809–1810, il était connu pour certains écarts, entre autres des fraudes et une complicité dans un duel. En 1812, « pendant que sa femme et sa famille étaient dans une situation de détresse absolue », il ramena, dit-on, « une femme de Halifax et vécut en concubinage notoire avec elle à Charlottetown ». Un de ses fils « demanda au juge en chef l’autorisation [d’]abattre [cette femme] » ; on ignore s’il reçut une réponse.
Les activités politiques de Holland étaient aussi mouvementées que sa vie mondaine. Élu pour la première fois à la chambre d’Assemblée en 1803, il trouva bientôt un allié en la personne de James Bardin Palmer*, lui aussi un nouveau venu dans l’île. En recourant à des tactiques d’opposition, les deux hommes cherchaient à se faire remarquer de l’élite en place et à gagner ses faveurs. Ils furent élus dans Charlottetown en 1806 et, quand l’Assemblée se réunit, Palmer proposa Holland comme président, mais c’est Robert Hodgson* que l’on choisit. Leur alliance prit fin la même année, au moment où l’on nomma Palmer adjudant général de milice, poste que convoitait Holland qui dut se contenter de celui de commis des magasins militaires. Ainsi, lorsque Palmer s’associa à un groupe politique nouveau du nom de Loyal Electors, Holland adhéra au camp adverse, appelé le « vieux parti ». En 1810, afin de contrecarrer les ambitions de Palmer et de ses compagnons, Holland fit annuler la victoire remportée par deux Loyal Electors dans des élections partielles qu’il avait surveillées en qualité de shérif en chef. Deux ans plus tard, aux élections générales, il tenta d’user de son influence sur la garnison pour se faire élire dans Charlottetown Royalty, mais il eut le dessous au cours de l’émeute qui s’ensuivit et perdit son siège.
En 1811, Holland avait participé à une campagne qui visait à faire reconnaître que les Loyal Electors formaient une société secrète de jacobins décidés à usurper le pouvoir légitime. Les Loyal Electors eurent beau qualifier ces accusations de « tout à fait gratuites, imméritées et sans fondement », on les prit au sérieux à Londres, comme d’autres insinuations du même genre. En octobre 1812, le lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres*, qui avait soutenu les Loyal Electors, apprit qu’on le rappelait. William Townshend* fut nommé administrateur de la province, Palmer fut immédiatement démis de ses diverses fonctions et, avant la fin de l’année, Holland devint adjudant général de milice. À une date inconnue, on le promut colonel dans la milice.
Le nouveau lieutenant-gouverneur, sir Charles Douglass Smith*, se laissa vite convaincre des visées séditieuses des Loyal Electors. Poussé par les circonstances, il se rapprocha de la « cabale » (nom donné au « vieux parti » par ses ennemis) et surtout de Holland, qui lui avait été recommandé par nul autre que le duc de Kent. En fait, comme les Loyal Electors étaient tombés en disgrâce et que les chefs de la « cabale » étaient morts, âgés ou malades, Holland passa soudain au premier plan de la vie politique de l’île. Nommé au conseil le 3 janvier 1815, il agissait en qualité de receveur des douanes, contrôleur et officier de marine. Smith et lui étaient de la même trempe – tous deux soldats par tempérament aussi bien que par vocation. Lorsque Smith décida en octobre 1815 de resserrer l’application des lois de milice, Holland l’appuya donc sans réserve. Moins d’un mois plus tard, leur tentative faillit provoquer une mutinerie, et Smith félicita son adjudant général d’avoir réprimé le désordre.
Par suite de l’incident de la milice, Holland écrivit à Smith deux lettres importantes dans lesquelles il dépeignait en détail l’agonie de la « cabale » et agitait le spectre d’un retour en force des Loyal Electors. Il croyait que son destinataire le prendrait pour conseiller et homme de confiance, mais il s’était trompé sur lui. Smith avait lui aussi des idées bien arrêtées, et il décida de former son propre groupe de fonctionnaires conciliants, où il fit notamment entrer trois de ses fils et deux de ses gendres. Holland se retrouva donc parmi les nombreux insulaires frustrés d’être ainsi isolés du pouvoir, si bien qu’en 1818, tout comme le procureur général William Johnston*, il n’appuyait plus Smith. Dès lors, sous la houlette de John Stewart*, il aida à former une nouvelle alliance d’opposants. La riposte de Smith vint le 4 janvier 1819 : il démit Holland et Johnston du conseil en faisant mystérieusement allusion à un complot ourdi surtout par la loge maçonnique de Charlottetown, dont Holland fut membre de 1810 à 1827. En fait, sauf Palmer, qui alla encore une fois à contre-courant et passa dans le camp de Smith, presque toutes les factions de l’île aussi bien que les propriétaires établis à Londres finirent par s’opposer au lieutenant-gouverneur, qui dut céder sa place à John Ready en 1824.
Holland ne tira aucun avantage du changement de gouvernement : il ne se présenta pas aux élections, ne fut pas réinvité au conseil et ne reçut aucune nouvelle charge administrative. Cette défaveur découlait de ce qu’il avait la réputation de mener une vie instable, mais aussi de ce qu’il avait appliqué rigoureusement l’impopulaire loi de milice même après que Smith l’eut chassé du conseil. Quand la nouvelle Assemblée se réunit, en 1825, elle exigea une réorganisation de la milice. Elle examina aussi les dépenses que Holland avait faites en qualité d’adjudant général et de juge de paix. Il survécut à l’investigation mais, sous Ready, ses fonctions d’adjudant général furent grandement réduites. Lorsqu’on modifia la loi de milice en 1833, c’est un ancien protégé de Smith, Ambrose Lane*, qui remplaça Holland. En 1834, celui-ci tenta deux fois de se faire réélire à l’Assemblée, puis quitta la politique active.
L’enquête sévère de l’Assemblée sur les dépenses de Holland eut des effets négatifs sur sa situation financière. À compter de décembre 1826, il loua sa maison de Charlottetown, Holland Grove, pour qu’elle serve de résidence au gouverneur. En juillet suivant, il vendit sa part de la ferme que son père avait eue près de Québec et, en avril 1835, lui-même et ses cohéritiers vendirent 29 lots de 200 acres dans le canton bas-canadien de Kingsey. Son fils aîné, Samuel John, avait été blessé en 1813 à la bataille de Crysler’s Farm et il était décédé en Angleterre neuf ans plus tard ; sa femme mourut en juillet 1831, après une vie de longues souffrances. Il démissionna de son poste de juge de paix le 25 juin 1841.
La carrière de John Frederick Holland fut plus colorée que brillante. Sa jeunesse fait penser à un roman de George Alfred Henty : sur une trame de grands événements historiques, un garçon mène une vie aventureuse puis bénéficie de la protection d’éminents personnages. Mais ce garçon devenu adulte s’accommode mal, par tempérament, du train-train des années de paix. Qu’il ait occupé pendant un temps l’avant-scène politique de l’Île-du-Prince-Édouard en dit plus long sur la qualité de l’élite coloniale que sur ses propres talents. À mesure que la société de l’île crût et prit de la maturité, la turbulence de Holland s’avéra de plus en plus déplacée. Il est typique que son élection à un poste de marguillier à l’église St Paul de Charlottetown, en 1830 (il avait alors 66 ans), ait eu lieu « au milieu d’un grand brouhaha et d’échanges non seulement d’invectives mais de coups de poing ».
Aucune recherche n’a permis de confirmer la date de naissance de John Frederick Holland que l’on trouve dans l’article de Willis Chipman, « The life and times of Major Samuel Holland, surveyor-general, 1764–1801 », OH, 21 (1924) : 11–90. L’auteur, citant des archives familiales non spécifiées, donne la date du 27 oct. 1764, mais ce n’est pas vérifiable. [m. b. t.]
ANQ-Q, CN1-284, 14 oct. 1800 (copie au P.E.I. Museum).— BL, Add. mss 21728 : 252–262 ; 21730 17–19 ; 21737, part. i : 281–282 ; 21745, part. i : 42 ; 21784, part. ii : 34–37 ; 21877 : 157–161 (copies aux APC).— PAPEI, Acc. 2541/127 ; 2825/59–60 ; 2849/3 ; 2849/6 :103 ; 2849/10 ; 2849/39 ; 2849/124–125 ; 2849/135 ; 2881/46, « The Scool Room » ; RG 1, commission books, 13 oct. 1806, 11 mai 1810 ; RG 16, land registry records, conveyance reg., liber 6 : fos 36, 41, 45 ; liber 7 : fo 84 ; liber 13 : fo 347.— P.E.I. Museum, File information on Holland family.— PRO, CO 226/19 ; 226/20 : 17, 85 ; 226/21 : 70, 95, 112, 115 ; 226/26 : 11, 60 ; 226/27 : 25, 82–88 ; 226/28 : 3–6, 20–22, 26 ; 226/29 : 67–77 ; 226/30 : 7, 116, 131–139 ; 226/31 : 12–33, 72–77 ; 226/32 : 43 ; 226/35 : 3–5, 15, 71, 166–167 ; 226/36 : 52–53 ; 226/37 : 109–110.— Royal Arch., Windsor Castle (Windsor, Angl.), Add. 7/72–7/414 (mfm à Canada, Parcs Canada, Halifax Defence Complex, Halifax).— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, marriages, and burials, particulièrement 23 déc. 1799 (mfm aux PAPEI).— Supreme Court of P.E.I. (Charlottetown), Estates Division, liber 4 : fo 229 (testament de J. F. Holland) (mfm aux PAPEI).— [Thomas Douglas, 5e comte de] Selkirk, Lord Selkirk’s diary, 1803–1804 ; a journal of his travels in British North America and the northeastern United States, P. C. T. White, édit. (Toronto, 1958 ; réimpr., New York, 1969).— « North-western explorations », APC Report, 1889 : 29–38.— Islander, 20 déc. 1845.— Prince Edward Island Gazette, 16 févr. 1818.— Prince Edward Island Register, 6 sept., 11 oct. 1823, 18 sept. 1824, 8 janv., 5, 17 févr., 18, 31 mars, 15 avril, 13 sept. 1825, 26 sept. 1826, 1er mai, 3 juill. 1827, 12 juill., 19 août 1828, 13 avril 1830.— Royal Gazette (Charlottetown), 19 juill. 1831, 4, 7 févr., 17 avril, 30 oct. 1832, 2, 9 avril, 14 mai 1833, 7 janv., 4, 11, 18 févr., 4 mars, 14, 28 oct., 16 déc. 1834, 20 janv. 1835, 31 juill. 1838, 29 juin 1841, 23 déc. 1845.— Weekly Recorder of Prince Edward Island (Charlottetown), 9 févr., 31 août 1811.— G.-B., WO, Army list, 1796–1818.— N.S. vital statistics, 1813–22 (Punch), n° 2697.— Morton, Hist. of Canadian west (Thomas ; 1973), 401–402, 410, 412.— I. L. Rogers, Charlottetown : the life in its buildings (Charlottetown, 1983).— D. W. Thomson, Men and meridians : the history of surveying and mapping in Canada (3 vol., Ottawa, 1966–1969), 1 : 222.— Glyndwr Williams, The British search for the northwest passage in the eighteenth century (Londres et Toronto, 1962), particulièrement 250–252.
M. Brook Taylor, « HOLLAND, JOHN FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/holland_john_frederick_7F.html.
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Auteur de l'article: | M. Brook Taylor |
Titre de l'article: | HOLLAND, JOHN FREDERICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |