BANKS, sir JOSEPH, naturaliste, né le 2 février 1742/1743 à Londres, fils unique de William Banks et de Sarah Bate ; le 23 mars 1779, il épousa à Londres Dorothea Weston-Hugessen ; décédé le 19 juin 1820 à Heston (maintenant partie de Londres).

Né dans une famille qui possédait d’assez grandes richesses et qui avait de puissantes relations, Joseph Banks hérita aussi, tant du côté paternel que du côté maternel, d’une vive intelligence. Dès le début, certaines influences allaient orienter sa carrière future. Le domaine de proches parents à Burghley House, dans le Northamptonshire, contenait des jardins dessinés d’une façon splendide par l’homme d’État élisabéthain William Cecil, qui possédait un don particulier pour l’acclimatation des arbres et arbustes exotiques. Il existait des liens de parenté entre Banks et lord Temple, dont les jardins de Stowe étaient parmi les plus fameux d’Angleterre. De plus, la résidence familiale des Banks à Revesby Abbey, dans le Lincolnshire, était contiguë à de vastes marécages non drainés aux étonnantes populations d’oiseaux aquatiques. Il n’est donc pas surprenant que Banks, à l’époque où il fréquentait l’Eton College, se soit senti attiré par les sciences naturelles et qu’il se soit appliqué à les étudier. Vers 1761, tandis qu’il suivait des cours à Oxford, il commença à constituer un herbier où l’on trouve, dans les premiers feuillets, un plant de Geum macrophyllum du Labrador, daté de 1763. Un peu plus tard, des plantes de cette région lui furent données par des missionnaires moraves, dont le quartier général à Londres était situé près de sa maison ; c’est probablement grâce à leurs récits qu’il se prit d’intérêt pour le Groenland et le Labrador. En 1766, il obtint pour lui-même et pour un ancien compagnon d’école, l’officier de marine Constantine John Phipps, de faire le voyage de Terre-Neuve comme passagers à bord du Niger, qui faisait partie de l’escadre du gouverneur Hugh Palliser*. En plus de jouer son rôle normal de patrouilleur, le Niger transportait un contingent d’infanterie de marine à la baie des Châteaux, au Labrador, pour y construire une casemate en vue de l’installation d’une garnison permanente [V. Francis Lucas*]. Le navire jeta l’ancre à St John’s le 11 mai 1766, à une période de l’année on ne peut mieux choisie pour un naturaliste. Parmi les oiseaux au riche plumage de l’époque de la reproduction, Banks nota la mésange à tête noire, qui n’émigre pas ; il y avait des quantités telles de rouges-gorges qu’on en avait plein la vue, et les fauvettes étaient nombreuses. Banks fut vite occupé à recueillir toutes sortes de plantes et d’oiseaux. Quand des tempêtes de neige intermittentes venaient empêcher cette activité, il allait pêcher au chalut dans le port, à la recherche de spécimens marins, ou bien il faisait des observations géologiques sur les faces des roches mises à jour par les hommes qui nivelaient un espace pour la construction de fortifications. Ses travaux attirèrent l’attention des gens de l’endroit, qui lui apportèrent des spécimens. Le 6 juin, il faisait dans son journal un commentaire sur la répartition de la flore, question à laquelle il allait s’intéresser toute sa vie : « Suis sorti aujourd’hui pour ramasser certaines des plantes du nord de l’Angleterre qui poussent partout ici ; elles n’aiment pas tellement les hautes terres. » Parmi elles, « le petit chèvrefeuille nain, Cornus herbacea », et « une magnifique sorte de [...] néflier [un amélanchier, largement apprécié aujourd’hui dans les jardins anglais] ».

Le 11 juin, le Niger fit voile vers Croque, établissement de pêche isolé sur la côte est de la péninsule Northern, où Banks fit d’autres observations et d’autres excursions de cueillette. La maladie l’empêcha de travailler pendant une bonne partie de juillet, mais il put reprendre ses courses à l’arrivée du Niger sur la côte du Labrador, le 9 août. Il avait cessé, en juin, de tenir son journal au jour le jour, et sa comparaison entre les pêches britannique et française à Croque fut écrite après son arrivée au Labrador. De ces pêches, Banks dit qu’« elles diffèrent beaucoup par leurs méthodes de prendre le poisson, et [que] chacune a ses avantages propres », bien qu’il considère que « l’Anglais l’emporte, puisqu’il prend une quantité beaucoup plus grande de poissons et que son produit va chercher plus d’argent sur les marchés étrangers, parce qu’il est mieux salé ». Il poursuit en décrivant le vidage et le séchage du poisson, les divers types d’appâts et la sorte de bateaux qu’on utilise ; et il ajoute que les méthodes britanniques sont, pour l’essentiel, bien en avance sur les françaises, mais que, « pour la propreté de leurs échafauds et leur manière de travailler, [les Français] sont de loin supérieurs [aux Britanniques] ».

Un des aspects les plus intéressants des notes de Banks, d’un point de vue ornithologique, c’est qu’il arriva à Terre-Neuve à l’époque où les migrateurs printaniers étaient abondants, et qu’il atteignit le Labrador trois mois plus tard, au moment où les migrateurs automnaux partaient par milliers pour le Sud. Dans une lettre à un ancien camarade d’école, le 10 août, il écrivait : « Ce matin, je sortis pour chasser au Labrador [...] un oiseau de passage appelé ici curlew [courlis], qui vint, il y a 4 ou 5 jours, en quantité étonnante ; il ressemble fort au curlew jack [turlu] d’Angleterre, et tout le monde ici s’accorde à dire qu’il constitue un mets excellent. Je m’en vais justement dîner de quelques-uns de ces oiseaux, cuits sur le gril. » Banks en rapporta des spécimens en Angleterre, et une gravure de ces courlis esquimaux maintenant presque disparus fut imprimée dans l’Arctic zoology (2 vol., Londres, 1784–1785), de Thomas Pennant. L’intérêt de Banks pour l’archéologie fut éveillé par la découverte, l’année précédente, dans l’île aux Esquimaux, au nord de l’entrée de la baie des Châteaux, d’une grande quantité de fanons de baleine « enterrés avec soin et régulièrement disposés sur des pierres plates », et « dont on suppose qu’ils furent laissés là par les Danois, lesquels, au retour de leurs voyages du Groenland par le sud, touchaient la côte à cet endroit et y laissaient plusieurs équipes de pêcheurs de baleines ». Un phénomène semblable fut observé par les missionnaires moraves Christian Larsen Drachart* et Jens Haven* dans l’île Henley, située non loin de là. Ces observations prennent une signification spéciale en regard des travaux archéologiques qui se poursuivent actuellement dans les anciens établissements de pêche basques de la baie Red, tout juste au sud de la côte.

Quand le Niger eut rempli sa mission, il appareilla pour St John’s, où il arriva le 10 octobre 1766. «Nous avons eu grand plaisir, écrivait Banks, à revenir dans la société dont nous avons été si longtemps privés. St John’s, bien que ce soit la plus désagréable des villes que j’aie jamais vues, nous contenta parfaitement pendant quelque temps [... ] elle est construite à flanc de colline, en face du havre, et contient deux ou trois cents maisons et presque autant d’échafauds entremêlés, ce qui, en été, doit causer une puanteur à peine supportable. » « Comme tout ici sent tellement le poisson, notait-il, vous ne pouvez rien trouver qui n’en ait pas pris le goût. » Le 25 octobre, le gouverneur Palliser donna une réception officielle pour souligner l’anniversaire du couronnement de George III ; les femmes étaient si peu nombreuses dans l’île, écrivait Banks, que même sa blanchisseuse y fut invitée. Un groupe extraordinaire d’hommes talentueux était rassemblé à St John’s à ce moment-là ; parmi eux, John Cartwright, lieutenant en premier de Palliser et futur ami de Banks, et son frère George, qui devint l’un de ceux qui recueillirent sur la côte du Labrador des plantes et des animaux pour Banks. L’équipage du navire amiral de Palliser, le Guernsey, comprenait plusieurs hommes qui devaient jouer un rôle important lors des explorations de Cook* dans le Pacifique : James King*, gabier breveté doué pour les mathématiques et l’astronomie, par exemple, qui ramènerait le Discovery en Angleterre après le troisième voyage. Cook lui-même arriva dans le havre de St John’s le 27 octobre.

Le Niger de retour en Angleterre, Banks entreprit de classer et d’annoter ses collections, avec l’aide du naturaliste suédois Daniel Carl Solander, qui devint l’un de ses amis les plus intimes. Après avoir voyagé en Grande-Bretagne pendant l’automne de 1767, pour examiner diverses installations technologiques, il retourna à Londres en janvier 1768. C’est là qu’il entendit parler du voyage projeté de Cook à Tahiti pour y observer le passage de Vénus sur le disque du soleil. Conscient que l’Endeavour visiterait des pays inconnus aux naturalistes européens, Banks obtint l’autorisation de se joindre à l’expédition. Il s’entoura, pour le voyage, de Solander, d’un personnel restreint et bien formé de scientifiques, de dessinateurs et de préposés à la cueillette, tous étant ordinairement, mais incorrectement, qualifiés de serviteurs de Banks. Les observations faites au cours de cette expédition et les collections qu’on en rapporta allaient fournir aux biologistes et aux ethnologues une matière riche et variée, sur laquelle on travaille encore aujourd’hui. En outre, la preuve fut définitivement établie qu’il valait la peine d’envoyer des scientifiques dans tous les voyages d’exploration, et on jeta les bases de la biologie marine. L’intérêt de Banks pour les langues et la facilité qu’il avait pour traiter avec les habitants de terres rarement – sinon jamais – visitées par des Européens prirent une importance très grande dans l’établissement de relations pacifiques avec les autochtones, ce qui permit à Cook de se consacrer à la navigation et aux levés hydrographiques. La profonde amitié qui grandit entre ces deux hommes apparaît dans beaucoup de détails de leurs journaux respectifs.

À leur retour en Angleterre, en 1771, Banks et Solander, son principal compagnon de voyage, furent célébrés de toutes parts. Un deuxième voyage dans le Pacifique fut projeté, et Banks pensait qu’il en serait chargé ; mais il se retira en colère après qu’on eut dû réduire de beaucoup l’espace mis à la disposition de son équipe. Il se tourna alors, avec son personnel, vers les Inner Hebrides, l’Islande et les Orcades, pour y faire des observations archéologiques et géologiques. À l’époque de Noël 1772, George Cartwright arriva en Angleterre avec une famille d’Inuit ; Banks leur fit plusieurs visites, les fit peindre et les questionna avec soin sur leurs coutumes et leurs croyances. Lorsque Phipps, son compagnon du Niger, reçut une commission, la même année, pour la recherche d’une route vers l’Inde par le nord-est en passant par l’Arctique, Banks lui donna une longue liste de demandes : il voulait des renseignements sur les migrations des oiseaux et des poissons, l’eau de mer, les courants de l’océan, et il désirait aussi des spécimens biologiques. Son intérêt persistant pour l’Arctique apparaît dans une grande partie de sa correspondance, particulièrement dans les lettres qu’il reçut de William Scoresby, pionnier de l’exploration dans les mers arctiques.

En 1773, pendant que Phipps était en voyage, Banks participa activement à la direction des Royal Botanic Gardens de Kew (maintenant partie de Londres) ; ce travail eut pour résultat de faire de ces jardins un grand dépôt de plantes vivantes de toutes les parties du monde. C’est en grande partie à ses efforts qu’on doit les premiers travaux soutenus sur la flore du sud de l’Afrique, de l’Australie et de la côte canadienne du Pacifique. En plus d’avoir été effectivement le directeur des jardins de Kew jusqu’à sa mort, Banks devint le conseiller scientifique officieux de George III. En 1776, il alla se fixer dans une nouvelle maison, à Londres, où il avait suffisamment d’espace pour sa bibliothèque et son herbier, de plus en plus riches ; après son mariage, il acheta encore une autre maison, Spring Grove, à Heston, agrémentée d’un grand jardin. Fellow de la Royal Society depuis 1766, il en devint président en 1778. Il conserva ce poste jusqu’à sa mort et s’intéressa activement à l’administration de la société. En 1781, il fut créé baronnet.

Banks fut l’une des personnes les plus influentes, dans le domaine des sciences, au xviiie siècle, et l’éventail de ses intérêts professionnels couvrait tout le royaume des créatures vivantes. Géographe, également, dans la pleine acception du mot, il collabora avec William Roy à la fondation de l’Ordnance Survey et avec William Smith à la production de la première carte géologique du Royaume-Uni. Profondément intéressé au progrès de l’Australie, il a été appelé le père de ce pays. Il suivit de près les voyages dans les eaux australiennes de Matthew Flinders, lequel était accompagné du propre bibliothécaire de Banks, Robert Brown. En outre, il réussit à obtenir des moutons mérinos pour en faire l’élevage en Angleterre, puis en Australie. Ce fait est moins connu, toutefois, que son parrainage du capitaine William Bligh dans les fameux essais pour acclimater le fruit à pain de Tahiti aux Antilles. Pendant de nombreuses années, Banks fut associé aux tentatives de Matthew Boulton pour réformer la monnaie. Il fut l’un des fondateurs de l’African Association et apporta son appui à Mungo Park dans ses voyages à la recherche des sources du Niger. Grâce en partie à Banks, on fonda en 1800 la Royal Institution, organisme voué à la promotion des sciences, qui devint rapidement l’une des plus importantes sociétés indépendantes de recherche en Europe.

Même accablé par la goutte pendant les 30 dernières années de sa vie, Joseph Banks conserva jusqu’à la fin sa vaste curiosité. Une caractéristique de ce savant permet de comprendre comment cette curiosité le conduisit à une activité aussi variée : il avait le don de se trouver des intérêts communs avec des gens de tous les âges et de toutes les classes, ce qui fit de sa vie une suite perpétuelle de riches découvertes, dans le sens le plus large du mot. Également à l’aise avec les rois, les jardiniers et les savants, il fut porteur d’un cordon du poêle aux funérailles de Samuel Johnson puis de William Aiton, le grand jardinier de Kew. D’une façon typique, il demanda que ses obsèques fussent aussi simples que possible. Le nom de Banks est rappelé, dans les eaux canadiennes, par l’île Banks, au large de la Colombie-Britannique, ainsi baptisée en 1788 par Archibald Menzies*, qui avait fait de la cueillette pour Banks, et par une autre île du même nom, dans l’archipel arctique, ainsi baptisée, peu après la mort de Banks, par William Edward Parry*. Ce dernier, qui avait rendu visite à Banks en 1817, relate dans un récit comment ils discutèrent des glaces du Groenland : petit fait typique, certainement, de toute la vie de l’homme de science Joseph Banks.

Averil M. Lysaght

Les papiers de Banks, soigneusement classés, ont connu un triste sort après son décès : un grand nombre de ceux-ci ont été mis en vente par un parent, violant ainsi les dispositions prises par Banks pour que ses manuscrits soient déposés au British Museum. À la suite de diverses ventes à l’encan, les manuscrits ont été dispersés un peu partout dans le monde ; son manuscrit sur les plantes et les oiseaux de Terre-Neuve et quelques peintures des oiseaux de l’île, conservés aux McGill University Libraries (Montréal), sont les seuls disponibles au Canada. À cause du peu d’accessibilité des documents qui auraient établi l’autorité de Banks, celui-ci est tombé dans un oubli relatif après sa mort et aucune biographie complète n’a paru. Il y a bien le travail d’Edward Smith, écrit au début du xxe siècle, qui mériterait ce nom, mais son auteur, après avoir vu son manuscrit rejeté par plusieurs éditeurs, l’a abrégé pour en faire un ouvrage destiné au grand public, intitulé The life of Sir Joseph Banks [...] (Londres et New York, 1911 ; réimpr., New York, 1975). Il est demeuré la seule biographie de Banks, jusqu’à la publication à Londres, en 1952, d’une étude courte et soigneusement documentée de Charles Cameron, intitulée Sir Joseph Banks, K.B., P.R.S., the autocrat of the philosophers. Charles Lyte a publié depuis une biographie populaire sous le titre de Sir Joseph Banks (Newton Abbot, Angl., 1980).  [a. m. l.]

Joseph Banks, The Endeavour journal of Joseph Banks, 1768–1771, J. C. Beaglehole, édit. (2 vol., Sydney, Australie, 1962) ; The journal of Joseph Banks in the Endeavour (Guildford, Angl., 1980) ; « Some early letters from Joseph Banks (1743–1820) to William Phelp Perrin (1742–1820) », A. M. Lysaght, édit., Royal Soc. of London, Notes and Records (Londres), 29 (1974–1975) : 91–99.— The Banks letters : a calendar of the manuscript correspondence of Sir Joseph Banks [...], W. R. Dawson, édit. (Londres, 1958).— The journals of Captain James Cook on his voyages of discovery, J. C. Beaglehole, édit. (4 vol. en 5 et une chemise, Londres et Cambridge, Angl., 1955–1974), 1. A. M. Lysaght, « Banks’s artists in the Endeavour », James Cook, The journal of H.M.S. Endeavour, 1768–1771 (Guildford, 1977), 34–47 ; « Joseph Banks in the Niger and the Endeavour », 25–36 ; « A note on the Admiralty copy of Cook’s journal in the Endeavour », 10–12.— ADB.— DNB.— DSB. A. M. Lysaght, Joseph Banks in Newfoundland and Labrador, 1766 : his diary, manuscripts and collections (Londres et Berkeley, Calif., 1971). Yolande O’Donoghue, William Roy, 1726–1790 : pioneer of the Ordnance Survey (Londres, 1977). A. M. Lysaght, « Joseph Banks at Skara Brae and Stennis, Orkney, 1772 », Royal Soc. of London, Notes and Records, 28 (1973–1974) : 221–234 ; « Some eighteenth century bird paintings in the library of Sir Joseph Banks (1743–1820) », British Museum, Natural Hist., Bull., Hist. Ser. (Londres), 1 (1953–1959) : 254–371.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Averil M. Lysaght, « BANKS, sir JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/banks_joseph_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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