HARTSHORNE, LAWRENCE, homme d’affaires, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 1er juillet 1755 à Black Point, New Jersey, fils de John Hartshorne et de Lucy Saltar ; le 20 janvier 1780, il épousa à New York Elizabeth Ustick, puis le 2 septembre 1802, à Halifax, Abigail Tremain ; décédé le 10 mars 1822 à Dartmouth, Nouvelle-Écosse.

Issu d’une importante famille quaker de la région de Sandy Hook, au New Jersey, Lawrence Hartshorne fit carrière dans le sillage de la Révolution américaine. Tant ses convictions religieuses que la proximité des troupes britanniques l’immunisèrent contre tout sentiment de solidarité révolutionnaire ; le jeune Hartshorne s’installa en 1777 à New York, près de sa ville natale, et se lança dans le commerce. Trois ans plus tard, il gravit un échelon dans sa carrière et compromit du même coup sa neutralité politique en devenant le gendre de William Ustick, quincaillier qui s’était naguère mis à dos les Fils de la liberté de New York en enfreignant le boycottage des colonies sur les produits manufacturés en Grande-Bretagne. En raison des liens familiaux et commerciaux qu’il avait noués pendant la guerre avec l’establishment des loyalistes et des militaires britanniques, Hartshorne quitta New York en 1783 avec l’exode des loyalistes.

Ayant bien tiré parti de ses relations avec des notables comme sir Guy Carleton* pour obtenir des concessions s’étendant sur plusieurs milliers d’acres en Nouvelle-Écosse, Hartshorne décida donc de s’établir à Halifax et de s’y associer comme quincaillier à Thomas Boggs, également réfugié du New Jersey. Au cours des années 1780, il commença à se consacrer au développement agricole, tant comme trésorier d’une société d’agriculture tout à fait innovatrice en 1789 que comme propriétaire d’une ferme modèle située aux abords de Dartmouth. Jouissant d’une grande popularité parmi ses pairs, Hartshorne amorça sa carrière publique en 1791 en devenant premier assistant de John Clarkson dans le projet visant à transporter des loyalistes noirs de la Nouvelle-Écosse vers la Sierra Leone [V. David George* ; Thomas Peters*]. Apparemment, Hartshorne était mû par un intérêt pour les Noirs qui lui venait de sa foi quaker et par la conviction qu’un retour en Afrique était le meilleur moyen d’améliorer leur sort.

C’est entre 1792 et 1808, pendant que John Wentworth* était lieutenant-gouverneur de Nouvelle-Écosse, que Hartshorne fit sa place au soleil. Lui même loyaliste, Wentworth fit de Hartshorne l’un des privilégiés du népotisme officiel en lui accordant par exemple un siège dans la magistrature ainsi qu’à la commission locale de la voirie et à la commission de l’hospice des pauvres. Ses bonnes relations avec le lieutenant-gouverneur aidèrent probablement Hartshorne à se faire élire député de la circonscription de Halifax en 1793. Puis, en 1801, après avoir été battu par les « réformistes » de William Cottnam Tonge aux élections générales de 1799, qui avaient d’ailleurs été controversées, Hartshorne fut nommé au Conseil de Nouvelle-Écosse. Cette désignation vint confirmer son appartenance au cercle fermé de l’oligarchie. En fait, un critique anonyme du régime de Wentworth, dénonçant en Hartshorne un « ci-devant ferronnier quaker », prétendit que seul Michael Wallace était plus influent que lui.

Les faveurs de Wentworth ne se limitèrent pas à des attributions de poste. À son instigation, Hartshorne forma une société avec un autre loyaliste, Jonathan Tremain, et construisit vers 1792 un ensemble composé d’un moulin à farine et d’une boulangerie dans la partie du port de Halifax située du côté de Dartmouth (l’emplacement ayant été choisi en raison de la présence d’énergie hydraulique). Cette entreprise, qui nécessita un investissement de £6 000 à £7 000, demeura longtemps la plus importante de la Nouvelle-Écosse. Son succès reposait en grande partie sur l’obtention de contrats de farine avec l’armée et, sur ce plan, Wentworth apporta une aide déterminante aux associés. De plus, il encouragea Hartshorne à participer aux projets concernant la fondation d’une banque à Halifax et le creusement d’un canal entre la ville et la baie de Fundy [V. Isaac Hildrith*]. Après l’éclatement de la guerre avec la France en 1793, Wentworth, grâce à ses relations avec le ministère de l’Intérieur, aida Boggs et Hartshorne à obtenir des contrats de l’armée. En outre, il les nomma tous deux agents d’approvisionnement pour la population indienne de la Nouvelle-Écosse. En une autre occasion, il accorda un bail exclusif à Hartshorne et à la société de William Forsyth* et de William Smith pour l’exploitation des gisements de charbon situés en Nouvelle-Écosse continentale. Hormis le moulin à farine et les contrats militaires, toutes ces entreprises échouèrent mais soulignèrent l’appartenance de Hartshorne au cercle de Wentworth. En retour, Hartshorne prêtait de l’argent à la famille Wentworth, souvent aux prises avec des difficultés financières.

La seule controverse importante qui marqua la carrière publique de Hartshorne eut lieu lorsqu’il démissionna du Conseil de Nouvelle-Écosse en 1804 pour protester contre la nomination au sein de cet organisme de John Butler Butler, fonctionnaire du commissariat de l’armée et fournisseur militaire. Hartshorne prétexta que Butler l’avait offensé en prétendant avoir préséance sur lui au conseil, mais il est plus probable qu’il ne pouvait pas tolérer la présence de quelqu’un qui l’avait auparavant déjoué en présentant des soumissions pour d’importants contrats de farine avec l’armée. En 1807, Wentworth tenta de réintégrer Hartshorne au conseil mais Londres ne ratifia jamais sa nomination. Toutefois, l’incident ne préjudicia pas gravement à l’avenir de Hartshorne. Même après la révocation de Wentworth en 1808, il continua de bénéficier de faveurs officielles ; ainsi, en 1812, il fut nommé à la commission chargée d’émettre le papier-monnaie de la province.

De 1800 à 1810, Hartshorne continua d’exercer ses activités de quincaillier et de minotier. Faute de documents, il est difficile d’estimer la valeur relative de ses activités commerciales. Cependant, il ne monopolisait le commerce de la farine ni dans la région, ni dans la province, la concurrence des exportateurs américains posant un problème constant dans ce domaine. Hartshorne fut également membre fondateur de l’association qui devint la Halifax Fire Insurance Company. Malgré des pertes par escheat, il conserva plus de 17 000 acres dans ce qui constitue aujourd’hui le comté de Guysborough et au moins, il tenta à quelques reprises de les coloniser. De plus, il continua de s’intéresser au développement agricole et se distingua après la guerre de 1812 comme partisan de John Young*.

Quelque temps après 1800, Lawrence Hartshorne quitta Halifax pour s’installer à Dartmouth dans une grande résidence de bois à trois étages, connue sous le nom de Poplar Hill. Avec sa seconde femme, fille de son associé Jonathan Tremain, il y élevait une famille composée de trois garçons et de six filles nés de ses deux mariages, et d’un jeune cousin, Robert Hartshorne, venu de Virginie pour travailler dans l’entreprise familiale. Il consacra la dernière phase de sa carrière à assurer l’avenir de ses descendants immédiats. Il fit par exemple baptiser ses enfants (à l’âge adulte pour certains) dans l’Église d’Angleterre. En outre, la famille acquit un banc à St Paul, l’église anglicane de Halifax. Une série de mariages s’ensuivit : à l’instar de leur père, trois de ses enfants épousèrent des membres de la famille Tremain. Quant à ses trois fils, John mourut jeune, Lawrence succéda à son père comme associé de Thomas Boggs et Hugh fit des études de droit. Jusqu’au milieu du xixe siècle, la famille Hartshorne resta très en vue dans la vie commerciale, politique et mondaine de la capitale néo-écossaise, et les somptueuses réceptions qu’elle donnait dans son domaine de Dartmouth lui valurent une notoriété particulière. Ainsi, Hartshorne renforça l’affirmation souvent exagérée selon laquelle les loyalistes auraient marqué de façon durable la mentalité de l’Amérique du Nord britannique.

D. A. Sutherland

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, H48 (Lawrence Hartshorne) (rnfm aux PANS).— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 33 : fo 145 ; 35 : fo 438 (mfm aux PANS).— PANS, MG 9, no 218 : 18, 26 ; RG 1, 54 : fo 150 ; 58, no 7 ; 173 : fo 169 ; 224, no 131 ; 287, no 171 ; 369, no 271 ; 430, no 446 ; 458, 3 janv. 1817 ; RG 4, LC, 1er, 14 mars 1811 ; RG 20A, 5, 1784, 1796.— PRO, CO 217/36 : 144 ; 217/37 : 266 ; 217/63 : 242 ; 217/64 : 5 ; 217/66 : 215 ; 217/68 : 207 ; 217/76 : 222 ; 217/77 : 108 ; 217/79 : 23 ; 217/81 : 354 ; 217/98 : 99, 198.— John Clarkson, Clarkson’s mission to America, 1791–1792, introd. de C. B. Fergusson, édit. (Halifax, 1971).— N.-É., Acts, 1801, chap. 5–6 ; House of Assembly, Journal and proc., 11 juin 1801, 2 mars 1811.— Acadian Recorder, 17 oct. 1818, 20 mars 1819.— Free Press (Halifax), 12 mars 1822.— Nova-Scotia Royal Gazette, 19 févr., 24 déc. 1793, 18 mars 1794, 16 févr. 1796, 17 juin 1800, 8 mars 1808, 25 avril 1809, 27 mai 1812.— Directory of N.S. MLAs.— Sabine, Biog. sketches of loyalists.— W. C. Abbott, New York in the American revolution (New York et Londres, 1929).— A. H. Bill, New Jersey and the Revolutionary War (Princeton, N.J., 1964).— R. M. Calhoon, The loyalists in revolutionary America, 1760–1781 (New York, 1973).— L. R. Gerlach, « New Jersey in the coming of the American revolution », New Jersey in the American revolution : political and social confiict ; papers presented at the first annual New Jersey History Symposium [...] (Trenton, N.J., 1970), 8–20.— J. P. Martin, The story of Dartmouth (Dartmouth, N.-É., 1957).— Murdoch, Hist. Of N.S., 3.— J. E. Pomfret, The province of East New Jersey, 1609–1702 : the rebellious proprietary (Princeton, 1962).— Margaret Ells, « Govemor Wentworth’s patronage », N.S. Hist. Soc., Coll., 25 (1942) : 49–73.

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D. A. Sutherland, « HARTSHORNE, LAWRENCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hartshorne_lawrence_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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