HARDING, THOMAS, tanneur, homme politique et juge de paix, né vers 1786 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, cinquième fils du capitaine William Harding et d’une prénommée Leah ; le 15 octobre 1808, il épousa Mary Johnson, et ils eurent sept fils, dont deux devinrent médecins, et quatre filles ; décédé le 7 avril 1854 à Saint-Jean.

Le père de Thomas Harding, loyaliste, arriva à Parrtown (Saint-Jean) en 1783 et devint un respectable capitaine au long cours dans la marine marchande de la ville. Jeune homme, Thomas Harding fut placé comme apprenti chez un tanneur de Saint-Jean et, en 1808, son nom apparaît sur le registre de la ville comme tanneur et citoyen. Il ouvrit ensuite sa propre tannerie, qu’il exploita jusqu’au milieu du siècle. Même s’il s’agissait de la plus grande tannerie de la ville et que, au début des années 1840, elle utilisait des machines à vapeur, elle demeura une entreprise artisanale. À la fin des années 1840, Harding employait très probablement une douzaine de compagnons et d’apprentis, dont son second fils, Thomas.

Harding appartenait à un petit groupe évangélique majoritairement rattaché à des traditions non conformistes qui en vint à dominer la vie municipale de Saint-Jean au milieu du xixe siècle. En 1805, son jeune frère George avait fait venir à Saint-Jean Edward Manning, premier prédicateur baptiste blanc à visiter la ville [V. David George*]. Après avoir assisté à ses offices, plusieurs membres de la famille Harding se convertirent à la foi baptiste New Light qu’il professait. Le reste de la famille, dont Thomas, fut baptisé peu de temps après par un autre visiteur baptiste, Joseph Crandall. Au sein de cette ville où, dans les années 1840, les baptistes formaient une minorité méprisée, Thomas Harding devint non seulement un chef laïque de la confession, mais aussi un partisan important d’organisations comme la British and Foreign Bible Society et la Saint John Total Abstinence Society, qui recrutaient leurs membres dans plusieurs confessions évangéliques.

Le secteur de la ville dans lequel Harding habitait contribua aussi à former la mentalité du jeune homme. Les quartiers Dukes et Sydney englobaient la moitié sud de la principale presqu’île de Saint-Jean. Au centre de celle-ci se trouvait le lieu-dit Lower Cove, habité par des artisans, des ouvriers et des soldats, où les prétentions de l’aristocratie loyaliste s’étaient heurtées à l’opposition populaire lors des fameuses élections chaudement disputées de 1785 [V. Elias Hardy*].

Harding s’initia à la vie publique en se faisant élire échevin adjoint du quartier Dukes en 1815. Il fut réélu l’année suivante et, en 1817, se présenta avec succès au siège d’échevin. De 1817 à 1851, il fut élu à ce poste 30 fois, le plus souvent sans opposition. À une époque de scrutin public où les élections étaient tumultueuses et la politique municipale parfois violente, Harding se révéla capable de mener d’excellentes campagnes. En 1851, le lieutenant-gouverneur, sir Edmund Walker Head*, ayant accepté de renoncer en faveur du conseil municipal à sa prérogative de nommer le maire de Saint-Jean, Harding fut élu à l’unanimité à ce poste par le conseil. Dans son discours de réception, il annonça son intention de remplir un seul mandat. Il se retira de la vie politique en 1852.

À titre d’échevin – la ville en comptait six –, Harding avait reçu une commission de juge de paix et siégeait comme magistrat tant à la Cour inférieure des plaids communs qu’à la Cour des sessions trimestrielles du comté. Entre autres fonctions municipales et judiciaires, les échevins décidaient aussi de la nomination de la plupart des fonctionnaires de la ville et du comté. En outre, par l’entremise des comités du conseil, ils dirigeaient personnellement presque tous les aspects de la vie municipale, négociant fréquemment des ententes et des contrats, surveillant les travaux publics et embauchant la main-d’œuvre occasionnelle et contractuelle. À cause de son ancienneté, Harding siégea après 1830 au sein des principaux comités, surtout ceux des finances et de la sécurité publique.

Harding était le porte-parole de la classe des petits commerçants (artisans et détaillants) et des non-conformistes, deux groupes influents mais désavantagés de Saint-Jean. Ses positions sur certains problèmes qui accompagnèrent l’expansion urbaine des décennies 1830 et 1840 donnent une idée de la perception qu’avait du régime impérial ce non-conformiste de la classe moyenne, fils d’immigrés des Treize Colonies. Harding était convaincu que le règlement constitutionnel contenu dans la charte royale accordée à Saint-Jean en 1785 donnait au peuple la meilleure forme possible d’administration. Chaque fois que les prérogatives du conseil municipal étaient en cause, il les défendait avec vigueur. La plupart de ses autres positions politiques en découlaient. Il craignait particulièrement les tendances centralisatrices du lieutenant-gouverneur et du Conseil exécutif, les prétentions des autorités et les demandes des gros commerçants pour obtenir la protection que pourraient garantir des pouvoirs exécutifs élargis et des institutions provinciales plus fortes. Ces préventions l’amenèrent à s’opposer aux principaux marchands de bois de Saint-Jean, qui tentaient de s’assurer la mainmise sur la plus importante source éventuelle de pouvoir de la ville, et à résister fermement à John Robertson*, un des plus gros marchands de la province, qui voulait obtenir des baux à long terme à des loyers inhabituellement bas pour une partie substantielle des terres que la ville possédait en bordure du port.

Après le grand incendie du 19 août 1839, Harding mena sa plus grande bataille contre l’Assemblée de la province qui, à l’instigation du lieutenant-gouverneur sir John Harvey, vota une loi prévoyant l’élargissement des rues du secteur rasé par les flammes. Le coût de l’expropriation des terres désignées, qui appartenaient aux plus grands propriétaires de la ville, devait être assumé par l’ensemble des citoyens. Sous la direction de Harding et de Gregory Van Horne, un groupe de conseillers s’opposa à cette incursion dans l’autonomie de la ville en préparant une pétition pour la couronne. Ils se butèrent alors à l’opposition du maire, Robert Fraser Hazen, et du recorder de Saint-Jean, William Boyd Kinnear*, tous deux nommés par la couronne. Au cours de la bataille qui s’ensuivit, les dissidents, majoritaires au conseil, mirent en échec les objections du maire, firent passer leur résolution et s’en prirent ensuite au recorder parce qu’il appuyait la position de Harvey. Au plus fort du débat, Harding mit son bras droit sur la table du conseil et se déclara prêt à le couper avant de renoncer à une seule des prérogatives de la ville. Furieux, Harvey commença par réprimander les échevins, puis accepta d’envoyer leur pétition à Londres en y joignant ses objections. Finalement, le gouvernement britannique renversa la décision de l’Assemblée.

Il n’est pas étonnant que Harding se soit opposé à toute tentative de modifier la charte de la ville malgré les changements que subissait la vie urbaine au milieu du xixe siècle. Dans la plupart des cas, le gouvernement provincial et la communauté des marchands de Saint-Jean voulaient restreindre le droit de vote, augmenter le cens d’éligibilité aux postes d’échevin et créer une fonction publique permanente qui remplacerait les administrateurs publics qui, traditionnellement, exerçaient leurs fonctions à titre bénévole ou étaient cooptés en échange d’honoraires. Harding se retrouva aussi aux premiers rangs de l’opposition lorsque la chambre d’Assemblée tenta de priver le conseil municipal de son autorité judiciaire en créant un organisme de « magistrats stipendiaires » qui serait responsable de l’administration de la justice et du maintien de l’ordre dans la ville [V. Benjamin Lester Peters].

En raison de ses prises de position, Harding en vint à être considéré, tant par les tories que par les réformistes d’avant-garde, comme un personnage aux vues étroites qui ne s’intéressait qu’à la politique de quartier et à l’influence que lui garantissait son poste d’échevin. Inévitablement, il se préoccupait surtout de son quartier, où son autorité politique reposait sur un réseau complexe de favoritisme officiel et officieux qui s’était étendu au fil des ans. Mais souvent, c’était parce qu’il était prêt à employer les deniers publics à des fins humanitaires et qu’il était attentif aux souhaits de la « masse » que ses détracteurs le critiquaient. En période de récession, par exemple, Harding était toujours disposé à employer un grand nombre de chômeurs sur les chantiers de travaux publics.

Dans l’ensemble, Thomas Harding fut un leader municipal doué et efficace. Il participait à des réunions de comité, surveillait des travaux publics de tous genres, négociait des contrats, s’occupait des criminels, supervisait personnellement la police et siégeait en cour deux fois par mois, consacrant chaque année des centaines d’heures à ces fonctions municipales.

T. W. Acheson

Il n’existe aucune étude traitant de Thomas Harding en dehors des brèves allusions à son mandat de maire figurant dans plusieurs études de la ville de Saint-Jean, N.-B. Les meilleures sources concernant son activité sont les procès-verbaux du conseil municipal de Saint-Jean et les documents qui les accompagnent ; on retrouve les premiers au City Clerk’s Office ; les autres, aux APNB, RG 18, RS427. Les procès-verbaux des 15 nov. 1836, 14 oct., 7, 21 nov. 1839, 9 févr., 3 oct. 1843, 10 janv. 1844, 26 févr. 1845, 19 mai 1847 et 29 janv. 1849 sont particulièrement utiles.  [t. w. a.]

      Morning News (Saint-Jean), 10 avril 1854.— New-Brunswick Courier, 10 mai 1851.— Saint John Chronicle and Colonial Conservative, 14 avril 1854.— Biographical review : this volume contains biographical sketches of leading citizens of the province of New Brunswick, I. A. Jack, édit. (Boston, 1900), 112–114.— I. E. Bill, The Baptists of Saint John, N.B. ; two sermons on the rise and progress of the Baptist church in Saint John, New Brunswick (Saint-Jean, 1863), 5.— MacNutt, New Brunswick.

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T. W. Acheson, « HARDING, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/harding_thomas_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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