CRANDALL, JOSEPH, ministre baptiste et député, né vers 1761 à Tiverton, Rhode Island, fils de Webber Crandall et de Mercy Vaughan ; décédé le 20 février 1858 à Salisbury, Nouveau-Brunswick.
Joseph Crandall immigra avec ses parents à Chester, en Nouvelle-Écosse, au début des années 1770. Parmi les souvenirs qu’il garda de cette époque de colonisation se détachent l’absence d’écoles, la mort de sa mère quand il avait environ 13 ans, puis l’arrivée de Henry Alline* que les gens de la région appelaient un New Light et que Crandall décrivit comme un « homme étrange qui prêchait à Windsor et dans les localités environnantes ». Il semble que Crandall n’ait jamais rencontré Alline (bien que son père l’ait entendu prêcher), mais il écouta plusieurs évangélistes, tels John Sargent et Harris Harding, sans que cela l’ait touché visiblement. Dans sa jeunesse, il se soumit une seule fois aux pratiques de la religion en se faisant baptiser par un ministre presbytérien, geste qu’il devait regretter plus tard.
Après la mort de son père, Crandall alla à Liverpool et s’engagea dans la pêche à la morue, puis il travailla à transporter du bois de Shubenacadie à Windsor. Comme la plupart des « pères fondateurs » de l’Église baptiste dans les Maritimes, c’est finalement à l’âge adulte qu’il connut une crise religieuse, dans son cas à 35 ans environ. En juillet 1795, il entra dans une maison privée de Chester, où Harding et Joseph Dimock* étaient en train de prêcher. Il évoqua plus tard sa conversion en ces termes : « Mon cœur impitoyable se brisa enfin et j’eus une vision d’un monde moribond gisant en ruine telle que je ne pourrais jamais l’exprimer. À la grande surprise de l’assistance, je pris la parole et j’essayai de dire ce que je ressentais et voyais [...] Je vis la miséricorde si proche de la justice divine qu’elles ne faisaient qu’un, que ce que Dieu a accompli en la personne du Christ suffit à sauver tous ceux qui viennent à Lui pour demander miséricorde par l’intermédiaire de Jésus-Christ. » Après un été passé à Newport, Crandall revint à Chester et se joignit à la congrégation de Dimock, laquelle donnait le sacrement de l’eucharistie à tous. Malgré son vif désir de prêcher, il se retint de le faire parce qu’il avait très peu d’instruction. À la fin de 1795, il fit cependant un rêve dans lequel on lui disait de se jeter dans une rivière déchaînée et « de sauver toutes les personnes qu’[il] pourrai[t] ». Le jour même, Dimock baptisa Crandall par immersion, et ce dernier accompagna peu après Harding à Liverpool où il commença sa carrière de prédicateur.
Crandall parcourut la Nouvelle-Écosse en prêchant durant quelques années et finit par se rendre au Nouveau-Brunswick dont il devait faire son territoire de prédication pour le reste de sa vie. Après un examen de conscience approfondi, tandis qu’il défrichait la terre d’une ferme à Salisbury, dans le comté de Westmorland, Crandall constata que « le sombre nuage qui avait si longtemps obscurci [son] esprit » s’était dissipé, et il décida de se faire ministre. Le 8 octobre 1799, il devint le premier ministre baptiste de la province à recevoir l’ordination selon la règle ; il fut alors choisi comme pasteur à l’église de Sackville par Edward Manning, Théodore Seth Harding et Dimock. L’année suivante, il mit sur pied une congrégation à Salisbury avec laquelle il maintint des rapports jusqu’à sa mort. En 1797, il avait épousé la fille aînée de Jaimy Sherman, de Salisbury, et ils eurent six enfants. Après la mort de sa première femme, Crandall épousa Martha Hopper, de Sackville, et le couple eut huit enfants.
Crandall joua un rôle actif dans la Nova Scotia Baptist Association dès sa fondation en 1800. Lorsqu’une association distincte fut mise sur pied au Nouveau-Brunswick en juillet 1822, il en fut nommé président et semble avoir rempli cette fonction avec régularité jusque dans les années 1840. Il œuvra pendant de nombreuses années comme missionnaire de l’organisation néo-écossaise dans l’est du Nouveau-Brunswick et, durant sa longue carrière, il continua de voyager dans les deux colonies ; selon un commentaire d’Ingraham Ebenezer Bill*, l’un de ses successeurs, la « direction pastorale continue d’une église particulière n’était pas son fort ». Il semble qu’il se soit accommodé des épreuves et de l’inconfort des voyages dans les forêts et qu’il ait considéré avec grand dédain, comme beaucoup de ses contemporains, tant l’argent que les appointements fixes. Il tenta d’exercer une autorité spirituelle sur tous les baptistes des comtés de Westmorland et d’Albert, et il desservit comme pasteur un certain nombre d’églises de la région à différentes époques de sa vie. Dans les années 1840, à mesure que l’Eglise baptiste croissait et prospérait et que la province se peuplait, le penchant de Crandall pour les voyages, qui convenait si bien aux années de formation de l’Église, fut peu à peu mal vu. En 1821, il n’y avait que six ministres ordonnés pour desservir une population dispersée de 506 fidèles, mais, en 1847, leur nombre était passé à 4 806 et celui des prédicateurs réguliers à 48. Les déplacements de Crandall eurent des conséquences involontaires qui soulevèrent des objections ; on lui reprochait de « troubler les jeunes pasteurs et de faire naître chez les gens l’amour du changement ».
En 1818, année où l’Église baptiste essaya d’obtenir la reconnaissance juridique et l’égalité avec l’Église établie d’Angleterre, Crandall fut élu député de la circonscription de Westmorland à la chambre d’Assemblée du Nouveau-Brunswick. Il dut cependant démissionner lorsque l’Assemblée proclama l’inéligibilité de tous les ecclésiastiques à siéger à la chambre. Crandall considéra toujours cette mesure comme injuste, mais il refusa d’affronter le gouvernement à ce sujet. Pendant de nombreuses années par la suite, il usa de son autorité pour que les députés représentant cette circonscription à l’Assemblée appuient la liberté civile et surtout la liberté religieuse. En 1836, il fut élu président de la New Brunswick Baptist Education Society, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort.
Sans nul doute le leader baptiste le plus influent et le plus vénéré du Nouveau-Brunswick au début du xixe siècle, Joseph Crandall a laissé peu de preuves écrites de son importance. Il improvisa presque tous ses sermons, lesquels ne furent par conséquent jamais publiés ni conservés. Mais plusieurs générations de Néo-Brunswickois des villages dispersés de l’arrière-pays se souvinrent de lui avec affection comme d’un prédicateur à l’air imposant, qui traitait invariablement dans ses sermons du Christ et de la crucifixion, sujet typiquement évangélique. Il n’écrivit qu’un fragment autobiographique, trop bref pour être explicite, sous la forme d’un mémoire spirituel. Il est impossible de compter le nombre de personnes qu’il convertit ou baptisa, mais il eut toujours du succès. Actif jusqu’à la fin, Crandall, soutenu en chaire par deux de ses diacres, prononça son dernier sermon à Salisbury six semaines avant sa mort à l’âge de 97 ans. Il mourut comme il avait vécu, « revêtu de son armure ».
Le mémoire spirituel de Joseph Crandall a été édité par J. M. Bumsted et publié sous le titre de « The autobiography of Joseph Crandall », Acadiensis (Fredericton), 3 (1973–1974), no 1 : 79–96.
Bill, Fifty years with Baptist ministers.— Levy, Baptists of Maritime prov.— MacNutt, New Brunswick.
J. M. Bumsted, « CRANDALL, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/crandall_joseph_8F.html.
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Auteur de l'article: | J. M. Bumsted |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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