GRANT, WILLIAM, trafiquant de fourrures et marchand, né en 1743 à Kirkmichael, Écosse, fils de John Grant et de Genevieve Forbes ; le 27 février 1787, il épousa à Trois-Rivières (Québec) Marguerite Fafard, dit Laframboise, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 20 novembre 1810 près de William Henry (Sorel, Québec).
William Grant, communément surnommé William Grant de Trois-Rivières pour le distinguer de William Grant de Saint-Roch, et d’au moins deux autres personnages du même nom qui furent ses contemporains, appartient à une grande famille dont plusieurs membres furent actifs dans la traite des fourrures pendant les premières décennies du Régime anglais. Il arrive dans la province de Québec peu après la Conquête. En 1767, il habite Montréal où il est déjà un négociant engagé dans la traite des fourrures. Il poursuit sa carrière pendant près de 20 ans, seul ou avec des associés, dans la région située au sud-ouest de Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) et dans celle des lacs Supérieur et Nipigon. Sa vie publique ne paraît pas avoir été importante ; le seul poste qu’il aurait occupé est celui de juge de paix du district de Trois-Rivières en 1792.
En 1767, des marchands de Michillimakinac remettent à Grant et à Richard DOBIE des propositions concernant la réorganisation de la traite afin qu’elles soient étudiées et acheminées à Londres. Puis plus de trace de l’activité de Grant pendant les dix années suivantes. En 1777, il fournit une caution à Ezekiel Solomons qui expédie un canot de marchandises d’une valeur de £250 à Michillimakinac. En 1778, il obtient, avec Solomons, deux permis de traite pour expédier cinq canots transportant des marchandises évaluées à £1 650 au lac Nipigon et, la même année, il séjourne à Michillimakinac. Avant 1777, il s’était associé à John Grant, gendre de Dobie ; le fonctionnement de cette société qui se termine en 1780 demeure inconnu.
Pendant les années 1780, Grant poursuit son activité de trafiquant. Il obtient régulièrement des permis et séjourne plusieurs fois dans les pays d’en haut. Il s’intéresse à la région du lac Supérieur, où il envoie un canot et £50 de marchandises en 1780, et à la zone tributaire de Michillimakinac, où il achemine quatre canots et une cargaison d’une valeur de £2 000 en 1781, quatre canots totalisant £3 500 l’année suivante, et cinq canots évalués à £5 000 en 1783. L’année précédente, il s’était lié à Gabriel Cotté* pour faire la traite aux postes du lac Nipigon et de la rivière Pic (Ontario). Les associés fournissaient les marchandises à parts égales et partageaient de même les produits de la traite. En 1785, Alexander Shaw, employé de Grant et Cotté, entre dans la société, et les trois hommes divisent également les profits et les pertes. Cette entente semble avoir pris fin en 1786.
De 1780 à 1786, Grant agit rarement à titre de caution ; il en fournit une seule en 1782. Il est alors associé à Dobie qui joue un rôle important dans la carrière de Grant pendant ces années. Dobie compte habituellement parmi ceux qui appuient financièrement les expéditions de Grant et il agit comme équipeur des sociétés qu’il a formées avec Cotté ainsi qu’avec Shaw. Après avoir obtenu des permis de traite à destination de Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), Grant équipe quatre canots évalués à £2 800 en 1786, deux canots d’une valeur de £450 en 1787 et un canot estimé à £200 l’année suivante ; il y séjourne au moins en 1786 et en 1790. En même temps, il semble prendre une part plus active au négoce ; il collabore avec Dobie pour fournir l’équipement nécessaire à tout un réseau de trafiquants et, toujours avec lui, il agit comme bailleur de fonds. Cette association non officielle se termine en 1788 au moment où Dobie prend un nouvel associé, Francis Badgley*.
Cette expérience, de même que ses liens professionnels et amicaux avec Dobie, sera très utile à Grant pendant les dernières années de sa carrière dans la traite des fourrures. En 1791, il forme avec Étienne-Charles Campion*, trafiquant de Michillimakinac, et Samuel Gerrard*, marchand de Montréal et parent par alliance de Dobie, la Grant, Campion and Company qui va occuper une place très importante dans le commerce au sud-ouest des Grands Lacs et au Témiscamingue. Au sein de cette compagnie, Grant s’occupe du commerce général, Campion de la traite « avec les sauvages dans les pays d’en haut » et Gerrard tient les livres de comptes. Grant et Campion reçoivent chacun trois huitièmes des profits et Gerrard, le dernier quart.
La Grant, Campion and Company semble avoir pris en main le réseau de traite équipé antérieurement par Dobie. Elle fournit des objets de traite à divers marchands de Michillimakinac ainsi qu’à des trafiquants de toute la région s’étendant du lac Supérieur au Mississippi. La compagnie s’occupe de l’engagement de voyageurs, paie leurs gages et écoule les fourrures qui lui sont consignées, soit à Montréal ou en Angleterre. La société participe aussi directement à la traite à Michillimakinac, où Campion est très actif, et au Témiscamingue où la société semble posséder un droit exclusif d’exploitation et où son correspondant est Charles Phillips.
Au début des années 1790, la Grant, Campion and Company figure parmi les plus importantes sociétés engagées dans le commerce des fourrures au sud-ouest de Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota), de Michillimakinac et de Detroit. Avec la Todd, McGill and Company, la Forsyth, Richardson and Company et Alexander Henry*, elle entreprend des négociations avec la North West Company au sujet du partage des zones de traite et, en septembre 1792, les compagnies conviennent de ne pas nuire à leurs intérêts respectifs. On procède alors à un nouveau partage des actions de la North West Company, et la Grant, Campion and Company en reçoit une. Cependant, en novembre 1794, Grant décide de mettre fin à la société au mois de novembre de l’année suivante. Dans une longue lettre à Simon McTavish, il explique que la situation précaire du commerce des fourrures dans le sud-ouest des Grands Lacs, de même que de violentes douleurs à l’estomac et des problèmes de vision, qui l’empêchent presque d’écrire, font en sorte qu’il se trouve de moins en moins capable de mener ses affaires. Sa crainte que la Grande-Bretagne soit obligée d’abandonner sous peu les postes du Sud-Ouest semble également avoir influencé sa décision. La compagnie est donc dissoute en novembre 1795. Campion meurt peu de temps après et Grant se retire définitivement du commerce des fourrures.
Grant s’était aussi intéressé au commerce de gros et de détail de produits importés de Grande-Bretagne. Il exerce d’abord cette activité à Trois-Rivières, où il s’était marié en 1787, avait acquis une propriété en 1788 et avait élevé sa famille. Durant les années où il participa à la Grant, Campion and Company, il avait un associé à Trois-Rivières, James Mackenzie, qu’il approvisionnait en produits importés pour le marché trifluvien ; la James Mackenzie and Company est dissoute le 1er octobre 1796. Peu de temps après, Grant prend un nouvel associé, Claude Laframboise, avec lequel il est en affaires jusqu’en 1800 sous le nom de William Grant and Company, à Trois-Rivières, et de Grant and Laframboise, à Montréal. Grant quitte Trois-Rivières et, en 1801, s’installe avec sa famille à Nicolet où habite son beau-frère, Pierre-Michel Cressé, seigneur de l’endroit. Il semble continuer à s’intéresser au commerce et il passe quelques années à William Henry avant sa mort. Il est possible que ces nombreux déplacements résultent de difficultés financières. Il ne semble pas avoir laissé un important patrimoine à ses héritiers : après sa mort, la vente de ses biens ne rapporte que 2 657#.
William Grant s’est mérité une place importante dans les annales du commerce des fourrures au xviiie siècle. Il a participé comme trafiquant et comme marchand à la période de prospérité et d’expansion de la région située au sud-ouest des Grands Lacs et il s’est retiré à la veille de la cession des postes aux Américains par la signature du traité Jay en 1794. Il a contribué à la concentration du trafic des fourrures dans cette région et favorisé ainsi la constitution d’une opposition à la North West Company.
ANQ-M, CN1-29, 10 nov. 1791 ; CN1-185, 14 janv., 6 févr. 1800 ; CN1-290, 13 août 1777, 19 avril 1785, 12 avril 1786.— APC, MG 24, L3 : 2540s., 6615, 6643s., 6651s., 6765s., 26285 ; RG 4, B28, 115 : 2248, 2269, 2269A, 2283, 2303, 2312, 2321, 2321A, 2332, 2340, 2343.— Docs. relating to NWC (Wallace).— La Gazette de Québec, 10 août 1780, 31 mai 1787, 4 déc. 1788, 10 déc. 1795, 13 mars 1800.— Almanach de Québec, 1792–1803.— M. W. Campbell, NWC (1973), 92–96.— Davidson, NWC, 14.— E. E. Rich, The fur trade and the northwest to 1857 (Toronto, 1967), 189s.— W. S. Wallace, « Strathspey in the Canadian fur-trade », Essays in Canadian history presented to George MacKinnon Wrong for his eightieth birthday, Ralph Flenley, édit. (Toronto, 1939), 278–295.— Raymond Douville, « Un William Grant trifluvien », BRH, 47 (1941) : 362–365.— W. E. Stevens, « The organization of the British fur trade », Mississippi Valley Hist. Rev. ([Cedar Rapids, Ind.]), 3 (1916–1917) : 172–202.
Joanne Burgess, « GRANT, WILLIAM (1743-1810) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grant_william_1743_1810_5F.html.
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Auteur de l'article: | Joanne Burgess |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |