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GOULET, LOUIS, fréteur, éclaireur, interprète, cow-boy, terrassier, boxeur et raconteur, né le 10 octobre 1859 à la rivière aux Gratias (Morris), à une trentaine de milles de Saint-Norbert (Manitoba), fils de Moïse Goulet et de Marie Beauchamp, tous deux Métis ; le 13 avril 1888, il épousa dans la paroisse Saint-Vital de Battleford (Saskatchewan) Caroline Rowand (décédée en 1922), veuve de Peter Ballendine, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 26 septembre 1936 à Portage-la-Prairie, Manitoba.
Animé d’un esprit d’aventure comme beaucoup de ses compatriotes métis, Louis Goulet exerce divers métiers dans les régions du Canada qui deviendront le Manitoba, l’Alberta et la Saskatchewan et dans le Nord-Ouest américain. Bel homme musclé et boxeur de renommée, il mesure environ six pieds deux pouces. Vers 1930, il relatera sa vie à Guillaume Charette, lui-même Métis et engagé dans la conservation du patrimoine de son peuple, « en ornant son parler déjà limpide de tournures glanées à même différents idiomes indiens » ; les mémoires de ce raconteur par excellence seront publiés par Émile Pelletier en 1976, à Winnipeg, sous le titre l’Espace de Louis Goulet.
Avant l’âge de dix ans, Louis accompagne son père, qui est commerçant, dans ses nombreux voyages à St Paul, dans le Minnesota, à Montagne de Bois (Wood Mountain, Saskatchewan) et à Saint-Albert (Alberta), près du fort Edmonton (Edmonton) ou fort Layusse, selon son expression. Entre les voyages et les hivernements, il travaille comme garçon de ferme pour le curé de Saint-Norbert, Noël-Joseph Ritchot*. Il reçoit une formation pratique de son père (chasse, pêche, commerce, géographie traditionnelle, façon de monter et de dresser les chevaux), tandis que sa mère lui transmet des valeurs comme l’honnêteté, la générosité, l’indépendance et le respect des anciens. De 1870 à 1875, il fréquente par intervalles l’école des sœurs grises (désignation populaire des Sœurs de la Charité de l’Hôpital Général de Montréal) de Saint-Norbert ; son éducation se fait cependant surtout pendant les soirées où les aînés lui racontent la vie et les légendes des Prairies. Il parle le métchif-français, le cri, le sauteux (ojibway), ainsi que d’autres langues autochtones et l’anglais. Très jeune, il fait preuve d’un esprit vif, d’un caractère indépendant et entreprenant.
Vers le milieu des années 1870 et durant les années 1880, Goulet voyage dans les territoires qui deviendront la Saskatchewan et le Montana. Il agit comme guide et interprète pour la Police à cheval du Nord-Ouest à fort Walsh (Fort Walsh, Saskatchewan) et pour l’armée américaine à la rivière Missouri. Il fait la traite avec les Dakotas et les Assiniboines pour le compte d’importants commerçants, comme Antoine Gingras et Jean-Louis Légaré*, et aussi avec les communautés métisses du bassin Judith, près de Lewistown (dans le Montana). En 1879, Goulet et Antoine, dit Caillou, Morin assistent James Morrow Walsh*, surintendant de la Police à cheval du Nord-Ouest, dans ses négociations avec Sitting Bull [Ta-tanka I-yotank*] et sa bande – qui se sont réfugiés dans la région de Montagne de Bois à la fin de l’année 1876 – dans le but de les convaincre de retourner aux États-Unis.
Trop jeune pour avoir été personnellement associé, en 1869–1870, à la première résistance des Métis à la Rivière-Rouge (Manitoba) [V. Louis Riel*], Goulet est cependant intimement impliqué dans la deuxième, qui a lieu en 1885. Il assiste à une des premières assemblées des Métis, tenue à Batoche (Saskatchewan) en 1884 par Gabriel Dumont*, mais se tient à l’écart des démarches qui s’ensuivent. Plus tard, il dira qu’il avait eu dans sa jeunesse des conflits avec Riel, au sujet de la vente d’alcool aux peuples autochtones, mais qu’il n’en avait pas moins beaucoup de respect pour lui. Au printemps de 1885, il se retrouve dans la région du fort Pitt (Fort Pitt) et du lac La Grenouille (lac Frog, Alberta). Goulet arrive au camp de Gros Ours [Mistahimaskwa*] au début d’avril et assiste à l’événement au cours duquel neuf Blancs trouvent la mort [V. Léon-Adélard Fafard*]. Goulet et ses compatriotes viennent au secours de deux femmes qui se sont ainsi retrouvées veuves, Mmes Theresa Delaney et Theresa Mary Gowanlock Johnson*]. Aux yeux des autorités canadiennes, les relations et les échanges qu’a eus Goulet avec les Cris au cours de cette affaire le compromettent, ainsi que ses compagnons. Ils sont arrêtés et incarcérés ; la générosité dont ils ont fait preuve à l’égard des deux dames leur vaut probablement la faveur de la cour.
Entre 1886 et 1892, Goulet travaille au « frétage » de marchandises (ou transport au moyen de trains de charrettes tirées par des bœufs) entre Battleford et Prince Albert et plus au sud, dans la région de Swift Current. Ensuite, il se dirige vers Lethbridge (Alberta), où il travaille comme terrassier ferroviaire. C’est à ce moment qu’il prend connaissance de la cécité qui l’envahit et qui le forcera à une retraite prématurée vers 1900. C’est alors, également, qu’il abandonne sa vie d’aventurier et se réconcilie avec l’Église catholique (il ne pratiquait plus sa religion depuis probablement les années 1880) après une rencontre avec le père oblat de Marie-Immaculée Albert Lacombe*, illustre dans l’Ouest canadien. Le 1er octobre 1900, il est admis au Home for Incurables de Portage-la-Prairie. Il passe ensuite le plus clair de sa vie dans cet établissement, le quittant une fois par année pour passer quelque temps avec sa famille à la Rivière-aux-Rats (Saint-Pierre-Jolys).
Homme doué d’une vive imagination et conscient de son identité et de sa culture métisses, Louis Goulet a laissé un témoignage incomparable sur le mode de vie et les valeurs des Métis de son époque. Selon Guillaume Charette, il « était un très beau type d’homme dont les qualités du cœur égalaient celles d’un physique resté légendaire » et « un des hommes les plus intéressants de l’Ouest d’autrefois ». L’éditeur des propos recueillis par Charette, Émile Pelletier, ajoute : « “L’Espace de Louis Goulet”, c’est plus qu’un cahier de folklore ou de culture métisse, c’est l’histoire d’un homme et d’une époque importante de la vie d’une nation. »
Les mémoires de Louis Goulet, qu’il a dictés à Guillaume Charette vers 1930, constituent la source principale d’information sur le personnage. Leur transcription, par Charette, se trouve aux AM, MG 9, A6 et a donné lieu à une publication : Guillaume Charette, l’Espace de Louis Goulet (Winnipeg, 1976). Plusieurs ouvrages mentionnent le nom et les activités de Goulet, en particulier les suivants : W. B. Cameron, Blood red the sun (4e éd., Calgary, 1950) ; S. A. Carter, « The exploitation and narration of the captivity of Theresa Delaney and Theresa Gowanlock, 1885 », dans Making western Canada : essays on European colonization and settlement, Catherine Cavanaugh et Jeremy Mouat, édit. (Toronto, 1996), 31–61 ; J. F. Dion, My tribe, the Crees, H. A. Dempsey, édit. (Calgary, 1979) ; T. [M. Johnson] Gowanlock et Theresa Delaney, Two months in the camp of Big Bear : the life and adventures of Theresa Gowanlock and Theresa Delaney (Parkdale, Ontario, 1885) ; et D. [W.] Light, Footprints in the dust (North Battleford, Saskatchewan, 1987).
Le certificat de décès de Goulet se trouve à Manitoba, Ministère de la Vie saine, des Aînés et de la Consommation, Consommation et Corporations, Bureau de l’état civil (Winnipeg), no 1936-06-036028, son acte de baptême aux Arch. paroissiales, Saint-Norbert, Manitoba, RBMS, 10 oct. 1859, et son acte de mariage aux Arch. paroissiales, Saint-Vital (Battleford, Saskatchewan), RBMS, 13 avril 1888.
Diane Paulette Payment, « GOULET, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/goulet_louis_16F.html.
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Auteur de l'article: | Diane Paulette Payment |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
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