FAFARD, LÉON-ADÉLARD (baptisé Léon-Dollard), prêtre, oblat de Marie-Immaculée et missionnaire, né le 8 juin 1850 à Saint-Cuthbert, Bas-Canada, fils de Charles Fafard et de Tersile (Alexine) Olivier, décédé le 2 avril 1885 au lac La Grenouille (lac Frog, Alberta).

Léon-Adélard Fafard étudia au collège de L’Assomption de 1864 à 1872. Après une année de noviciat chez les pères oblats à Lachine, Québec, du 27 juin 1872 au 27 juin 1873, il prononça ses vœux perpétuels le 29 juin 1874. Recruté pour l’Ouest par le père Albert Lacombe*, il arriva à la mission Saint-Albert (Alberta) le 5 septembre 1875 et y fut ordonné sous-diacre le 21 septembre, diacre le 30 novembre et prêtre le 8 décembre. Une semaine plus tard, il fut envoyé à la mission du lac du Bœuf (lac Buffalo, Alberta), station d’hivernement des Métis venant de points éloignés pour chasser le bison. Il y passa l’hiver, revint ensuite à Saint-Albert pour retourner au lac du Bœuf le 30 octobre 1876. Avec la disparition du bison dans la prairie canadienne, cette mission fut abandonnée, et, le 4 juillet 1877, Mgr Vital-Justin Grandin*, évêque de Saint-Albert, envoya Fafard fonder la mission de Saint-Alexandre-de-Rivière-qui-Barre, sur le lac La Nonne (Alberta), où il bâtit une maison-chapelle. Il revint ensuite à Saint-Albert et partit avec son supérieur, Jean-Marie-Joseph Lestanc, pour le fort Pitt (Fort Pitt, Saskatchewan), où ils arrivèrent au mois d’août et établirent chez les Cris des Bois la mission de Saint-François-Régis.

Pendant les étés et les automnes de 1878 et 1879, Fafard accompagna des groupes métis dans leur chasse au bison. Devant le peu de succès de ces expéditions, il essaya de les persuader de se mettre à la culture des champs et à l’élevage de bêtes à cornes, leur donnant lui-même l’exemple en cultivant le sol à Saint-François-Régis, mais sans grand résultat. Fafard et Lestanc employaient leurs hivers à visiter les postes dépendants de la mission. Ils agissaient comme agents pacificateurs auprès des Métis et des Indiens devenus maussades et perturbés à cause de la faim qui les tenaillait, le gouvernement fédéral faisant la sourde oreille à presque toutes leurs demandes d’aide.

Le 5 mai 1883, après avoir œuvré six ans au fort Pitt, Fafard déménagea au lac La Grenouille, prévoyant sans doute l’abandon prochain de ce fort, la signature du traité n° 6, en 1876, avec les Cris auxquels on avait accordé des réserves à distance des forts, ayant diminué l’importance de cet endroit. Le 10 août, Fafard fut nommé supérieur de la mission ainsi que de celles des lacs Long et Oignon (lac Onion). Il s’établit sensiblement au même endroit qu’avait choisi l’abbé Jean-Baptiste Thibault* et où, en 1843, ce dernier avait fait construire une cabane. Fort modeste, la résidence du lac La Grenouille servait aussi d’école et Fafard y enseignait à une vingtaine d’élèves tout en accomplissant ses multiples autres tâches. Non loin de là, s’élevaient l’église en bois rond, un puits, un hangar et une écurie. Le travail de Fafard devenant trop lourd, on lui adjoignit à l’automne de 1883 Félix-Marie Marchand, qui resta à la mission jusqu’en octobre 1884 afin d’y apprendre le cri et de diriger l’école. Envoyé au lac Oignon où il devait construire une mission permanente, Marchand revint au lac La Grenouille, à la fin de mars 1885, avec des Indiens du lac Oignon pour leur faire prendre part aux cérémonies religieuses de la Semaine sainte.

À ce moment-là, il y avait au lac La Grenouille une réserve regroupant trois bandes de Cris des Bois. Gros Ours [Mistahimaskwa], grand chef des Cris des Plaines, et une vingtaine de familles vinrent alors s’y établir, mais sans appartenir officiellement à la réserve. Le 31 mars, cinq jours après la victoire de Louis Riel à l’établissement du lac aux Canards (Duck Lake, Saskatchewan) et bien qu’avertis du grave danger qu’ils couraient, les Blancs et les Métis du lac La Grenouille ne voulurent pas se réfugier au fort Pitt, et Fafard refusa carrément de délaisser son troupeau. Enhardis par la victoire des Métis, les hommes de Gros Ours, dirigés notamment par Esprit Errant [Kapapamahchakwew], leur chef de guerre, décidèrent de passer à l’attaque : le 2 avril, ils firent irruption dans l’église du lac La Grenouille au moment des célébrations du Jeudi saint. Esprit Errant donna l’ordre à la population de la mission de l’accompagner au camp de Gros Ours. Les pères Fafard et Marchand marchaient en tête de la colonne en priant. L’agent des Affaires indiennes, Thomas Trueman Quinn, un sang-mêlé, refusa de suivre et il fut abattu d’un coup de feu. Ce fut le signal d’une explosion de violence : le Métis Charles Gouin, John Williscroft, John Gowanlock et John Delaney furent tués. À l’appel de Mme Theresa Delaney, Fafard accourut pour donner l’absolution à son mari, mais il avait à peine fini qu’une balle le blessa mortellement ; Marchand, William Gilchrist et George Dill subirent le même sort.

Quelques Métis placèrent les corps des deux missionnaires et ceux de Gowanlock et de Delaney dans le caveau de l’église. Par la suite, les restes des deux prêtres furent enterrés au cimetière puis transférés, en 1891, dans le cimetière de la nouvelle mission du lac Oignon, établie en 1887, et, finalement, bien des années plus tard, inhumés au cimetière oblat de Saint-Albert.

E. O. Drouin

[V.-J.] Grandin, « Les Martyrs du Nord-Ouest : lettre de Mg, au père et à la mère du R. P. Fafard, martyrisé au lac La Grenouille », Missions de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie Immaculée (Paris), 23 (1885) : 417–430.— [Hippolyte Leduc], [« Lettres au révérend père Aubert »], Missions de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie Immaculée, 16 (1878) : 465 ; 22 (1884) : 24.— Allaire, Dictionnaire.— W. B. Cameron, The war trail of Big Bear [...] (Toronto, 1926), 13.— Jules Le Chevalier, Batoche, les missionnaires du Nord-Ouest pendant les troubles de 1885 (Montréal, 1941), 99, 101–119.— A.-G. Morice, Histoire de l’Église catholique dans l’Ouest canadien du lac Supérieur au Pacifique (1659–1915) (3 vol., Winnipeg et Montréal, 1912), III : 78–88.— Théophile Ortolan, Cent ans d’apostolat dans les deux hémisphères : les Oblats de Marie Immaculée durant le premier siècle de leur existence (4 vol., Paris, 1914–1932).

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E. O. Drouin, « FAFARD, LÉON-ADÉLARD (baptisé Léon-Dollard) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fafard_leon_adelard_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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