FOUCAULT, FRANÇOIS, seigneur, négociant, membre du Conseil supérieur, né en 1690 dans le diocèse de Bayonne, France, fils d’Eusèbe Foucault et de Catherine Catalon, décédé le 19 juillet 1766 à Québec.

Bien qu’on ait affirmé qu’il avait des liens de parenté lointains avec les comtes de Foucault de Gascogne, François Foucault était probablement issu d’une souche moins illustre. Il avait 25 ans lorsque, en 1715, il fut envoyé en Nouvelle-France pour servir sous les ordres de l’intendant Michel Bégon. Le 11 août 1715, celui-ci le nommait garde-magasin du roi, poste qu’il occupa pendant 25 ans. Il réussit à garder la confiance de quatre intendants successifs, fait plutôt rare dans un système administratif où chaque haut fonctionnaire avait sa clientèle. Il devint l’ami intime de Bégon qui, au moment de son retour en France en 1726, lui confia l’administration de sa vaste fortune. Claude-Thomas Dupuy*, succédant à Bégon, prisait presque autant son amitié que son généreux crédit. Lors de son départ de la Nouvelle-France en 1728, il devait à Foucault pas moins de 27 082#. Gilles Hocquart*, intendant de 1729 à 1748, s’appuya fortement sur ses aptitudes administratives et, contrairement à Dupuy, contribua grandement à l’accroissement de ses biens personnels. Bien que Foucault n’ait pas appartenu au cercle intime de François Bigot*, celui-ci en 1752 le recommanda au poste de premier conseiller et garde des sceaux au Conseil supérieur, nomination qui lui valut l’honneur très discutable d’en présider la dernière séance, tenue le 28 avril 1760.

Ce fut Hocquart, cependant, qui exerça la plus grande influence sur la carrière de Foucault. Comme il le tenait pour l’un des fonctionnaires les plus loyaux et les plus capables de la Nouvelle-France, ses fonctions furent progressivement étendues à plusieurs secteurs de l’administration civile. Ainsi, le 18 avril 1733, il était nommé au Conseil supérieur. Tout en reconnaissant que Foucault n’avait pas de formation juridique, Hocquart assura à Maurepas, ministre de la Marine, qu’il se mettrait à étudier le droit sous la direction du procureur général, Louis-Guillaume Verrier. Pour le récompenser d’avoir prêté à maintes reprises ses services à l’intendance dans les affaires financières, Foucault était nommé écrivain principal en 1737. On lui confia aussi de temps à autre l’exploration des ressources naturelles et l’examen de l’état de l’agriculture. Presque immédiatement après qu’il eut pris sa retraite comme garde-magasin du roi en octobre 1740, on le chargeait de la gestion financière de la construction navale royale. En 1740 et en 1747, il remplaçait Jean-Victor Varin* de La Marre comme contrôleur de la Marine. Pour ces lourdes responsabilités, il ne touchait que le modeste traitement de 600#, augmenté à 900# à partir de 1742, en plus de ses appointements de conseiller et de gratifications occasionnelles. Les nombreuses tentatives de Hocquart pour augmenter sa rétribution échouèrent.

Par ailleurs, les affaires personnelles de Foucault prospérèrent. Entre autres, il géra son propre magasin parallèlement à celui du roi, ce qui l’amena à approvisionner la population urbaine en articles de mercerie et à s’engager dans le commerce de produits agricoles à la campagne. Il possédait au moins un petit bateau de pêche, le Manoir, et en affrétait d’autres en association avec des marchands québécois. Il acheta et vendit des terrains à Québec et essaya même de fabriquer de la colle de poisson pour l’exporter en France. En outre, comme beaucoup d’autres marchands de Québec, il s’occupa de la consignation des marchandises qu’il importait et vendait aux trafiquants de fourrures. Son mariage, le 3 juin 1718 à Québec, avec la fille d’un marchand montréalais, Catherine Sabourin, dit Chauniers (décédée en 1731), contribua largement à l’expansion de cette branche de ses activités commerciales. Le mariage, en 1744, de sa fille Marie-Claude-Geneviève avec Guillaume Guillimin*, marchand québécois et membre du Conseil supérieur comme Foucault, resserra encore davantage ses liens avec l’élite commerçante de la colonie. En 1747, deux autres de ses filles, Marie-Thérèse et Louise-Catherine, épousèrent respectivement Jean-André Lamaltie, marchand québécois dont le père était un éminent négociant de Bordeaux, et Joseph-Étienne Nouchet, assesseur au Conseil supérieur dont le père, Joseph, était directeur du Domaine d’Occident au Canada.

Dans les années 30, Foucault bénéficia de la politique de Hocquart qui voulait développer l’économie industrielle et agricole de la Nouvelle-France en encourageant, de façon sélective, les initiatives privées. Le 3 avril 1733, on lui concédait une importante seigneurie de deux lieues de front sur la rivière Richelieu. Mais comme il ne chercha pas à la mettre en valeur, on la lui enleva en 1741, lors de la réunification massive des seigneuries non exploitées, pour la lui rendre le 1er mai 1743 avec une lieue de plus sur la rivière. Une autre lieue de front y fut ajoutée le 1er novembre 1744, ce qui en faisait une des plus grandes seigneuries de la colonie. Foucault vendit sa maison à Québec pour la somme de 2 650# afin de construire sur ses terres un moulin à farine et, en 1746, il y avait déjà installé six habitants. Un presbytère était achevé en 1747 et, avec l’aide de Hocquart, Foucault persuada Maurepas de financer l’installation d’un curé.

Le 27 avril 1735, on avait concédé à Foucault, en commun avec Nicolas-Gaspard Boucault, le poste de pêche de Saint-Modet, sur la côte du Labrador. Ils établirent une pêcherie sédentaire et, en 1736, ils réussirent à produire 200 barils d’huile de loup marin. Ils furent forcés de l’abandonner en 1737, à la suite d’une querelle avec Pierre Constantin au sujet du titre de propriété mais, le 1er mai 1738, on leur concédait un autre poste, Apetépy, sur la côte du Labrador. Foucault obtenait également en 1739 l’autorisation de Maurepas de s’associer à François Daine et à Louis Fornel pour exploiter les pêcheries de la lointaine baie des Esquimaux (probablement l’inlet de Hamilton).

Étant donné l’envergure de ses opérations commerciales et la nature quasi-privée de l’administration financière de la Nouvelle-France, on pouvait s’attendre à ce que ses affaires finissent par s’entremêler inextricablement avec celles du roi. Les revenus de ses deux sources étaient acheminés vers sa caisse personnelle et l’inefficacité du système de comptabilité de la Nouvelle-France était notoire. Ainsi, il n’était pas toujours clair si les larges crédits qu’il accordait provenaient de ses revenus ou de ceux du roi. C’est pourquoi lorsqu’un créancier s’avérait insolvable, Foucault pouvait transférer ce déficit de son compte personnel à celui de la couronne. Dans le cas de Dupuy cependant, le roi déclina toute responsabilité, et Foucault se vit obligé d’absorber une perte se montant à plus de 11 000#.

D’autres conflits surgirent à propos des approvisionnements que Foucault achetait à Québec pour le compte du roi. En 1740, Maurepas apprit qu’il avait payé le blé, envoyé l’année précédente à la Martinique, à un prix qui dépassait de 2# celui du marché. Il soupçonnait Foucault d’avoir fait une faveur à un parent ou à un ami, mais l’enquête de Hocquart révéla qu’en réalité Foucault avait acheté son propre blé en utilisant le pseudonyme de Lemieux. Il se peut que c’est ce genre de transaction qui ait amené Maurepas à envoyer en 1740 un agent spécial, Jean de Laporte de Lalanne, pour faire une enquête sur la gestion financière de la Nouvelle-France. Il se peut aussi que la mise à nu des agissements de Foucault ait eu un rôle dans la soudaine retraite de celui-ci comme garde-magasin du roi en 1740. Cependant, même après sa retraite, Foucault semble avoir tiré des avantages personnels de son poste d’acheteur pour les chantiers navals du roi.

Mais malgré le succès de sa carrière administrative et l’étendue de ses biens, Foucault, affaibli par la maladie, finit ses jours après la Conquête dans la pauvreté. Les censitaires avaient depuis longtemps abandonné sa seigneurie sur le Richelieu et ses pêcheries n’existaient plus. À la suite de la défaite française, il fut privé de sa pension de 600# qu’il touchait depuis sa retraite en avril 1751 comme écrivain principal, et son traitement de premier conseiller fut suspendu en janvier 1761. Il ne lui resta plus que son magasin à Québec et 875# par année provenant de la vente de sa maison en 1758. Il aurait voulu aller rejoindre sa fille Marie-Thérèse en France, mais il n’arrivait pas à vendre son magasin à un Anglais, même après avoir fait un emprunt de 5 100# pour le transformer en maison d’habitation. Forcé de demeurer au Canada, il lui arrivait parfois de recevoir des nouvelles de son fils Nicolas-Denis qui, après 1763, occupait le poste de contrôleur de la Marine en Louisiane. En 1764, il fit une dernière et vaine tentative pour faire restaurer sa pension, en alléguant « la situation la plus triste à laquelle [il était] reduit ; à l’âge de soixante-quinze ans, sans aucune ressource et accablé d’infirmites, qui [le mettaient] dans la dure nécessité ». Il mourut deux ans plus tard, triste victime de l’expulsion de la France du continent nord-américain.

Donald J. Horton

AN, Col., B, 61–74 ; Col., C11A, 51–85 ; Col., E, 190 (dossier Foucault) ; 253 (dossier Lanoullier de Boisclerc) ; Col., F1A, 28 ; 30 ; 31 (copies aux APC).— ANQ, AP, Perrault, l’aîné.— ASQ, Lettres, P, 97, 97b.— Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt), II : 755, 855.— Le Jeune, Dictionnaire, I : 642s.— A. Roy, Inv. greffes not., X : 171, 173 ; XII : 88 ; XVI : 148 ; XVIII : 90, 313, 326.— P.-G. Roy, Inv. concessions, IV : 247–249 ; Inv. jug. et délib., 1717–1760, I-V, passim.— Dubé, Claude-Thomas Dupuy, 273, 276, 293, 296–300.— J.-N. Fauteux, Essai sur l’industrie, II :147s., 433s., 495.— Nish, Les bourgeois-gentilshommes, 68, 110, 140, 163, 177.— P.-G. Roy, La famille Foucault, BRH, XXI (1915) : 369–379.

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Donald J. Horton, « FOUCAULT, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/foucault_francois_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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