FLEMING, JOHN, homme d’affaires, officier de milice, juge de paix et auteur, né vers 1786 dans l’Aberdeenshire, Écosse, peut-être à Aberdeen, fils aîné de Daniel Fleming et de Margaret McHardy ; décédé célibataire le 30 juillet 1832 à Montréal.

John Fleming était issu d’une famille relativement pauvre. Il perdit son père alors qu’il était encore très jeune, mais grâce à un oncle commerçant, Charles McHardy, il acquit les rudiments d’une formation classique. En 1803, il immigra à Montréal et entra comme apprenti dans une maison d’importation fondée en 1796, la Logan and Watt, qui avait des liens avec les milieux d’affaires de Greenock, en Écosse ; la famille de Fleming était apparentée aux Logan. La maison Logan and Watt ne pratiquait pas la traite des fourrures, mais sans doute s’occupait-elle d’autres matières premières soit le blé et le bois d’œuvre, dont l’exportation prenait alors de l’importance. L’employeur de Fleming, Hart Logan, était également armateur et constructeur de navires ; il lança le deuxième bateau à vapeur de John Molson*, le Swiftsure, en 1812.

Logan et son frère William, qui était boulanger et propriétaire terrien, retournèrent en Grande-Bretagne en 1815. Les biens que William possédait à Québec furent laissés sous la direction conjointe de son fils James et de Fleming ainsi que de John Catenach, cousin de ce dernier. Au cours de la même période, Fleming acquit le quart des intérêts de la Hart Logan and Company, créée par suite de la dissolution de la Logan and Watt. Hart Logan, qui détenait les trois quarts des intérêts, s’installa à Londres et le siège des activités d’exportation de son entreprise britannique semble avoir été transféré de Greenock à Londres et à Liverpool. En 1817, James Logan était également associé à la compagnie, qui faisait le commerce de produits canadiens couramment exportés : chêne équarri, douves en pin, madriers, cendre, blé et farine. En 1820, il semble que les importations de la compagnie venant de Grande-Bretagne et des colonies consistaient tout spécialement en vins et spiritueux européens et en rhum, sucre, mélasse et café de la Jamaïque et des îles Leeward. Elle construisit et exploita aussi des voiliers au long cours et des bateaux à vapeur destinés à la navigation sur le Saint-Laurent. La compagnie dépendait en partie des prêts de William Logan, qui se chiffraient à £6 117 vers 1831.

À titre de directeur d’une des principales maisons de commerce en gros de Montréal, Fleming acquit de la notoriété dans le monde des affaires. En 1822, il fut élu membre du Committee of Trade et assuma la fonction de secrétaire de 1827 au moins jusqu’à 1829. Précurseur du Bureau de commerce de Montréal, ce comité constituait un groupe de pression pour les commerçants. Fleming devint actionnaire de la Welland Canal Company, constituée juridiquement en 1824, et, l’année suivante, il compta parmi les 12 marchands montréalais qui fondèrent la Lower Canada Land Company avec un groupe d’hommes d’affaires de Londres. Hart Logan faisait partie du comité de liaison des actionnaires de la compagnie à Londres. En 1826, Fleming s’engagea à acheter 25 des 1 820 actions de cette compagnie, à raison de £100 chacune. Deux ans plus tard, il se joignit à 76 autres marchands pour réclamer du gouvernement la propriété de certains lots de grève dans le port de Montréal afin de leur permettre, en tant que propriétaires de terrains attenants, d’y construire des quais.

La notoriété de Fleming dans le milieu des affaires avait été confirmée en 1826 par son élection au conseil d’administration de la Banque de Montréal. Âgé de 40 ans environ, il en était le plus jeune administrateur après John Molson* l’aîné. Un conflit interne opposait alors la vieille garde du conseil, dirigée par le président Samuel Gerrard*, et la jeune génération, regroupée autour de George Moffatt*, qui cherchait à administrer d’une façon plus stricte les affaires de la banque. Fleming appuya la faction de Moffatt qui triompha lors d’une réunion du conseil le 5 juin 1826 et, le lendemain, il fut élu vice-président. Même s’il était partisan de Moffatt, Fleming se rallia à la majorité et retira son appui à Moffatt quand celui-ci chercha à obliger Simon McGillivray* à déposer son bilan. L’affaire en question faisait partie des sujets de querelle entre Moffatt et Gerrard. Fleming occupa la vice-présidence jusqu’en juin 1830. Il devint alors président, et les exigences de ce poste à temps plein l’obligèrent à en faire sa principale occupation. Sous sa présidence, la participation de la banque au marché des changes s’accrut et la coutume de garder des capitaux considérables à New York pour garantir des prêts à vue fut instaurée. À la fin de 1831, à l’expiration de la charte de la Banque du Canada, Fleming organisa l’annexion de cet établissement à la Banque de Montréal. Pendant son court mandat de président, que la mort vint interrompre, la Banque de Montréal fit passer ses « profits nets en main » à £31 482, soit plus du double, et, en 1832, elle ajouta une prime à ses dividendes de 7 %, distribuant ainsi £30 000 à ses actionnaires.

À mesure que Fleming prenait de l’importance dans le milieu des affaires, il accepta des postes que l’on confiait généralement à des membres de ce groupe social. En mai 1821, il fut promu lieutenant. dans la milice de Montréal. Cinq ans plus tard, il devint juge de paix, mais il refusa une nouvelle commission en 1830 à cause de ses nombreuses obligations. Vers 1827, il avait été nommé membre à vie du conseil d’administration du Montreal General Hospital. Depuis 1807, il était membre actif de la congrégation Scotch Presbyterian (connue plus tard sous le nom de St Gabriel Street), qui jouissait de l’appui des marchands écossais. En juin 1831, il alla jusqu’à occuper l’église avec d’autres partisans du révérend Edward Black* au moment où la congrégation était divisée sur le choix du ministre [V. William Caldwell].

Outre ses affaires et ses occupations sociales, Fleming avait un intérêt marqué pour la culture. Il correspondait avec Daniel Wilkie*, de Québec, qui était un homme de grande érudition, et fut l’ami de l’éducateur montréalais Alexander Skakel*. En 1824, il publia un article intitulé “ An essay on the éducation and duties of a Canadian merchant », dans lequel il affirmait que la grammaire anglaise, l’écriture, l’arithmétique et la comptabilité étaient des éléments nécessaires mais insuffisants dans l’éducation d’un marchand et qu’il fallait leur ajouter les « mathématiques avec des notions pratiques de navigation pour fortifier l’esprit », la géographie, avec les coutumes des pays, « pour rendre [l’esprit] plus libéral », ainsi que les langues des principales nations commerçantes. Il n’en demeurait pas moins sensible aux conditions de vie et aux besoins locaux. Il était indigné de voir qu’ il n’existait pas encore de manuel scolaire » pour permettre aux garçons de la colonie d’acquérir « une bonne connaissance de leur patrie » et il croyait « utile et nécessaire de publier une histoire et une description du Canada conçues expressément pour l’usage des écoles canadiennes ». Il préconisait l’usage d’exemples tirés du contexte canadien pour l’enseignement des matières commerciales et il insistait sur la nécessité de « familiariser [l’étudiant] avec l’aspect, le climat, le sol, les produits et les possibilités de son pays » afin de lui faire mieux connaître les ressources qui justifieraient « d’importantes entreprises dans le commerce ou l’industrie ». Il écrivait le français avec aisance, et son ami William Berczy*, qui lui enseigna l’italien et l’allemand, le surnommait tout bonnement Flemming l’Italien ou Jean Flemmin, selon les circonstances. Fleming croyait également que la connaissance des langues anciennes était nécessaire à quiconque désirait écrire l’anglais convenablement, et il faisait des versions latines par plaisir.

Fleming composa des poèmes et des chants patriotiques, mais la seule poésie publiée que l’on connaisse est une ode intitulée On the birth day of His Majesty King George the Third. Cette œuvre lui valut la médaille d’or de la Société littéraire de Québec en 1809. Parlant du Bas-Canada et de son gouverneur, sir James Henry Craig*, il écrivait :

Voyez ! L’industrie et l’abondance vont progressant,
La richesse et le commerce s’offrent à nos yeux
Et la science enseigne à faire grand cas de tous ces présents
Tandis que comme un ange envoyé des cieux
Le brave sir Henry veille sur ce pays bienheureux.

La partie la plus importante de I’œuvre publiée de Fleming est composée d’écrits polémiques présentés sous une forme historique. Some considerations on this question : whether the British government acted wisely in granting to Canada her présent constitution ?, publié sous le pseudonyme de A British settler, parut en 1810, année où le gouverneur Craig attaqua le parti canadien, saisit le journal nationaliste le Canadien et fit incarcérer une vingtaine de personnes qui avaient des relations avec ce journal, dont des députés, sous l’accusation de « pratiques traîtresses ». Fleming appuyait Craig dans son dessein d’assimiler les Canadiens mais, contrairement au gouverneur, il croyait préférable d’utiliser les institutions britanniques telles qu’une Assemblée élue, à laquelle les habitants de la colonie avaient droit en tant que sujets britanniques, plutôt que de retourner aux institutions coloniales françaises de l’Acte de Québec. En effet, selon Fleming, le gouvernement britannique devait éliminer les derniers vestiges de l’Acte de Québec, et il croyait que l’union du Haut et du Bas-Canada était un bon moyen d’y arriver. Son attitude envers les Canadiens, faite de condescendance plutôt que de dénigrement, était modérée pour un marchand britannique du temps.

En 1813, à l’époque où la Grande-Bretagne et ses colonies étaient en guerre avec les États-Unis, Fleming publia The resources of the Canadas [...], sous le pseudonyme de A querist. En faisant l’éloge des ressources humaines et matérielles des colonies et de la compétence du commandant en chef des forces armées britanniques, le gouverneur sir George Prevost*, ce livre voulait réagir contre le manque d’appui à l’effort de guerre que laissait supposer le peu d’empressement de la population mâle à s’enrôler dans la milice. Le dernier ouvrage de Fleming et le plus connu, Political annals of Lower Canada [...], fut publié sous le pseudonyme de A British settler en 1828. Il fut écrit à un moment de tension politique, dans le but d’influencer l’opinion britannique en faveur des marchands montréalais. La proposition que ces derniers avaient faite en 1822 d’unir le Haut et le Bas-Canada comme moyen de promouvoir l’immigration des citoyens britanniques et d’assimiler la population canadienne avait été repoussée par le Parlement de Londres [V. Louis-Joseph Papineau*]. Le livre de Fleming constituait une polémique présentée sous la forme d’une histoire chronologique commençant en 1534, dont l’objectif était de faire revivre le projet d’union. Plus agressif que Some considerations, il contribua à ce que Fleming soit identifié comme un adepte de l’idéologie du « parti des marchands anglais », lesquels étaient de plus en plus inquiets, et provoqua la riposte de Pierre-Jean de Sales Laterrière dans Political and historical account of Lower Canada ; with remarks [...], paru à Londres en 1830. Ce dernier déclara que l’ouvrage de Fleming contenait « autant de renseignements que de préjugés au sujet des Canadiens français ».

Au cours de sa vie, Fleming se constitua une des plus importantes bibliothèques du Bas-Canada, laquelle réunissait environ 4 000 ouvrages et 145 périodiques et journaux différents, soit près de 10 000 volumes au total ; même la bibliothèque de Montréal ne comptait que de 7 000 à 8 000 volumes dans les années 1830. La bibliothèque de Fleming comprenait des livres rares et des ouvrages français, italiens et latins, mais la plupart étaient contemporains et de langue anglaise. Ils portaient surtout sur l’histoire (30 %) et les belles-lettres (25 %). Parmi les périodiques, on trouvait sans doute la Canadian Review de Montréal, qui parut de 1824 à 1826 et à la fondation de laquelle il avait contribué. Fleming aurait eu l’intention de léguer sa bibliothèque au McGill College mais, comme il mourut intestat, on la vendit aux enchères. Il fut emporté par le choléra en 1832.

À cause de sa mort prématurée, John Fleming est resté un personnage peu connu, mais il méritait mieux que cela. À bien des égards, il était le type même de l’homme d’affaires montréalais de cette époque. En raison de ses origines modestes, son ascension sociale fut lente comparativement à d’autres. C’était un homme cultivé pour son temps et, mieux que ses œuvres, ses goûts et ses intérêts le prouvent. Le fait qu’on se souvienne de lui surtout pour ses écrits plutôt que pour ses activités commerciales révèle que la concurrence était plus vive en affaires qu’en littérature chez les Britanniques du Bas-Canada.

Peter Deslauriers

John Fleming est l’auteur de : On the birth day of His Majesty King George the Third publié dans Séance de la Société littéraire de Québec, tenue samedi le 3e juin 1809 (Québec, 1809) ; Some considerations on this question : whether the British government acted wisely in granting to Canada her present constitution ? (Montréal, 1810) ; The resources of the Canadas [...] (Québec, 1813) ; « An essay on the education and duties of a Canadian merchant », Canadian Rev. and Literary and Hist. Journal (Montréal), 1 (1824) : 76–80 ; et de Political annals of Lower Canada [...] (Montréal, 1828).

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Peter Deslauriers, « FLEMING, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fleming_john_6F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Deslauriers
Titre de l'article:    FLEMING, JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    28 novembre 2024