FERGUSON, BARTEMAS (Bartimus), imprimeur et éditeur, né vers 1792 dans le Vermont ; il se maria et eut au moins cinq enfants ; décédé le 19 janvier 1832 à York (Toronto).

C’est en 1817 que, pour la première fois, la présence de Bartemas Ferguson est signalée dans le Haut-Canada : il est alors imprimeur de travaux de ville à St Catharines. Par le biais de ce modeste emploi, il ne tarda pas à se mêler de politique. En février de cette année-là, il imprima, à la demande de James Durand, un placard électoral qui attaquait l’adversaire de celui-ci, John Willson*. Ce placard parut également dans le Niagara Spectator, publié par Amos McKenney et dirigé par Richard Cockrell. Des années plus tard, Ferguson notait avec aigreur que Durand avait refusé de lui payer ses trois jours et trois nuits de « labeur inlassable ».’

En 1818, Ferguson alla s’établir à Niagara (Niagara-on-the-Lake) où, dès le 6 août, il imprimait et publiait le Niagara Spectator. Sous la direction de l’éditeur précédent, Amos McKenney, le Niagara Spectator avait soutenu la lutte menée par Robert Fleming Gourlay*. L’arrivée de Ferguson ne changea rien ; lui aussi, de toute évidence, se montra sympathique aux efforts de Gourlay, car il prit à son tour l’habitude de publier les sorties explosives de l’Écossais contre le gouvernement. En agissant ainsi, il courait de gros risques. Gourlay était déjà en instance de jugement pour deux accusations distinctes de diffamation ; en outre, son Upper Canadian Convention of Friends to Enquiry, tenue au début de juillet, avait sérieusement inquiété le gouvernement du lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland*. Lorsque le Niagara Spectator (alors édité conjointement avec Benjamin Pawling*) publia dans son numéro du 3 décembre 1818 un article de Gourlay qui s’intitulait « Gagg’d – Gagg’d, by Jingo ! » (Muselé, muselé, nom de nom !), tout était en place pour un affrontement. Gourlay reçut l’ordre de quitter la province ; il refusa et fut arrêté. Ferguson passa la nuit du 16 décembre en prison et fut relâché le lendemain pour une question de procédure.

Pawling, qui fut accusé en même temps que Ferguson, mourut le jour même de l’arrestation de son collègue. Ferguson reprenait donc seul la direction du Niagara Spectator. Fervent partisan de Gourlay, il continua inébranlablement à soutenir l’Écossais incarcéré. Le 1er juillet 1819, le journal publia « Address to the parliamentary representatives » , rédigé par Gourlay. Peu de temps après, la chambre d’Assemblée adopta unanimement une motion qui demandait à Maitland d’ordonner des poursuites contre l’auteur et l’éditeur. Ferguson fut arrêté dans la nuit du 13 juillet. Loin d’être démoralisé par le fait d’avoir passé plusieurs jours en prison, il était sûr d’être acquitté et se considérait comme le champion de la liberté de presse. Au moment où son procès allait être tenu, il subit un autre revers : Amos McKenney obtint d’un tribunal civil un jugement qui le condamnait à payer £1 000.

Ferguson comparut aux assises de Niagara, le 19 août, devant le juge en chef William Dummer Powell, sous l’accusation d’avoir publié un libelle séditieux. Un jury spécial fut constitué et la cause fut rapidement menée à terme par le procureur général, John Beverley Robinson*. Même si, d’après Robinson, l’avocat de Ferguson « plaida habilement », ce dernier fut trouvé coupable par un « jury faible », selon l’expression de Gourlay, et il fut détenu à York jusqu’au prononcé de sa sentence le 8 novembre. On ne sait pas au juste qui représentait Ferguson. L’hypothèse la plus vraisemblable est que Bartholomew Crannell Beardsley* l’aurait défendu au procès et que Thomas Taylor aurait été son avocat au moment de la condamnation. Quoi qu’il en soit, la défense s’avéra un échec et Ferguson fut condamné à une amende de £50, à 18 mois de prison et à une heure de pilori chaque jour durant le premier mois de l’incarcération. De plus, à la fin de son séjour en prison, il ne devait pas être libéré avant d’avoir versé £500 en garantie de sa bonne conduite pour les sept années à venir. Grâce à l’intervention de Maitland, on put cependant lui épargner le pilori.

La condamnation de Ferguson fut le point tournant de sa vie. Il perdit son journal, sa famille fut durement éprouvée, sa santé déclina et son moral s’affaissa. La tension s’avéra impossible à supporter et, le 4 mars 1820, sur un ton assagi, il adressa à l’Assemblée une requête dans laquelle il demandait la clémence royale pour le reste de sa peine, affirmant que son châtiment allait « servir d’exemple à tous les autres qui violeraient] les lois de la bienséance publique » , Satisfaite de ce repentir, l’Assemblée, malgré l’opposition de Robert Nichol, recommanda qu’il soit gracié et le gouvernement acquiesça. Une fois libéré, il ne tarda pas à reprendre son travail. Dès le 2 novembre, en société avec un dénommé Davidson, il imprimait et éditait le Canadian Argus, and Niagara Spectator, lequel connut cependant une existence éphémère.

Ferguson alla ensuite s’établir à Lewiston, dans l’état de New York, où dès le 6 juillet 1821 il publiait le Niagara Democrat. Il ne reste aucune copie du journal, mais le prospectus parut dans plusieurs périodiques du Haut-Canada. Ferguson y affirmait que l’orientation du journal « serait essentiellement démocratique » , Thomas Dickson fit savoir au gouvernement que le Democrat « circulait [dans le Haut-Canada ,..] et qu’il diffamait certains des hommes les plus en vue de la province » , Il se demandait si Ferguson devait être arrêté s’il venait dans le Haut-Canada. Dans un rapport daté de 1822 et envoyé au ministère des Colonies, au sujet de Gourlay, Robinson condamnait la feuille de Ferguson qui diffamait « toutes les personnes respectables de la province ». On ne sait pas jusqu’à quand Ferguson publia le Democrat. En 1826, il se trouvait à York, où le 2 février, il souscrivit au fonds destiné à venir en aide à Robert Randal ; par la suite, il dirigea le Colonial Advocate en l’absence de William Lyon Mackenzie*. L’année suivante, toujours dans la même ville, il perdit un procès qu’on lui avait intenté pour une dette de £412. Ferguson aimait avant tout le milieu journalistique et, le 24 janvier 1828, en qualité de coéditeur avec Edward William McBride, il fit paraître le premier numéro du Niagara Herald. Cette entreprise fut encore une fois de courte durée. Un conflit avec le propriétaire du journal, John Crooks, se termina par le renvoi de Ferguson à la fin d’octobre 1829. Comme elle le faisait chaque fois que la famille connaissait de graves ennuis financiers, Mme Ferguson se hâta d’ouvrir un magasin de robes et de chapeaux.

Cependant, l’avenir s’annonçait meilleur pour Ferguson. Lorsque George Gurnett* alla s’installer à York en 1829, la région de Hamilton se retrouva sans aucun journal. Encouragé par les offres d’aide financière de plusieurs « patriotes » , Ferguson était déjà établi à Hamilton au début de novembre. Il publia le premier numéro du Gore Balance le 12 décembre 1829 ; pour la ville de Hamilton, c’était le début d’une période où, pendant une quinzaine d’années, les journaux allaient se multiplier. Comme les autres tentatives de Ferguson, le Gore Balance eut toutefois une existence éphémère. Même si Ferguson parvint à faire passer le nombre d’abonnés de moins de 100 à plus de 400, le journal cessa de paraître le 2 décembre 1830 et fut vendu peu de temps après. Le Western Mercury acheta la presse et les caractères d’imprimerie. En dépit de sa brève existence et des problèmes qu’il eut à affronter le Gore Balance a su traduire fidèlement les idées politiques qui se brassaient au bruyant entrepôt de Head of the Lake (dans le voisinage de l’actuel port de Hamilton). La principale caractéristique de la politique à Hamilton, depuis les années 1820 jusqu’à maintenant, a été un enthousiasme débridé pour la croissance économique, auquel s’est ajouté un intérêt passager pour la réforme politique. Ferguson fut le premier à faire connaître cette attitude, qui allait prendre par la suite sa forme classique dans le Hamilton Spectator de Robert Reid Smiley*. À une époque de l’histoire politique de la province où un rédacteur en chef de tendance whig était en mesure de fustiger le gouvernement sur toutes sortes de questions, Férguson renonça presque à ses idées de jeunesse. Les changements intervenus dans la vie politique de la colonie expliquent en partie cette transformation. On peut croire, toutefois, que depuis ses démêlés avec les autorités il hésitait beaucoup à se battre contre des moulins à vent. Il applaudissait maintenant aux mesures instaurées par son vieil adversaire, John Beverley Robinson, en vue de mettre en œuvre un plan provincial de développement économique. En outre, il appuyait Willson et Allan Napier MacNab*, et il se livrait sans retenue à des attaques mordantes contre Egerton Ryerson* et Mackenzie.

Pendant toute l’année 1831, Bartemas Ferguson essaya de recouvrer les comptes impayés du Gore Balance. Finalement, dans un avis qui parut en août, il annonça que si les dettes n’étaient pas payées immédiatement il allait recourir aux tribunaux. Il mourut cependant dans un hôpital de York le 19 janvier 1832. Le rédacteur en chef du Canadian Freeman, Francis Collins, attribua la mort de Ferguson à une maladie qu’il avait contractée lors de son séjour en prison. Plutôt que de s’étendre sur la dernière partie de sa carrière, Collins préféra vénérer la mémoire d’un Ferguson encore jeune, favorable à l’Upper Canadian Convention de Gourlay, défenseur de la liberté de presse et victime (comme lui-même) des dures lois contre la diffamation. Mackenzie voyait les choses de la même façon et décrivit Ferguson comme un homme brisé par « le bras de fer du pouvoir » qui avait « ruiné ses chances d’avenir et contribué à miner sa santé » ,

Robert Lochiel Fraser

AO, RG 22, sér. 126, vol. 9, 5, 8 nov. 1819 ; sér. 131, 1 : fos 159, 168, 174 ; 2 : fos 175–176 ; sér. 134, 5 : 4.— APC, RG 5, A1 : 21671, 22096–22097, 26593–26595.— PRO, CO 42 /369: 162, 167.— R. [F.] Gourlay, General introduction to Statistical account of Upper Canada [...], in connexion with a reform of the corn laws (Londres, 1822), xii-xiii.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1913 : 255–258.— Town of York, 1815–34 (Firth), 97–98.— Canadian Argus, and Niagara Spectator (Niagara [Niagara-on-the-Lake, Ontario.]), 6 août 1818–2 nov. 1820.— Canadian Freeman, déc. 1829–janv. 1832.— Christian Guardian, 25 janv. 1832.— Colonial Advocate, 10 juin 1824, 20 janv. 1832.— Gleaner, and Niagara Newspaper, 24 oct.–7 nov. 1829.— Gore Balance (Hamilton, Ontario), 12 déc. 1829–2 déc. 1830.— Kingston Chronicle, 3 sept. 1819, 6 juill. 1821.— Niagara Herald, 24 janv. 1828-sept. 1829.— Western Mercury (Hamilton), 20 janv. 1831–26 janv. 1832.— Lois Darroch Milani, Robert Gourlay, gadfly : the biography of Robert (Fleming) Gourlay, 1778–1863, forerunner of the rebellion in Upper Canada, 1837 ([Thornhill, Ontario, 1971]), 184–185, 195–199, 206, 210, 212–213.— W. R. Riddell, « The first law reporter in Upper Canada », Canadian Bar Assoc., Proc. (Toronto), 2 (1916) : 139–140 ; « Robert (Fleming) Gourlay », OH, 14 (1916) : 5–133.— W. S. Wallace, « The periodical literature of Upper Canada » , CHR, 12 (1931) 4–22.

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Robert Lochiel Fraser, « FERGUSON, BARTEMAS (Bartimus) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ferguson_bartemas_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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