DURAND, JAMES, homme d’affaires, officier de milice, homme politique et fonctionnaire, né en 1775 à Abergavenny, pays de Galles, fils d’un officier britannique ; il se maria en 1797, et de ce mariage naquirent deux fils et deux filles, puis vers 1807 il épousa une veuve, Kezia (Keziah) Morrison, et ils eurent quatre fils ; décédé le 22 mars 1833 à Hamilton, Haut-Canada.

James Durand arriva en Amérique du Nord britannique en 1802 à titre de représentant d’une maison de commerce de Londres, la Caldcleugh, Boyd, and Reid, afin de liquider des comptes impayés. Après un bref séjour à Montréal, il s’occupa d’une société commerciale qui s’était endettée envers la maison londonienne et qui exploitait la Bridgewater Works près de Chippawa dans le Haut-Canada. Tirant sa force motrice d’un courant qui se jette dans les chutes du Niagara, cet établissement comprenait une scierie, un moulin à farine, une fonderie, dix hangars et un bâtiment où logeaient des ouvriers. Durand fit saisir l’entreprise, tira des traites sur ses employeurs de Londres et intenta une action en justice à York (Toronto), afin d’exiger de Robert Randal, directeur de l’établissement, qu’il se conforme à ses obligations contractuelles.

Durand mit de l’ordre dans les affaires des ses patrons au cours de l’été de 1802, puis, en juillet 1804, il acheta la Bridgewater Works ainsi que de grandes propriétés foncières en bordure du ruisseau Chippawa et d’autres terrains dans les cantons d’Ancaster et de Delaware. Pour financer ces achats, il s’engagea à payer à ses employeurs la somme de £11 000 par versements échelonnés sur une période s’étendant de 1806 à 1811. Pendant que Randal gérait la Bridgewater Works, Durand ouvrit un magasin près de Long Point et organisa des envois de blé à destination de Bridgewater. Comme il avait besoin d’aide, il embaucha Peter Desjardins en qualité de commis. En peu de temps, Durand avait acquis la réputation d’un marchand ambitieux.

Durand fit un voyage en Angleterre en 1804 et revint à son magasin près de Long Point avec sa femme et des chiens de meute anglais ; c’était un tireur émérite, un chasseur et un amateur de chiens. En 1805, il alla s’installer sur des terres qu’il venait d’acheter sur le lot 14 du rang 3 dans le canton de Barton. C’est à partir de cet endroit qu’il continua jusqu’en 1810 son important commerce avec les colons des districts de London et de Niagara. En 1809, il acheta de Nathaniel Hughson d’autres terres sur le lot 14 et, l’année suivante, les deux hommes cherchèrent à faire accepter leurs propriétés comme emplacement d’une capitale administrative, advenant la création d’un nouveau district. Vers la même époque, les entreprises de Durand subirent les effets de l’affaiblissement du marché agricole qui obligea les marchands à sacrifier une partie de leur actif afin d’obtenir des devises fortes pour faire face aux exigences de leurs créanciers de Montréal et de Grande-Bretagne. La situation de Durand s’aggrava par suite de la concurrence que livrèrent à la Bridgewater Works de nouveaux moulins à farine construits dans le comté de Norfolk. En 1810, il vendit donc cet établissement à Thomas Clark et à Samuel Street*, deux des plus importants magnats de la finance de la presqu’île du Niagara ; il ne garda que son magasin, quelques terrains et la ferme de Barton. La guerre de 1812 vint toutefois compromettre le sort des entreprises qui lui restaient : les expéditions de blé furent interrompues ; l’afflux des colons américains, essentiel à la bonne marche de ses affaires, cessa ; les colons qui avaient contracté des hypothèques ne purent honorer leurs engagements et quelques-uns de ses clients passèrent du côté américain, laissant ainsi des comptes en souffrance.

L’expérience que Durand vécut pendant la guerre est en soi une suite de contradictions. Il semble qu’en 1812 il ait reçu à sa ferme de Barton le major général Isaac Brock*, qui était alors en route pour Detroit. Durand, qui était un loyal sujet, servit comme capitaine d’une compagnie de flancs-gardes dans le 5th Lincoln Militia et se distingua à la bataille de Queenston Heights. En 1814, il dut loger des troupes britanniques à sa ferme et, tout comme ses voisins, il subit des pertes importantes ; les dommages à sa propriété s’élevèrent ainsi à £172. Mais ce qui l’affecta peut-être davantage furent les atteintes aux libertés civiles auxquelles donnait lieu la présence des militaires. Il était risqué pour quiconque de critiquer la conduite de l’armée régulière à l’intérieur de ce qui était devenu un camp militaire à Burlington Heights (Hamilton). Le député John Willson*, qui était aussi fermier dans le canton de Saltfleet ; prévint Durand qu’« il était trop dangereux pour qui que ce soit d’ouvrir la bouche ». Malgré cette mise en garde, Durand critiqua certains aspects du comportement des militaires. Quand Abraham Markle, député de la région, se joignit aux Américains en 1813, Durand se porta candidat au siège laissé vacant ; il fit son entrée à la chambre d’Assemblée en février 1815. Entre-temps, il avait vendu ses propriétés de Barton à George Hamilton*, pour la somme de £1 750, et était allé s’installer près d’une source saline dans la vallée de la Trent. La guerre avait mis fin à l’acheminement régulier du sel, agent essentiel de conservation de la viande, et avait provoqué ainsi une augmentation des prix. Il ne fait aucun doute que Durand entrevoyait alors la réussite d’une telle entreprise.

Jusqu’en 1820, Durand fut un leader réformiste dans la province. Il impressionna ses pairs par sa connaissance des précédents parlementaires, par sa profonde compréhension des affaires de la colonie et par ses répliques cinglantes. En 1815, il dénonça la loi martiale imposée pendant la guerre et critiqua les méthodes qui avaient été employées pour réquisitionner les vivres. En 1816, Durand était revenu dans la région de Head of the Lake (dans le voisinage du port actuel de Hamilton) et s’était établi dans une ferme près de Dundas. Cette année-là, il fit partie du comité des finances et du comité chargé de rédiger un code pour la milice. Toutefois, c’est dans son rôle de président du comité de l’éducation qu’il accomplit sa plus grande réalisation. Le rapport de ce comité, qui condamnait le fait que le gouvernement n’avait pas fourni aux plus démunis la possibilité de s’instruire, amena l’adoption du Common Schools Act de 1816. Cette réforme qui contraria John Strachan* fut, en grande partie, l’œuvre de Durand. Sur le plan local, il se fit remarquer par l’activité qu’il déploya en 1816 pour améliorer sa région. Il défendit à la chambre d’Assemblée le projet de loi qui créait le district de Gore et agit à titre de représentant de George Hamilton et de Nathaniel Hughson pour obtenir que leurs terres soient choisies comme emplacement de la capitale du district.

La création de ce nouveau district offrait à Durand maintes possibilités d’y trouver un poste. En avril 1816, il devint greffier des comtés de Wentworth et de Halton, fonction qui lui permit de bien connaître les terres du district et d’être au fait des transactions qui s’y effectuaient. En mai, il fut assermenté commissaire de la voirie et, parce qu’il y voyait son intérêt comme marchand et spéculateur foncier, il multiplia les démarches pour qu’on améliore les routes de la région entre le village d’Ancaster et la rivière Grand. En sa qualité de président du jury d’accusation tenu à Ancaster en janvier 1817, il blâma le désordre qui prévalait parmi les Indiens et qui, selon lui, menaçait la route principale et le progrès général des établissements avoisinants [V. George Powlis*].

Durand fut élu député de la circonscription de Wentworth en février 1817. Au cours de la campagne électorale, il avait fustigé la conduite des gouvernements du temps de guerre, de même que son adversaire John Willson. Durand fit son entrée à la chambre le 25 février et, le 1er mars, l’Assemblée, alors sous la présidence de Robert Nichol, qualifia son manifeste électoral (imprimé par Bartemas Ferguson et publié par Richard Cockrell) de « libelle scandaleux et séditieux ». Trois jours plus tard, l’Assemblée vota son incarcération pour le reste de la session. Cependant, Durand s’éclipsa et, en conséquence, il fut trouvé coupable, le 7 mars, d’offense à la chambre et fut expulsé. Le jour précédent, Nichol avait présenté une requête déposée par Richard Beasley* et d’autres propriétaires fonciers de Wentworth, dans laquelle il était dit que Durand ne pouvait pas représenter cette circonscription, puisque son nom n’apparaissait pas sur les rôles d’impôt du comté. Le 24 mars, on ordonna la tenue d’une nouvelle élection ; Durand, ayant établi qu’il était dûment habilité, fut réélu. En novembre 1817, il présida une réunion à Ancaster qui avait pour but de recueillir des informations destinées à Robert Gourlay*.

Pendant la première session de 1818, Durand reprit sa place de leader en se faisant le défenseur des droits de l’Assemblée contre les revendications des conseils exécutif et législatif. En sa qualité de président du comité des comptes publics, il enquêta sur la façon dont avaient été dépensées les subventions annuelles octroyées par la Grande-Bretagne. Il arriva à la conclusion que ces sommes n’avaient pas servi à favoriser l’essor de la colonie, mais qu’elles avaient plutôt garni les goussets des amis de l’exécutif. Durand mena également l’Assemblée et le Conseil législatif à une impasse en affirmant que la chambre d’Assemblée, tout comme la chambre des Communes, pouvait rédiger ou réviser les projets de loi portant affectation des deniers publics. Ses initiatives forcèrent l’administrateur Samuel Smith à proroger la session.

L’arrivée du lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* mit un frein aux activités de Durand en tant que réformiste. Le gouvernement de Maitland répondait en partie aux préoccupations relatives à l’insuffisance du développement interne de la province. C’est ainsi que Durand fit partie d’un comité chargé d’étudier les améliorations à apporter à la navigation sur le Saint-Laurent. Il présida aussi un autre comité qui recommanda la construction d’un canal entre les lacs Ontario et Érié. Toutefois, Maitland annula les réunions organisées par Gourlay, et Durand se rendit bien compte que les partisans de Gourlay ne bénéficiaient pas du favoritisme et ne pouvaient pas obtenir de concessions foncières. Durand se réconcilia avec le gouvernement et présenta à l’Assemblée une motion visant à faire déclarer diffamatoire une lettre publiée par Gourlay en 1819. Puis, aux élections de 1820, il fut défait par George Hamilton. Il brigua de nouveau les suffrages dix ans plus tard, mais il fut battu cette fois par Allan Napier MacNab*.

Les affaires de James Durand progressèrent après 1820. Il construisit deux scieries au ruisseau Fairchild et fit l’acquisition de 1 200 acres de terre boisée. Il acheta aussi des terrains à Brantford, à London et dans le canton de Sarnia. Dans les dernières années de 1820, il participa avec son gendre Peter Hunter Hamilton et Peter Desjardins aux activités de la Desjardins Canal Company. Durant les années 1830, ses fils James et Charles Morrison se firent un nom dans leur région comme porte-parole des réformistes.

John C. Weaver

AO, RG 1, A-I-6 : 4820–4821.— APC, MG 24, B 18, 14 ; RG 5, A1 : 12784–12785, 14336–14339, 14957–14964, 18473–18474 ; RG 19, E5(a), 3732, claim 331.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1912 : 177, 207–208, 210–216, 264, 292, 337–345 ; 1913 : 3, 50, 73, 90, 170, 438–439, 550–552.— Charles Durand, Reminiscences of Charles Durand of Toronto, barrister (Toronto, 1897), 9, 17–21, 45, 105–109, 143, 414.— E. J. Hathaway, Jesse Ketchum and his times : being a chronicle of the social life and public affairs of the province of Upper Canada during its first half century (Toronto, 1929), 101–111.— Adam Shortt, « The economic effect of the War of 1812 on Upper Canada », The defended border : Upper Canada and the War of 1812 [...], Morris Zaslow et W. B. Turner, édit. (Toronto, 1964), 299–300.— E. A. Cruikshank, « A country merchant in Upper Canada, 1800–1812 », OH, 25 (1929) : 160–162 ; « A study of disaffection in Upper Canada in 1812–15 », SRC Mémoires, 3e sér., 6 (1912), sect. ii : 11–65.— H. F. Gardiner, « The Hamiltons of Queenston, Kingston and Hamilton », OH, 8 (1909) : 28–31.

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John C. Weaver, « DURAND, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/durand_james_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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