COCKRELL, RICHARD, auteur, instituteur, fonctionnaire, arpenteur, éditeur et rédacteur en chef, né en 1769 ou 1773 dans le Yorkshire, Angleterre, fils d’un fonctionnaire de l’East India Company ; en 1800, il épousa Mary Stewart, et ils eurent trois enfants ; décédé le 7 juillet 1829 à Ancaster, Haut-Canada.

Richard Cockrell était issu d’une famille qui avait des relations dans l’armée, la marine et l’East India Company. Il fit ses études primaires et secondaires en Angleterre et obtint son diplôme à l’âge de 21 ans. Il s’inscrivit ensuite en droit et en médecine, mais il abandonna ses études au début des années 1790 pour aller visiter l’Amérique du Nord. Il se rendit d’abord aux États-Unis, mais en 1795 il se trouvait à Newark (Niagara-on-the-Lake, Ontario). Dès son arrivée, il semble avoir pris certaines initiatives pour promouvoir la colonisation. En juin 1795, il demanda une concession assez grande pour établir 40 familles sur les bords de la rivière Thames. Le Conseil exécutif ayant refusé sa demande, Cockrell et un certain Thomas Otway Page sollicitèrent une concession de 1 200 acres, apparemment dans la région de Newark. Le conseil répondit à leur requête en cédant à chacun d’eux une terre de 200 acres, celle de Cockrell étant située dans le canton de Windham. Pour un motif quelconque, Cockrell refusa cette concession, probablement parce qu’il obtint un lot de ville à Newark en 1796.

En 1795, Cockrell publia à Newark une brochure intitulée Thoughts on the education of youth, qui s’appuyait en grande partie sur ce qu’il avait vu aux États-Unis. Il s’agit d’un document remarquable, le premier ouvrage de langue anglaise traitant de la théorie et de la pratique en éducation à être publié en Amérique du Nord ; il devançait de 13 ans le premier écrit à paraître aux États-Unis sur le même sujet. Fait important, ce fut aussi la première publication non gouvernementale dans le Haut-Canada ; elle suivit la publication du discours prononcé par le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe* lors de l’ouverture de la première législature, ainsi que celle des lois adoptées à la première et à la deuxième session de cette législature. L’ouvrage de Cockrell reflète des idées modernes sur certains aspects de l’éducation, telles la discipline et la pédagogie, mais révèle surtout l’une des grandes préoccupations de l’auteur : l’état déplorable du corps professoral dans le Haut-Canada. Qualifiant les instituteurs de « groupe de parvenus », Cockrell les fustigeait, disant qu’ils n’avaient « ni les capacités ni le comportement » nécessaires et qu’ils pouvaient « à peine distinguer un neuf d’un bœuf ». Afin d’améliorer la situation, Cockrell proposait que l’on adopte le système américain selon lequel on faisait subir un examen aux instituteurs avant de les engager. Toutefois, cette façon de procéder n’était pas aussi répandue aux États-Unis que le croyait Cockrell. Son plaidoyer en faveur d’un enseignement fondé sur des leçons de choses et sur l’utilisation de syllabaires plutôt que sur celle de la Bible pour apprendre à lire aux enfants indiquait que Cockrell était un précurseur en matière d’éducation. En outre, son éloge des méthodes pédagogiques américaines laissait entrevoir une certaine attitude qu’allaient adopter les Canadiens dans ce domaine et qui existe encore aujourd’hui.

En 1796, Cockrell ouvrit une école à Newark, où il enseignait l’écriture, l’arithmétique et la comptabilité. Bien que son nom soit presque inconnu aujourd’hui, Cockrell semble avoir été l’un des plus remarquables instituteurs que connut le Haut-Canada à ses débuts. Il alla habiter à Ancaster, probablement en 1797, et il y ouvrit une autre école, que le plus éminent instituteur de l’époque, le révérend John Strachan*, décrivit comme « une excellente école de mathématiques ». Cockrell enseigna aussi à Wellington Square (Burlington), Cobourg, York (Toronto) et de nouveau à Newark qui portait alors le nom de Niagara. En 1817, Cockrell et un autre instituteur, John Conner, tenaient une école publique dans le canton de Grantham. Parmi ceux qui furent les élèves de Cockrell, on compte William Hamilton Merritt*, Allan Napier MacNab*, John Brant [Tekarihogen], ainsi que des membres des familles Butler, Crooks et Bolton.

Après son arrivée à Ancaster, Cockrell fut nommé shérif adjoint du district de Home et, sur ce, demanda qu’on lui concède une plus grande étendue de terrain « en considération du poste qu’il occup[ait] ». Le conseil rejeta sa demande, mais Cockrell obtint en 1811 un terrain de 400 acres dans le canton de Garafraxa, au nord de la ville actuelle de Guelph. Il réussit à obtenir une deuxième concession, probablement grâce au travail qu’il avait fait à titre d’arpenteur au cours de la décennie précédente. Après s’être installé à Ancaster, il avait commencé à travailler à titre privé, sans détenir de permis d’arpenteur (selon une certaine source, Cockrell était venu à Ancaster afin d’arpenter les terres de John Baptist Rousseaux* St John) et, en 1798, il avait irrité l’administrateur de la province, Peter Russell*, en effectuant sans autorisation l’arpentage des terres des Six-Nations à la rivière Grand. Heureusement pour Cockrell, cette affaire n’eut pas de suite et, en 1802 ou vers cette époque, il reçut son permis d’arpenteur provincial adjoint. Au cours des années suivantes, il fit des travaux d’arpentage dans plusieurs cantons, y compris ceux de Saltfleet, de Grantham et de Niagara. En juin 1818, il publia Thoughts on the subject of land surveying [...], ouvrage qui contenait de sévères critiques à l’égard du bureau de l’arpenteur général.

En 1810, Cockrell fut nommé juge du district de Newcastle mais, apparemment, il n’accepta pas cette charge. Il participa à la guerre de 1812 en qualité d’arpenteur militaire et, d’après la tradition familiale, il était présent à la bataille de Lundy’s Lane en juillet 1814. À la fin des hostilités, il fonda et fut rédacteur en chef du Spectator, publié par Amos McKenney à St Davids à partir du 15 mars 1816. En février 1817, ce journal prit le nom de Niagara Spectator ; au mois d’août suivant, les bureaux furent transférés à Niagara et Bartemas Ferguson en devint l’éditeur. En 1818, Cockrell s’en alla à Dundas où, avec le puissant homme d’affaires Richard Hatt*, il lança l’Upper Canada Phoenix, premier journal à paraître dans la province à l’ouest d’York. La publication du journal cessa probablement l’année suivante, ce qui mit un terme à la carrière journalistique de Cockrell.

On sait peu de chose des activités politiques de Cockrell. Aux élections de 1800, il se porta candidat dans la circonscription de Norfolk, Oxford and Middlesex, mais fut défait par l’arpenteur général David William Smith*. Il contesta plus tard l’élection, parce qu’il prétendait que le directeur du scrutin, Thomas Welch*, n’avait pas agi correctement. Au cours des années subséquentes, Cockrell demeura libre de toute attache politique extrémiste. En 1801 et 1802, il se comporta apparemment d’une façon équivoque envers Asa Danforth, ce qui amena ce dernier à croire que Cockrell approuvait les plans d’invasion du Haut-Canada à partir de l’état de New York. En même temps, cependant, il fit parvenir aux autorités provinciales des lettres incriminantes écrites par Danforth. Par contre, Cockrell semble vraiment avoir été du côté des réformistes. En 1816, le Spectator se lança dans une controverse en attaquant la Loyal and Patriotic Society of Upper Canada, organisme dont John Strachan était l’âme. L’année suivante, Cockrell dut comparaître devant la chambre d’Assemblée pour avoir publié dans son journal une adresse aux électeurs qui était très dure pour le gouvernement et dont James Durand était l’auteur. Il n’est guère douteux que Cockrell ait été un partisan de Robert Fleming Gourlay*. Tout d’abord, Cockrell fut un ami intime de Richard Hatt, lui-même partisan de Gourlay dans les premiers temps de l’agitation que celui-ci souleva dans le Haut-Canada, et, règle générale, les amis de Hatt suivaient son exemple en matière de politique. En outre, jusqu’en juin 1818, le Phoenix publia assidûment un compte rendu des assemblés de cantons convoquées à la demande de Gourlay.

Cockrell était franc-maçon. En 1796, puis en 1816, il agit en qualité de grand secrétaire de la loge maçonnique qui tenait ses réunions à Newark. Quant à son affiliation religieuse, un comité de l’Assemblée déclara en 1830 que l’on « croyait qu’il était presbytérien ». Doué d’un tempérament d’artiste, Cockrell s’amusait à écrire des vers et excellait en peinture et en dessin. On dit aussi qu’il s’en donnait à cœur joie dans « les réunions où les discours et les chants étaient à l’honneur ». Physiquement, on l’a décrit comme un homme « de haute taille, aux traits réguliers, au teint plutôt coloré, aux yeux gris et à la chevelure abondante, ondulée et d’un brun foncé, nouée avec une boucle de ruban noir ».

En 1829, Richard Cockrell décida de retourner en Angleterre pour assurer à ses enfants leur héritage, mais il mourut le 7 juillet à Ancaster des suites « d’une maladie grave et soudaine ». On pouvait lire dans une notice nécrologique que « la nature l’avait doué de talents [qui le plaçaient] bien au-dessus de la moyenne et [qu’il] jouissait d’une grande estime que justifiaient ses nombreuses et aimables qualités ».

J. Donald Wilson

Richard Cockrell est l’auteur de : Thoughts on the education of youth (Newark [Niagara-on-the-Lake, Ontario], 1795 ; cette brochure a été réimprimée par la Soc. bibliogr. du Canada, Toronto, 1949).

AO, Pamphlet coll., 1935, no 65, Alicia Cockrell Robinson, « The Upper Canada Phoenix and the Niagara Spectator » (photocopies, s.l.n.d.) ; RG 1, A-I-1, 23 : 90–98 ; 55 : 129 ; A-I-6 : 2944, 3131, 3348, 4135, 5048, 5080, 5350, 5661, 5684.— APC, RG 1, L3, 89 : C1/39, 116 ; 90 : C2/11, 98 ; 98 : C10/40 ; RG 5, A1 : 659–661 ; 687–689, 758–762, 8821–8822, 15359–15360.— « Ancaster parish records, 1830–1838 », John Miller, compil., OH, 5 (1904) : 163.— Documentary history of education in Upper Canada from the passing of the Constitutional Act of 1791 to the close of Rev. Dr. Ryerson’s administration of the Education Department in 1876, J. G. Hodgins, édit. (28 vol., Toronto, 1894–1910), 1.— « Grants of crown lands in U.C. », AO Report, 1929 : 103.— Joseph Neef, Sketch of a plan and method of education, founded on an analysis of the human faculties, and natural reason, suitable for the offspring of a free people, and for all rational beings (Philadelphie, 1808).— « U.C. land book B », AO Report, 1930 : 33, 106.— Colonial Advocate, 31 juill. 1828.— Farmers’ Journal and Welland Canal lntelligencer (St Catharines, Ontario), 22 juill. 1829.— Niagara Spectator (Niagara [Niagara-on-the-Lake]), 1816–1817.— Upper Canada Gazette, 30 nov. 1796.— Upper Canada Phoenix (Dundas, Ontario), 16 juin 1818.— W. D. Reid, The loyalists in Ontario : the sons and daughters of the American loyalists of Upper Canada (Lambertville, N.J., 1973), 309.— Ancaster’s heritage : a history of Ancaster Township (Ancaster, Ontario, 1973).— J.-P. Wallot, Intrigues françaises et américaines au Canada, 1800–1802 (Montréal, 1965).— W. S. Wallace, « The periodical literature of Upper Canada », CHR, 12 (1931) : 4–22.

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J. Donald Wilson, « COCKRELL, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cockrell_richard_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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