FELTZ (Felx, Fels, Felts), CHARLES-ELEMY-JOSEPH-ALEXANDRE-FERDINAND, chirurgien-major né en Allemagne vers 1710, fils du docteur Elemy-Victor Feltz et de Marie-Ursule Mouthe, décédé à Blois, France, ou dans les environs, le 9 mars 1776.

C’est avec le titre de recrue que Charles-Elemy-Joseph-Alexandre-Ferdinand Feltz débarque en Nouvelle-France en 1738. Sans doute possédait-il déjà une certaine expérience comme chirurgien puisque les religieuses de l’Hôtel-Dieu de Montréal le choisissent « pour avoir soin des habitants malades dans leur hôpital ». Appelé à Québec au mois de septembre 1740, il succède à Michel Bertier* comme chirurgien de l’Hôtel-Dieu et chirurgien-major de la ville. Le gouverneur Beauharnois* espère lui obtenir d’une façon permanente ce dernier titre, mais les autorités métropolitaines nomment plutôt Antoine Briault. La chance allait cependant lui sourire. Joseph Benoist, chirurgien-major de Montréal, devenu vieux et paralytique, renonce à exercer sa profession et Feltz obtient ce poste avec l’appui de l’intendant Hocquart. C’est avec le brevet de chirurgien-major qu’il revient à Montréal au début du mois d’août 1742.

La situation matérielle du chirurgien s’améliore rapidement. Il emménage bientôt dans sa propre maison, rue Notre-Dame, puis peu après acquiert une seconde propriété avec jardin et verger, au faubourg d’Ailleboust. Il achète, faubourg Saint-Laurent, une terre qu’il subdivise en plusieurs lots ; il en revend une vingtaine entre 1754 et 1759. Tous ces « placements » rapportent de bons dividendes et Feltz réalise d’autres profits par des transactions similaires dans le fief de La Gauchetière, près de Montréal. Les revenus tirés de ces ventes lui permettent d’acheter, de Jean Le Ber de Senneville, les deux tiers du fief de l’île Saint-Paul (île des Sœurs), le 11 août 1758.

L’exercice de sa profession lui permet d’arrondir son pécule. Chaque année, on lui verse 1 008 livres tournois comme chirurgien-major de Montréal et 300 « pour ses Courses et Voyages pour traiter les Sauvages ». À titre de chirurgien de l’Hôtel-Dieu de Montréal jusqu’en 1760 et de l’Hôpital Général de 1747 à 1766, Feltz reçoit régulièrement des honoraires de ces établissements. Il tire également des revenus du commerce des médicaments. Dans son cabinet de travail il conserve pour plus de 1 000# de remèdes, parmi lesquels on trouve de la « poudre divine », du vitriol et la fameuse thériaque, véritable panacée à l’époque. La guerre de Sept Ans insuffle un nouvel élan à ce commerce déjà fort lucratif.

Ferdinand Feltz mène un train de vie conforme à sa fortune. Il a une domestique et possède des esclaves ; il en aura dix alors que ses confrères les plus à l’aise se contentent de deux et même d’un seul. Il fréquente les notables. Mme Bégon [Rocbert*] le rencontre à des réceptions réunissant les « honnêtes gens » de la ville. Il reçoit chez lui, pour le jour des Rois, Charles Le Moyne* de Longueuil et Jean-Victor Varin de La Marre, et c’est dans sa demeure que François-Pierre de Rigaud de Vaudreuil trouve refuge après une querelle avec son frère le gouverneur Vaudreuil [Rigaud]. Mère d’Youville [Dufrost] lui accorde sa confiance et son amitié.

Feltz avait épousé à Québec, le 4 novembre 1741, Marie-Ursule, fille de François Aubert* de La Chesnaye. Ce mariage avait sans doute facilité son accession à la petite société montréalaise. Son second mariage à Lachine, le 16 février 1757, avec Cécile Gosselin, veuve du négociant Charles-Dominique Douaire de Bondy, crée de nouveaux liens qui lui sont aussi profitables.

La compétence de Feltz comme chirurgien et médecin est appréciée par son entourage. Il soigne plusieurs personnalités de la « haute société » coloniale. Mme Bégon, parfois sceptique devant ses diagnostics, avoue ne pas croire à toutes ses « charades », ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours à ses soins. Comme la majorité des gens de sa profession, Feltz utilise fréquemment saignées et lavements. Parfois ses traitements sont moins conventionnels ; ainsi, c’est avec des crapauds qu’il tente de soulager mère d’Youville d’une plaie au genou. Mais ce qui devait le plus contribuer à sa renommée fut sa recette pour guérir les chancres, secret dont héritent, après son départ, les chirurgiens Louis-Nicolas Landriaux et Pierre-Joseph Compain*. Enfin, on fait appel à sa sagesse dans le choix des nourrices pour les « enfants trouvés » et c’est encore à lui qu’on s’adresse pour juger des réclamations de certains de ses confrères.

Feltz, qui avait reçu ses « lettres de naturalité » le 3 février 1758, songe à partir pour la France après la Conquête, mais les autorités métropolitaines lui ordonnent de rester dans la colonie pour soigner les soldats malades et blessés, hospitalisés à Montréal. Au mois de juin 1766, le gouverneur Murray lui accorde un certificat reconnaissant ses services, et à la fin d’août il quitte définitivement le pays. En France, il continue d’exercer sa profession dans la région de Blois jusqu’à son décès, dix ans plus tard.

Cet homme au caractère jovial, qui aimait à l’occasion s’amuser des travers de ses concitoyens, a su atteindre une prospérité matérielle à laquelle peu de gens de sa profession ont pu accéder, grâce à des alliances matrimoniales heureuses et à ses qualités d’habile praticien et d’homme d’affaires. Dans les annales médicales du Régime français, Ferdinand Feltz demeure l’une des figures les plus intéressantes.

Gilles Janson

AMHDQ, Corr., Anciennes mères, Brouillon de lettre de sœur Geneviève Duplessis de l’Enfant-Jésus à M. de Laporte, 20 oct. 1751 ; Brouillon de lettre s.d. et sans destinataire (vers 1751) ; Registre des malades, V : 37, 61, 71.— AN, Col., B, 74, pp :160s., 243s., 253–255 ; 76, pp.172s. ; 107, pp.89–91 (copies aux APC) ; 113, f.194v. ; C11A, 73, ff.54–55 ; 75, ff.101, 317–318 ; 77, f.14 ; 79, f.355 ; E, 26 (dossier Benoist), 181 (dossier Feltz).— ANQ-M, Doc. jud., Registres des audiences pour la juridiction de Montréal, 15 mars, 13 sept. 1748, 7 mars 1750, 23 mars 1751, 18 avril 1755 ; État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 3 oct. 1756, 16 févr. 1757, 13 mai 1758 ; Greffe d’Henri Bouron, 21 mars 1750, 5 juin 1751 ; Greffe de L.-C. Danré de Blanzy, 16 nov. 1742, 13 août 1743, 14, 20 sept., 24 nov., 19 déc. 1754, 21, 25 févr., 10 mars 1755, 19, 29 juin, 3 sept., 9, 20, 30 oct., 17 nov. 1756, 15, 16 févr., 29 avril, 11, 14, 15 mai 1757, 28 avril, 3, 17 juin, 11, 16, 19, 21, 23 août 1758, 29 avril, 10 mai, 16 août, 29 sept. 1759, 1er avril, 17 sept. 1760 ; Greffe de P.-F. Mézière, 15 oct. 1764 ; Greffe de C.-C.-J. Porlier, 3 avril 1743 ; Greffe de François Simonnet, 7 mai 1748.— ANQ-Q, Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 2 nov. 1741.— Archives générales des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal), Registre des recettes et dépenses de l’Hôtel-Dieu de Montréal, 1743–1783.— ASGM, Ancien journal ; Corr. générale, no 6 ; Maison mère, Historique, Médecins ; Maison mère, MY/D ; Mémoire de mère Élisabeth McMullen ; Registre des recettes et dépenses, II.— ASSM, 1M1.62, 940.— AUM, P58, Doc. divers, G2, 2 juill. 1748.— Bégon, Correspondance (Bonnault), ANQ Rapport, 1934–1935, 193s., 197, 207, 209, 215, 250.— Coll. des manuscrits de Lévis (Casgrain), VII : 515 ; IX : 17s., 62 ; X : 91s.— Édits ord. (1854–1856), II : 395s.— Monseigneur de Lauberivière, cinquième évêque de Québec, 1739–1740, Cyprien Tanguay, édit. (Montréal, 1885), 133–137, 143–146.— [M.-A. Regnard Duplessis, dite de Sainte-Hélène], Lettres de mère Marie-Andrée Duplessis de Sainte-Hélène, supérieure des hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Québec, A.-L. Leymarie, édit., Nova Francia (Paris), V (1930) : 249s., 359–361, 368–370.— [C.-M.-M. d’Youville], La vie de madame Youville, fondatrice des Sœurs de la Charité à Montréal, ANQ Rapport, 1924–1925, 367.— La Gazette de Québec, 23 juill. 1767.— M.-J. et G. Ahern, Notes pour l’hist. de la médecine.— Albertine Ferland-Angers, Mère d’Youville, vénérable Marie-Marguerite Du Frost de Lajemmerais, veuve d’Youville, 1701–1771 ; fondatrice des Sœurs de la Charité de l’Hôpital-Général de Montréal, dites sœurs grises (Montréal, 1945), 180, 190, 218, 235–239, 241, 244–247, 255s., 259.— M. Trudel, L’esclavage au Canada français. Henri Têtu, M. Jean-Félix Récher, curé de Québec, et son journal, 1757–1760, BRH, IX (1903) : 300.

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Gilles Janson, « FELTZ (Felx, Fels, Felts), CHARLES-ELEMY-JOSEPH-ALEXANDRE-FERDINAND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/feltz_charles_elemy_joseph_alexandre_ferdinand_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    28 novembre 2024