DUQUET, JOSEPH, patriote, né le 18 septembre 1815 à Châteauguay, Bas-Canada, fils de Joseph Duquet, aubergiste, et de Louise Dandurand ; décédé le 21 décembre 1838 à Montréal.

Joseph Duquet commença ses études classiques au petit séminaire de Montréal en 1829 et les termina au collège de Chambly en 1835. Attiré par le notariat, il aurait entrepris cette année-là son stage de clerc à Châteauguay avec Joseph-Narcisse Cardinal, puis il aurait poursuivi l’année suivante son cours de droit à Montréal chez Chevalier de Lorimier, deux patriotes et futures victimes de l’échafaud en 1838 et 1839. En octobre 1837, il entra dans l’étude de son oncle Pierre-Paul Démaray*, notaire et patriote de Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu), auprès duquel il comptait achever sa formation.

Présent dans la nuit du 16 au 17 novembre 1837 à l’arrestation de Démaray, accusé de haute trahison, Duquet accompagna son oncle aux États-Unis après que Bonaventure Viger* et une poignée d’hommes eurent réussi à le libérer en tendant une embuscade au détachement qui le conduisait à la prison de Montréal. Le 6 décembre, il figura parmi les patriotes qui prirent part à l’escarmouche de Moore’s Corner (Saint-Armand-Station). Il se réfugia par la suite à Swanton, au Vermont, et participa le 28 février 1838 à la tentative d’invasion du Bas-Canada, que dirigeait Robert Nelson*.

Après l’amnistie de lord Durham [Lambton], Duquet put rentrer au Bas-Canada à la mi-juillet 1838. Il entreprit aussitôt une intense campagne de recrutement pour les frères-chasseurs. Il organisa une loge à Châteauguay et convainquit Cardinal d’en prendre le commandement. Le 3 novembre au soir, jour fixé pour le second soulèvement, il partit avec Cardinal et un groupe de partisans pour aller « emprunter » les armes des Indiens de Caughnawaga (Kahnawake). Arrivés à destination le matin du 4 novembre, Cardinal, Duquet et François-Maurice Lepailleur, beau-frère de Cardinal, entrèrent en pourparlers avec les chefs indiens. Ces derniers invitèrent alors l’ensemble des patriotes à prendre part aux entretiens, mais dès qu’ils eurent pénétré dans la réserve les guerriers les encerclèrent et firent 64 prisonniers qu’ils conduisirent aussitôt à la prison de Montréal.

Le 28 novembre 1838, on appela Duquet à comparaître avec 11 compagnons devant le conseil de guerre qu’avait institué sir John Colborne*. Lewis Thomas Drummond*, jeune avocat irlandais, Pierre Moreau, avocat canadien jugé « acceptable » par le conseil, et, un peu plus tard, Aaron Philip Hart, brillant juriste d’origine juive, se portèrent à leur défense. Cependant, on ne leur permit pas d’intervenir directement en procédant à des interrogatoires.

Dès le début, Cardinal déposa un protêt qui contestait la juridiction du conseil, puisque les délits avaient été commis avant l’adoption des ordonnances d’exception du 8 novembre 1838. Il réclama un procès devant un tribunal civil, mais en vain. L’audition des témoins terminée, les procureurs reçurent l’autorisation de présenter leurs commentaires. Drummond, avec l’aide de Hart, y alla d’un vigoureux plaidoyer qui impressionna fort le tribunal, au point qu’il se demanda si, dans un tel cas, la peine capitale n’était pas un châtiment excessif. Le président du conseil, le major général John Clitherow*, s’informa s’il n’était pas possible de prononcer une autre sentence. Le procureur général Charles Richard Ogden* répondit qu’il n’y avait pas d’autre choix et le solliciteur général Andrew Stuart opina dans le même sens. En conséquence, le 14 décembre, le conseil de guerre prononça la peine de mort contre tous ceux qui avaient été reconnus coupables.

Les hésitations du tribunal avaient rendu Colborne un peu perplexe. Le 15 décembre 1838, il demanda au Conseil exécutif d’étudier le cas des condamnés, en particulier celui de Duquet. Le conseil estima qu’on devait le considérer comme un récidiviste et que la justice ne pouvait que suivre son cours, tout comme pour Cardinal. Par contre, la peine des autres condamnés était commuée en déportation.

Ni l’intervention de l’évêque auxiliaire de Montréal, Mgr Ignace Bourget*, ni une pathétique supplique de la mère de Duquet n’eurent d’effet. Le 20 décembre 1838, Drummond tenta de son côté une démarche suprême en invoquant les doutes sérieux qui existaient quant à la légalité du procès. Il demandait la suspension de toute action jusqu’à ce qu’un tribunal compétent se soit prononcé. Il déclarait enfin que l’exécution de la sentence ferait des condamnés, de présumés coupables qu’ils étaient, des martyrs de l’arbitraire. Rien n’y fit.

Conformément à la sentence du tribunal, Cardinal et Duquet durent monter à l’échafaud au matin du 21 décembre 1838. On exécuta Cardinal en premier. Quand vint le tour de Duquet de gravir les marches, il se mit à frémir et à claquer des dents. Il fallut le soutenir. Lorsque la trappe tomba, la corde, que le bourreau Humphrey avait mal placée, glissa pour s’arrêter sous le nez du condamné qui se trouva projeté de côté et alla heurter avec violence la charpente ferrée du gibet. La figure meurtrie et saignant avec abondance, le malheureux n’avait pas perdu connaissance et râlait bruyamment. Les spectateurs se mirent à crier : « Grâce ! Grâce ! » Cette agonie se prolongea, dit-on, une vingtaine de minutes, le temps pour le bourreau d’installer une autre corde et de couper la première.

On inhuma les corps de Joseph Duquet et de Cardinal dans la même fosse, dans l’ancien cimetière de Montréal, sur l’emplacement de ce qui est aujourd’hui le square Dominion. Par la suite, on retira les restes des deux patriotes martyrs pour les transporter, en 1858, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, où ils reposent toujours sous le monument dédié aux patriotes.

Gérard Filteau

AC, Beauharnois (Valleyfield), État civil, Catholiques, Saint-Joachim (Châteauguay), 18 sept. 1815.— ACAM, RLB, I : 253.— ANQ-Q, E17/35, nos 2793, 2795–2799 ; E17/39, n° 3112 ; E17/40, nos 3176–3178, 3183–3187.— [A.-R. Cherrier], Procès de Joseph NCardinal, et autres, auquel on a joint la requête argumentative en faveur des prisonniers, et plusieurs autres documents précieux [...] (Montréal, 1839 ; réimpr., 1974).— « Papiers Duvernay », Canadian Antiquarian and Numismatic Journal, 3e sér., 6 : 21 ; 7 : 40–41.— F.-X. Prieur, Notes d’un condamné politique de 1838 (Montréal, 1884 ; réimpr., 1974).— Report of state trials, 1 : 17–111.— Montreal Herald, 19 nov. 1838.— North American, 18 avril 1839.— L. J. Burpee, The Oxford encyclopædia of Canadian history (Toronto et Londres, 1926), 173.— Fauteux, Patriotes, 237–239.— Michel Bibaud, Histoire du Canada et des Canadiens, sous la domination anglaise [1830–1837], J.-G. Bibaud, édit. (Montréal, 1878).— L.-N. Carrier, les Événements de 1837–38 (2e éd., Beauceville, Québec, 1914).— Christie, Hist. of L.C. (1866).— David, Patriotes, 207–218, 277–279.— N.-E. Dionne, Pierre Bédard et ses fils (Québec, 1909).— Filteau, Hist. des patriotes (1975).— William Kingsford, The history of Canada (10 vol., Toronto et Londres, 1887–1898), 9–10.— Maurault, le Collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— J.-A. Mousseau, Lecture publique sur Cardinal et Duquet, victimes de 37–38 [...] (Montréal, 1860).— Marcelle Reeves-Morache, Joseph Duquet, patriote et martyr (Montréal, 1975).— Léon Trépanier, On veut savoir (4 vol., Montréal, 1960–1962), 3 : 131–132.— « Le Bourreau Humphrey », BRH, 6 (1900) : 281–282.

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Gérard Filteau, « DUQUET, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/duquet_joseph_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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