COVERT, JOHN, fermier, juge de paix, homme d’affaires, auteur et officier de milice, né vers 1770 en Angleterre, peut-être à Christchurch (Dorset) ; il épousa une prénommée Elizabeth, et ils eurent au moins deux fils et deux filles ; décédé le 5 septembre 1843 dans sa ferme, New Lodge, près de Cobourg, Haut-Canada.
À son arrivée dans le Haut-Canada en 1820, John Covert était déjà d’un âge assez avancé et chargé d’une jeune famille. Il avait de l’argent car, après avoir examiné des terres dans la région du lac Rice, il opta pour une ferme déjà mise en valeur, dans le canton de Hamilton, sur la rive nord du lac Ontario, où s’installaient plusieurs Britanniques, membres de la gentry ou officiers à la demi-solde, dont Francis Brockell Spilsbury*. Dès 1821, il avait acheté et mis en culture deux lots situés dans les premiers rangs du même canton. Par la suite, il acquit des terres voisines, dans le but de créer à cet endroit stratégique, sur la route de Kingston, près de Cobourg, un vaste domaine agricole où pourrait s’élever un moulin.
Asseoir l’économie sur une base solide et créer un ordre social plus familier présentaient dans cette région pionnière des difficultés sur lesquelles Covert, comme bien des membres de sa classe, ne tarda pas à se pencher. Le 4 août 1821, on lui confia sa première commission de juge de paix, laquelle fut renouvelée plusieurs fois par la suite. Particulièrement intéressé aux questions de transport, il fut de ceux qui adressèrent une requête à la chambre d’Assemblée en 1825 pour la construction d’une jetée ou d’une digue à Cobourg et, deux ans plus tard, à titre de propriétaire de terres en friche dans le canton d’Otonabee, pour la mise en service d’un traversier sur le lac Rice. Toujours soucieux d’améliorer le port de Cobourg, il figura parmi les principaux fondateurs du comité local du port en octobre 1827. En janvier suivant, il signa avec 143 personnes une autre pétition adressée à l’Assemblée. Dès février, un comité spécial de la chambre recommanda d’entreprendre des travaux et de les confier à une société par actions à responsabilité limitée qui serait habilitée à percevoir un péage. On constitua la Cobourg Harbour Company en mars 1829, mais Covert, même s’il était l’un des premiers actionnaires, ne fit pas partie du conseil d’administration. Son gendre James Gray Bethune allait participer activement à l’exploitation de la compagnie dans les années 1830.
Convaincu que les Haut-Canadiens faisaient fausse route en ne se consacrant qu’à la production du blé, Covert se lança dans la culture et l’apprêt du chanvre. Déjà, aussi bien dans le Bas que dans le Haut-Canada, d’autres avaient, tenté, sans succès, de cultiver cette plante [V. Charles Frederick Grece] dont Edward Allen Talbot avait dit, au début des années 1820 : « actuellement, les deux Canadas n’en produisent pas en quantité suffisante pour pendre leurs propres malfaiteurs ». Covert fut cependant le premier, en 1830, à réclamer en vertu d’une loi de 1822 une subvention gouvernementale pour l’achat de machinerie qui servirait à préparer le chanvre. En novembre de la même année, il présenta des documents qui attestaient qu’il avait construit un grand moulin hydraulique. Quatre mois plus tard, le lieutenant-gouverneur sir John Colborne* et son Conseil exécutif récompensèrent ses efforts en lui accordant la subvention mais, conformément à la loi, on déclara la machinerie propriété de la couronne afin de pouvoir l’utiliser au besoin à des fins publiques. Désireux de se garantir un marché à l’intérieur même de la colonie, Covert envoya un échantillon de son produit au commodore Robert Barris, principal officier de la marine à Kingston, qui « le déclara aussi bon que le chanvre de Riga ou de Peterboro » et accepta d’en acheter 20 tonnes à £50 chacune. En mai 1831, dans l’espoir d’assurer un approvisionnement régulier et de faire ainsi de Cobourg le dépôt gouvernemental du commissariat de Kingston, Covert prononça une conférence sur la culture du chanvre devant ses collègues de la Northumberland Agricultural Society. À partir de son expérience, il affirmait que le chanvre aurait « en moyenne un rendement presque deux fois supérieur à celui du blé » et que quelques-uns de ses voisins, tous de prospères fermiers de la gentry, s’étaient laissé convaincre d’en cultiver. Au moins pour un temps, il fut le principal protagoniste de la culture du chanvre en Amérique du Nord britannique ; la Société d’histoire naturelle de Montréal lui décerna d’ailleurs une médaille pour l’essai qu’il écrivit sur le sujet. Pourtant ses efforts se révélèrent infructueux : peu de fermiers l’imitèrent, et bientôt il dut transformer son moulin pour se rabattre sur une activité plus conventionnelle, la mouture du blé.
L’échec de cette initiative n’est que la première d’une série de tragédies et de défaites personnelles qui assombrirent le reste de sa vie. Ses affaires commerciales, qui consistaient largement en spéculation foncière à Cobourg, dans les environs et dans les cantons situés plus au nord, devinrent plutôt chaotiques. Dans un testament particulièrement amer, écrit peu de temps avant sa mort, Covert allégua qu’« en raison de la mauvaise gestion, sinon de la trahison d’un soi-disant ami », Robert Henry*, banquier à Cobourg, « [ses] biens et [ses] espoirs les plus précieux [lui avaient] été enlevés ». De plus, en 1835, après de spectaculaires mésaventures à titre d’agent de la Bank of Upper Canada à Cobourg, James Gray Bethune lui demanda de le cautionner financièrement.
Conservateur important et peut-être principal orangiste de Cobourg, Covert fut également colonel du 1st Regiment of Northumberland militia. Ses opinions conservatrices influèrent d’ailleurs sur la façon dont il s’acquittait de ses responsabilités dans la milice. À compter d’avril 1832, il tenta de discréditer des sympathisants réformistes de son régiment, surtout le capitaine Wilson Seymour Conger, ce qui finalement, en juillet et août 1836, le mena en cour martiale. Le tribunal le déclara coupable quant à trois des huit accusations déposées contre lui par Conger et conclut qu’il s’était laissé « égarer par son zèle » plutôt qu’il n’avait cédé à des « motifs vindicatifs ou malveillants ». Toutefois, dans une ordonnance générale du 9 décembre, le lieutenant-gouverneur sir Francis Bond Head* déclara qu’« il ne [pouvait] considérer le colonel Covert comme apte à commander un régiment dans la province et qu’en conséquence, à son grand regret, il avait demandé à l’adjudant général d’informer le colonel Covert que Sa Majesté ne requ[érait] plus ses services dans ladite milice ». Cette situation fâcheuse n’empêcha pas les fils de Covert d’être miliciens : en 1838, Henry fut promu lieutenant en premier et, à la fin de la même année, Frederick Peechy succomba à une maladie contractée pendant son service militaire.
Assurément, ce sont les revers qu’il avait subis tant comme homme d’affaires que milicien qui poussèrent Covert à s’éloigner du Haut-Canada en 1837. Pendant qu’il était à l’extérieur de la province, la rébellion éclata en décembre et il s’entendit avec Jonas Jones, aide de camp de Head, pour faire quelques opérations de reconnaissance aux États-Unis. Rentré dans la province après un an d’absence, il découvrit qu’on l’avait radié de la liste des magistrats. Pendant au moins trois ans, il continua de faire des représentations auprès du secrétaire de la province, en protestant contre les injustices dont il avait été victime et en tentant de recouvrer à la fois sa commission dans la milice et ses fonctions de magistrat. Il gagna finalement sur ce dernier point car le 30 août 1843, moins d’une semaine avant sa mort, son nom figurait sur la liste des nouveaux magistrats publiée par le Cobourg Star.
En dépit de ses nombreuses difficultés, John Covert put laisser à ses héritiers des legs substantiels, constitués principalement de lots de ville importants et de logements spéculatifs situés à Cobourg, qui entrait justement dans une période de grande expansion. Néanmoins, c’est un homme déçu qui, dans son testament, disait de son unique fils survivant et principal héritier : « Bien que les sentiments de mon fils Henry n’aient pas semblé s’accorder avec les miens ni être faits du respect et de l’affection dus à un père touché par l’affliction et l’infortune [...], le devoir d’un chrétien commande d’oublier le passé [...] de sorte que par la présente je libère mon fils Henry d’une obligation d’une valeur de mille livres ainsi que d’autres prêts que je lui ai consentis au moment où des projets prématurés l’ont plongé dans la difficulté. »
AO, RG 8, I-1-P, 3, Covert à Jonas Jones, 15 mars 1838 ; Covert à S. B. Harrison, 27 nov. 1840 ; RG 22, sér. 187, reg. G (1858–1862), testament de John Covert, homologué le 8 mai 1860.— APC, RG 1, E3, 19 : 123–130, 193–202 ; 28 : 71–74 ; RG 9, I, B3, 5, nos 255, 262, 265 ; B8, 3.— Northumberland West Land Registry Office (Cobourg, Ontario), Hamilton Township, abstract index to deeds (mfm aux AO).— Bank of U.C. v. Covert (1836–1838), 5 O.S., 541.— H.-C., House of Assembly, App. to the journal, 1835, 2, app. 73 ; Journal, 10 mars, 9 avril 1825, 28 janv., 12 févr. 1828, 1828, app., report on Cobourg Harbour ; 12, 17–18 déc. 1832.— Cobourg Star, 8 févr., 31 mai 1831, 21 août 1833, 20 août, 6, 13 sept. 1843, 26 août 1846.— P. M. Ennals, « Land and society in Hamilton Township, Upper Canada, 1797–1861 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1978).— R. L. Jones, History of agriculture in Ontario, 1613–1880 (Toronto, 1946 ; réimpr., Toronto et Buffalo, N. Y., 1977).— D. E. Wattie, « Cobourg, 1784–1867 » (2 vol., thèse de m.a., Univ. of Toronto, 1949).
Peter Ennals, « COVERT, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/covert_john_7F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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