COFFIN, THOMAS, homme d’affaires, seigneur, fonctionnaire, homme politique et officier de milice, né le 5 juillet 1762 à Boston, fils de John Coffin* et d’Isabella Child ; décédé le 18 juillet 1841 à Trois-Rivières, Bas-Canada.

Thomas Coffin arrive à Québec au début d’août 1775 avec ses parents et ses dix frères et sœurs. Son père, homme d’affaires de Boston, compte parmi les loyalistes qui ont préféré quitter les colonies américaines au moment de la guerre d’Indépendance. Tandis que plusieurs de ses frères s’orientent vers une carrière dans l’armée ou dans la fonction publique – Nathaniel entre autres deviendra arpenteur provincial en 1790 – Thomas se lance dans le commerce. Dès novembre 1782, il est établi à Montréal où il vend notamment du rhum des Antilles, du brandy français et anglais, du porto, des vins espagnols, de la mélasse, du thé, du savon, du beurre et des fruits. Toutefois, sa rencontre avec Marguerite Godefroy de Tonnancour, fille de Louis-Joseph Godefroy* de Tonnancour, va modifier le cours de son existence.

Marié devant le pasteur anglican David Chabrand* Delisle à Montréal le 22 février 1786, le couple s’établit dans la seigneurie de la Pointe-du-Lac. Coffin se consacre alors à son nouveau rôle de seigneur, car sa femme a apporté en dot, outre 66 902 livres 5 sols 3 deniers, une part dans les seigneuries de Yamaska et de la Pointe-du-Lac ainsi que dans celles de Roquetaillade, Gastineau et Godefroy. Par suite de différentes transactions en 1786 et 1787, il devient propriétaire à part entière de la seigneurie de la Pointe-du-Lac. Au cours des années qui suivent, il se préoccupe du développement de cette seigneurie et fait de nombreuses concessions. Le 8 avril 1791, il donne à la fabrique de Pointe-du-Lac l’église, le presbytère et une terre de 60 arpents. Personnage en vue dans son milieu, Coffin a obtenu le 1er juillet 1790 le poste de shérif du district de Trois-Rivières, qu’il conserve jusqu’en décembre 1791. Cependant, il ne tarde pas à affronter de sérieux problèmes financiers. Incapable de rembourser une ancienne dette de £1 200, il voit, en juin 1795, les seigneuries de la Pointe-du-Lac et Gastineau saisies par le shérif, puis vendues le 25 octobre suivant à Nicholas Montour* pour £3 740.

Tout en continuant de gérer un patrimoine foncier fort réduit, Coffin participe à la vie politique. En juillet 1792, on l’avait élu député de la circonscription de Saint-Maurice, qu’il représentera jusqu’en juin 1804. À la chambre d’Assemblée, il se range le plus souvent du côté du parti des bureaucrates. En 1793, il vote contre le choix de Jean-Antoine Panet* comme président, et appuie plutôt la candidature de Jacob Jordan*. En décembre, il obtient qu’on forme un comité chargé de préparer une loi concernant les grands chemins et les ponts de la province ; il en sera le président. Toutefois, c’est le projet de loi qu’il présente au début de 1796 afin de réunir la seigneurie Gastineau à la paroisse de Pointe-du-Lac qui suscite le plus d’inquiétudes, car il met en cause le droit du Parlement d’ériger ou de diviser des paroisses sans l’accord préalable de l’évêque ou sans une érection canonique. Mgr Jean-François Hubert* y voit une tentative d’usurper les pouvoirs de l’évêque. L’Assemblée hésite et, finalement, préfère enterrer le projet. Mais Coffin, nommé commissaire responsable de la construction des églises et des presbytères en juin 1796, présente un autre projet de loi en mars 1798, qui vise cette fois à former une nouvelle paroisse. Joseph-Octave Plessis*, coadjuteur désigné, essaie vainement de faire amender le projet et rencontre même le gouverneur Robert Prescott*, qui, l’assure de ses bonnes intentions à l’égard de l’Église et de son opposition au projet de Coffin. La fin de la session permet d’éviter toute décision à ce sujet, et c’est sans succès que Coffin ressuscite le projet en 1800.

Coffin, qui n’a pas brigué les suffrages aux élections de 1804, se porte candidat dans Trois-Rivières à l’élection partielle de 1807. Défait par Ezekiel Hart, il fait présenter, par l’entremise de Benjamin Joseph Frobisher*, une pétition dans laquelle il conteste le droit de Hart, en tant que Juif, de siéger à la chambre d’Assemblée, et demande de prendre sa place. Malgré l’expulsion de Hart, Coffin n’en retire aucun bénéfice. En 1808, il réussit à se faire élire dans Saint-Maurice et siège à l’Assemblée jusqu’en octobre 1809. Aux élections qui suivent, il se retire au bout de sept jours de scrutin, après avoir constaté qu’il a reçu bien peu de votes. Finalement, il représentera Trois-Rivières d’avril 1810 à mars 1814.

Parallèlement à sa carrière de député, Coffin continue de s’intéresser aux affaires. Le 18 septembre 1798, en société avec son beau-frère John Craigie*, il fonde la Compagnie des forges de Batiscan dans le but de réaliser l’ambitieux projet d’exploiter le minerai de fer de la seigneurie de Batiscan. En échange de quatre terres qu’il loue pour 99 ans à la compagnie, Coffin reçoit une part qui équivaut à une avance de £1 000. Il est aussi nommé directeur jusqu’au 1er janvier 1800 et touche un salaire annuel de £200. Dès les premières années, l’entreprise doit affronter de sérieux problèmes. En décembre 1800, un incendie ravage le bâtiment de la forge, une perte évaluée à plus de £818 ; dans l’espoir de renflouer leur compagnie, les propriétaires tentent d’obtenir le bail des forges du Saint-Maurice, qui expire en avril 1801 [V. Mathew Bell] ais sans succès. Coffin et Craigie décident donc de s’adjoindre deux autres associés : Thomas Dunn* en 1801 et Joseph Frobisher* en 1802 qui détiennent chacun une part de un sixième dans l’entreprise. En 1802 également, la compagnie acquiert, grâce à diverses transactions, au moins 10 125 acres dans le canton de Radnor, riche en minerai et en ressources forestières, et en 1803 les associés achètent d’Alexander Ellice* au prix de £2 000 la seigneurie Champlain. Les forges de Batiscan, qui fonctionnent sur le modèle de celles du Saint-Maurice, produisent surtout des poêles, qui sont très recherchés, des chaudrons à sucre et à potasse, des bouilloires domestiques et du fer en barre. L’entreprise éprouve toutefois régulièrement des difficultés financières. Ainsi en décembre 1808, Coffin, à titre de directeur des forges, reconnaît devoir £2 300 à la McTavish, Frobisher and Company pour l’achat de diverses marchandises entre 1804 et 1806 ; afin d’acquitter cette dette, il cède £800 de créances de même que tous les objets en fer ou manufacturés, d’une valeur de £1 500. Ces problèmes ne sont sans doute pas étrangers à la décision qu’il prend de céder sa part à Craigie le 13 novembre 1811 pour la somme de £7 538. Les forges ne réussiront pas à reprendre pied et fermeront vers 1814.

Après avoir quitté la compagnie, Coffin se consacre surtout à son rôle de député et aux nombreuses fonctions que lui valent les faveurs du gouvernement. Juge de paix depuis 1794, il a été nommé en octobre 1811 par sir George Prevost* président des sessions trimestrielles dans le district de Trois-Rivières, ce qui lui rapporte un salaire annuel de £200. Colonel des trois bataillons de milice de Trois-Rivières depuis 1803, il devient en avril 1812 commissaire des transports dans le district de Trois-Rivières. Le 16 février 1813, on le nomme inspecteur de police de Trois-Rivières, charge qu’il conservera pendant plusieurs années. Coffin se voit aussi confier maints postes de commissaire dans le district de Trois-Rivières. Sa nomination au Conseil législatif le 8 mai 1817 vient reconnaître son importance comme homme public ; il remplira cette fonction jusqu’en mars 1838.

Toutefois, à compter de l’automne de 1835, Thomas Coffin, alors âgé de 73 ans, n’assiste plus aux réunions du conseil en raison du mauvais état de sa santé. Un an après avoir abjuré le protestantisme, il meurt à Trois-Rivières le 18 juillet 1841 en laissant au moins un fils, William Craigie Holmes. Le 22 juillet, il est inhumé dans la chapelle des ursulines, où repose déjà Marguerite Godefroy de Tonnancour, morte en 1839.

Huguette Filteau

ANQ-M, CN1-29, 18 mai 1803 ; CN1-375, 21 févr. 1786.— ANQ-MBF, CE1-48, 22 juill. 1841.— ANQ-Q, CN1-230, 8 juill., 2 oct. 1807, 7 juill. 1808, 13 nov. 1811 ; Index des dossiers de la Cour des plaidoyers communs et de la Cour du banc du roi, district de Québec, 1765–1808 ; T11-1/81, nº 3589 ; 87, nº 3988 ; 310, nº 340 ; 3558, nº 299.— APC, RG 4, Al : 22805–22808 ; RG 68, General index, 1651–1841.— ASTR, 0329.— Canada, Parcs Canada, région de Québec (Québec), Compagnie des forges de Batiscan, reg. de lettres, août 1807–juill. 1812.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1793–1814.— Boston, Registry Dept., Records relating to the early history of Boston, W. H. Whitmore et al., édit. (39 vol., Boston, 1876–1909), [24] : Boston births, 1700–1800, 5 juill. 1762.— La Gazette de Québec, 7 nov. 1782, 13 nov., 11 déc. 1788, 17 juill. 1794, 25 juin 1795, 11 févr. 1808, 7 déc. 1809.— Almanach de Québec, 1796 ; 1798–1799.— F.-J. Audet et Fabre Surveyer, les Députés au premier Parl. du B.-C. ; les Députés de Saint-Maurice et de Buckinghamshire, 5–15.— Bouchette, Description topographique du B.-C.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Denaut », ANQ Rapport, 1931–1932 : 329–330.— Desjardins, Guide parl.— Officers of British forces in Canada (Irving).— « Papiers d’État – B.-C. », APC Rapport. 1893 : 51–52.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 2 : 48, 254 ; 3 : 264–265.— Turcotte, le Conseil législatif.— Alexandre Dugré, la Pointe-du-Lac (Trois-Rivières, 1934), 40.— Lambert, « Joseph-Octave Plessis », 293–296, 335, 781, 1078, 1102–1103.— Ouellet, Bas-Canada, 317.— Québec, Ministère des Affaires culturelles, Louise Trottier, « Évaluation du potentiel historique des fours à charbon de bois des Grandes-Piles en relation avec quelques sites sidérurgiques de la Mauricie : les forges Radnor, de Batiscan, L’Islet, Saint-Tite et Shawinigan » (rapport dactylographié, Québec, 1983).— J. [E.] Hare, « l’Assemblée législative du Bas-Canada, 1792–1814 : députation et polarisation politique », RHAF, 27 (1973–1974) : 361–395.— É.-Z. Massicotte, « Notes sur les forges de Ste-Geneviève-de-Batiscan », BRH, 41 (1935) : 708–711.— P.-G. Roy, « la Famille Coffin », BRH, 40 (1934) : 229–232.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Huguette Filteau, « COFFIN, THOMAS (1762-1841) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/coffin_thomas_1762_1841_7F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/coffin_thomas_1762_1841_7F.html
Auteur de l'article:    Huguette Filteau
Titre de l'article:    COFFIN, THOMAS (1762-1841)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    28 novembre 2024