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HART, BENJAMIN, homme d’affaires, officier de milice et juge de paix, né le 10 août 1779 à Montréal, huitième enfant survivant et quatrième fils d’Aaron Hart* et de Dorothea Judah ; décédé le 27 février 1855 à New York.
Fils d’un important marchand de Trois-Rivières, dans la province de Québec, Benjamin Hart fut éduqué par des précepteurs, d’abord à Philadelphie, où, à l’âge de 11 ans, il fut placé sous les soins de Benjamin Jonas Phillips, puis, trois ans plus tard, à New York, où on le confia à Eleazar Levy. Bien qu’il soit possible qu’Aaron Hart ait envisagé une carrière médicale pour son fils, Benjamin était de retour à Trois-Rivières en 1798 pour aider ses frères et son vieux père dans la vaste entreprise familiale. Cette année-là, deux accusations de tentatives de voies de fait et une pour avoir troublé la tranquillité publique furent portées contre lui, ce qui annonçait un tempérament batailleur. Benjamin possédait un dixième des actions de l’entreprise familiale, son père, quatre dixièmes, et ses frères Ezekiel* et Moses, respectivement trois et deux dixièmes ; un autre de ses frères, Alexander (Asher), travaillait pour son propre compte à Montréal. L’une des tâches revenant à Benjamin était celle de voyageur de commerce pour la brasserie appartenant à la famille.
Quand Aaron Hart mourut en décembre 1800, il laissa à Benjamin le principal magasin des Hart à Trois-Rivières, ainsi qu’une maison de pierre à deux étages située au cœur du quartier commerçant de Montréal. Benjamin continua à tenir le magasin de Trois-Rivières et ouvrit un commerce dans la maison de Montréal, les deux en coparticipation avec son frère Alexander, à qui il s’était allié lors du litige familial, très long et envenimé, qui précéda le règlement de la succession de son père. En 1802, Benjamin se rendit en Angleterre pour conclure des arrangements avec les anciens fournisseurs d’Aaron Hart, dont l’empire Ellice, qui était depuis peu dirigé par Edward Ellice*. La publicité de Benjamin et d’Alexander Hart indiquait qu’ils étaient marchands commissionnaires, courtiers, encanteurs et banquiers, qu’ils étaient disposés à prêter de l’argent, à vendre et à acheter des terres et des marchandises, ou à entreposer des marchandises ; les frères Hart faisaient le commerce de n’importe quoi, de la perlasse et du bois aux cotonnades et à la poterie, et cela aussi loin qu’à Kingston, dans le Haut-Canada, à Boston, à New York et à Belfast. À Montréal, ils exerçaient leur commerce sous le nom d’Alexander Hart and Company et, à Trois-Rivières, où Benjamin dirigeait l’entreprise, sous le nom de Benjamin and Alexander Hart and Company.
Le 1er avril 1806, Hart fit un mariage avantageux en épousant à New York Harriot Judith Hart, fille du riche agent de change Ephraim Hart. Harriot Judith apporta en se mariant un fonds en fidéicommis de 5 000 $ fourni sur-le-champ par son père ; Benjamin promit de verser pour sa part une somme de 3 000 $ avant trois ans. Le couple eut 16 enfants, dont 8 moururent en bas âge.
Ambitieux, travailleur, indépendant et entreprenant, Hart affermit sa position dans la société de Trois-Rivières au cours de la première décennie du xixe siècle. Un peu après 1800, il devint membre du jury d’accusation et, en 1811, il était trésorier de la Société du feu. Il participa aussi aux premières luttes pour les libertés civiles des Juifs. En 1807, il avait incité son frère aîné Ezekiel à disputer le siège de député de Trois-Rivières à la chambre d’Assemblée et, après que celui-ci eut remporté la victoire mais fut empêché d’occuper son siège pour des raisons religieuses, il l’encouragea à tenter de se faire réélire. En février 1811, Benjamin adressa une pétition au gouvernement pour demander une commission dans le bataillon de milice de Trois-Rivières, mais le colonel Thomas Coffin*, commandant de l’unité, s’y opposa, soutenant que les miliciens chrétiens ne voudraient pas servir aux côtés, ou sous les ordres, d’un juif. Hart répliqua en s’assurant le soutien de résidents de la ville, qui envoyèrent au gouverneur sir George Prevost* des déclarations sous serment où ils appuyaient Hart ; on comptait parmi eux des personnalités importantes, dont le juge Louis-Charles Foucher, lieutenant-colonel sous les ordres de Coffin, le vicaire général François-Xavier Noiseux et le ministre anglican Robert Quirk Short*, de même que 47 miliciens. Étant donné l’influence de Coffin, il est douteux que Hart ait reçu une commission pendant qu’il restait à Trois-Rivières. En 1812, il prêta à l’armée £1 000 pour permettre l’établissement immédiat d’une garnison à William Henry (Sorel) et, durant la guerre de 1812, il servit comme homme de troupe dans la compagnie d’infanterie légère du capitaine John Ogilvy*, laquelle appartenait aux Montreal Incorporated Volunteers. Hart croyait pour sa part que l’opposition de Coffin à son endroit avait été d’ordre personnel et que la religion n’avait servi que de prétexte. Quels qu’aient été les motifs de Coffin, ses objections religieuses furent rejetées, puisque Ezekiel devint lieutenant dans son unité vers 1813.
Même si son association avec Alexander avait été dissoute le 1er avril 1812, Benjamin resta dans les affaires comme marchand commissionnaire, encanteur et courtier, à Trois-Rivières. En 1812, il semble s’être associé à Jessé Joseph pendant une courte période et, en 1813, il forma une société à Trois-Rivières avec Nicholas Osborne et, encore une fois, avec son frère Alexander, société qui portait le nom de Nicholas Osborne and Company. Il se peut que la dissolution de cette compagnie, en septembre 1813, soit arrivée dans une période de difficultés financières ; en effet, de la fin de 1813 au début de 1815, Benjamin dut saisir les propriétés de trois de ses débiteurs, dont celles d’Ezekiel.
Benjamin s’installa à Montréal en 1818 et lança une nouvelle affaire comme agent général et marchand commissionnaire ; il finit par vendre de tout, du sherry aux pelles. Il conserva cependant son commerce de Trois-Rivières jusqu’en mai 1820. Ses affaires ne s’améliorèrent pas tout de suite. Le fait que des débiteurs manquèrent à leurs engagements – entre 1820 et 1822, il saisit les propriétés de cinq d’entre eux dans la région de Trois-Rivières – contribua à empirer sa situation au point que, en mai 1821, Ezekiel avait fait saisir par le shérif 15 lots dans le canton de Melbourne qui lui appartenaient. La mort du beau-père de Benjamin, survenue en 1825, et l’importante somme d’argent dont hérita sa femme semblent lui avoir fourni le capital nécessaire pour renflouer ses affaires. En octobre 1829, il était au nombre des huit personnes qui réclamaient la reconnaissance juridique de la Banque d’épargne de Montréal, fondée dix ans plus tôt. En 1831, il possédait quelque 18 000 acres de terre dans 12 cantons du Bas-Canada. L’année suivante, il détenait des actions du chemin à lisses de Champlain et du Saint-Laurent, à une époque où l’investissement dans les chemins de fer ne faisait que commencer. Il fut aussi actionnaire du pont à péage de l’île Saint-Paul (île des Sœurs) et investit dans des bateaux, dont l’un, construit à Québec en 1839, porta son nom.
L’importance sociale de Hart s’accrut à mesure que ses affaires prirent de l’expansion. En octobre 1820, il passa du grade d’enseigne à celui de lieutenant dans le 1er bataillon de milice de la ville de Montréal. Il fit des dons généreux à la Maison d’industrie, fondée en 1818, et au Montréal General Hospital, établi l’année suivante. En 1829, il fut nommé membre du Bureau d’examinateurs des candidats aux postes d’inspecteurs de potasse et de perlasse, et il siégea au conseil d’administration du Committee of Trade de Montréal.
Toujours résolu à défendre les libertés civiles des Juifs, Hart participa aux pressions qui aboutirent, en 1831, à l’adoption d’une loi leur assurant l’égalité des droits. Cette loi, sanctionnée l’année suivante, eut pour conséquence que Samuel Becancour Hart, Moses Judah Hayes* et lui-même se virent offrir des postes de juge de paix en 1833. Comme la nouvelle loi n’avait prévu qu’un serment d’office chrétien, Benjamin Hart et Hayes refusèrent le poste et attendirent jusqu’en 1837 pour accepter [V. Aaron Ezekiel Hart]. Les deux hommes n’exerçaient leurs fonctions que depuis peu de temps lorsque la rébellion de 1837 éclata. Hart, qui était un constitutionnaliste actif et qui n’avait pas caché son antipathie pour la cause des patriotes, prétendit avoir joué un rôle important comme magistrat en recevant des renseignements, en réprimant des actes de violence et en autorisant l’arrestation de présumés rebelles ; en fait, les chefs rebelles le soupçonnaient de décerner des mandats en blanc. D’après l’auteur John Richardson, le bruit courut, en novembre 1838, que l’on avait découvert un plan des rebelles où ceux-ci projetaient de se débarrasser des principaux marchands fidèles au gouvernement et de proscrire tous les juifs. « M. Benjamin Hart, riche marchand professant cette religion, devait être envoyé au gibet », selon ce plan. Pas le moins du monde intimidé, Hart mena en 1838 une campagne, d’abord privée, puis publique, pour obtenir sa nomination comme membre du Conseil spécial, créé pour gouverner la colonie à la suite de la rébellion de 1837, mais ce fut en vain.
En plus de promouvoir les droits civils des Juifs, Hart, qui à cause de son orthodoxie religieuse était souvent scandalisé par les croyances et les pratiques hétérodoxes de son frère Moses, dépensa beaucoup de temps et d’argent à tenter de revivifier la congrégation juive de Montréal. Il n’y avait pas eu de ministre résidant depuis le départ de Jacob Raphael Cohen* en 1782, et, en 1825, le terrain sur lequel s’élevait la synagogue Shearith Israel retourna aux héritiers de David David*, privant ainsi les juifs de leur temple. En juillet 1826, Hart publia un vibrant appel à ses coreligionnaires de la ville dans le but de réorganiser la congrégation Shearith Israel. Comme membre du conseil d’administration de la congrégation, il mit sur pied une campagne de souscription afin de ramasser des fonds pour la construction d’une nouvelle synagogue, et lui-même fut le troisième donateur en importance. En attendant, il ouvrit une salle attenante à sa maison pour les services religieux. En 1830, la congrégation obtint l’autorisation du gouvernement de tenir des registres d’état civil. Ce n’est qu’en 1838, cependant, que la construction de la nouvelle synagogue fut achevée. Le 3 juillet, au cours d’une réunion présidée par Hart, la congrégation adopta des règlements qui, sur les instances de ce dernier, stipulaient que ce serait le rite des Sephardim, traditionnellement en usage dans la congrégation, qui serait observé même si les membres, y compris la famille Hart, étaient pour la plupart d’origine Ashkénazim.
En 1840, Benjamin Hart était l’une des personnalités juives importantes de Montréal. En 1843, il agissait à titre de représentant, dans cette ville, de la Minerva Life of London. L’année suivante, la Benjamin Hart and Company, à laquelle s’était joint comme associé le fils énergique de Benjamin, Theodore*, comptait parmi les maisons d’importation les plus dynamiques de Montréal. À la fin des années 1840, cependant, il se peut que la compagnie se soit trouvée prise dans l’effondrement général du commerce dont Benjamin, comme d’autres marchands de Montréal, rejeta la responsabilité sur la politique commerciale de la Grande-Bretagne ; en 1848, Benjamin Hart déposa son bilan au moment même où sa femme lui intentait un procès pour obtenir l’aide pécuniaire garantie par leur contrat de mariage. Sa déception de ne pas avoir obtenu de faveurs publiques en retour du loyalisme qu’il avait manifesté en 1837–1838 se transforma en amertume ; dès 1840, à Liverpool, en Angleterre, il avait publié un dépliant qui ridiculisait l’ancien gouverneur lord Gosford [Acheson*] pour avoir présenté à la chambre des Lords une imposante pétition contre l’union des Canadas, qui provenait du Bas-Canada. Le projet de loi de 1849 pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion [V. James Bruce*] fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Cette année-là, Hart signa le Manifeste annexionniste, qui prônait l’union économique et politique avec les États-Unis. Après avoir été relevé de ses fonctions de magistrat et d’officier de milice par suite de ce geste (en 1846, il détenait le grade de lieutenant-colonel et commandait le 3e bataillon de milice de la ville de Montréal), il alla s’établir à New York, avec une santé défaillante. C’est à cet endroit, où sa femme possédait des biens qu’elle avait hérités de son père, que Hart passa ses dernières années, retiré du monde, près de son fils Arthur Wellington. Il mourut en 1855 à l’hôtel St George, dans Broadway.
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Carman Miller, « HART, BENJAMIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hart_benjamin_8F.html.
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Auteur de l'article: | Carman Miller |
Titre de l'article: | HART, BENJAMIN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |