Titre original :  Dr. Alexander James Christie

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CHRISTIE, ALEXANDER JAMES, médecin, journaliste, auteur, homme d’affaires, fonctionnaire, juge de paix et notaire, né en 1787 et baptisé le 14 octobre dans la paroisse de Fyvie, Écosse, fils du révérend Alexander Christie, doyen du chapitre d’Aberdeen ; il épousa Jane Turner, et ils eurent au moins trois enfants, dont Alexander, ingénieur et constructeur de ponts ; décédé le 13 novembre 1843 à Bytown (Ottawa) et inhumé à Glencairn, sa ferme du canton de March, Haut-Canada.

Dans les premières notices biographiques qui portent sur lui et dans les textes qui font état de ses activités comme résidant des régions de Montréal et de Bytown, Alexander James Christie a le plus souvent le titre de docteur. Certes, il pratiqua la médecine et s’intéressa toute sa vie aux questions de santé, mais on n’est pas certain qu’il ait été un médecin diplômé. Il étudia les mathématiques au Marischal College d’Aberdeen pendant deux ans, et l’on rapporte que par la suite il fit sa médecine à l’University of Edinburgh, mais aucun document ne prouve hors de tout doute qu’il reçut un diplôme. On dit qu’il exerça dans le nord de l’Écosse ; en 1827, lorsqu’il sollicita auprès du docteur James Forbes, chef du service de santé de l’armée haut-canadienne, le poste de chirurgien sur le chantier du canal Rideau, il déclara avoir été médecin pendant plusieurs années dans la marine britannique. Par ailleurs, ses vastes connaissances et la diversité de ses centres d’intérêt incitent à croire qu’il enseigna en Écosse, mais on n’a guère de précisions à ce sujet, non plus que sur bien d’autres aspects de sa vie outre-mer.

Les choses s’éclaircissent à compter de l’arrivée de Christie dans le Bas-Canada en mai 1817. Probablement avait-il fait le voyage sur l’invitation de son beau-frère, Thomas Andrew Turner, qui lui trouva une maison et une clientèle à Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu). Bien qu’il ait reçu le 22 juillet l’autorisation de pratiquer la médecine dans la province, son goût pour la politique et l’écriture le mena bientôt dans une autre direction. En septembre 1818, il devint rédacteur en chef et, avec William Gray, copropriétaire du Montreal Herald. Toutefois, l’aventure se termina mal : Gray le congédia du poste de rédacteur en chef le 20 février 1821 et annonça la nouvelle dans le Herald du lendemain. Le renvoi de Christie faisait suite à son arrestation pour dettes, qui l’amènerait à passer « plus de trois longs mois » en prison. Plus tard, en relatant ces événements, il allégua que Gray avait manigancé sa faillite et son arrestation pour mettre fin à leur association. De plus, il prétendit qu’il avait dû remplir des tâches non prévues dans leur entente et que, pour cette raison, Gray lui devait plus de £2 000. Au moins un autre déposant, un employé du Herald nommé William Langhorne, confirma cette version des faits, mais de toute façon le séjour de Christie au journal était bel et bien terminé.

Cette première étape de la vie de Christie au Canada renferme tous les éléments de base de sa carrière future : pendant ses longues années de résidence à Bytown, il allait en effet soutenir les mêmes opinions politiques, exercer la médecine, écrire et publier, participer aux affaires publiques et occuper des postes dans l’administration. En politique, il était conservateur et impérialiste : satisfait du gouvernement, il s’opposait aux réformistes comme Robert Gourlay* et se méfiait beaucoup des visées des États-Unis sur l’Amérique du Nord britannique. Dans les pages du Herald et dans ses lettres à destination de la Grande-Bretagne, il notait combien les Américains se montraient solidaires quand l’intérêt national était en jeu ; à son avis, ils mobilisaient leurs ressources et leurs compétences afin de construire dans la région du lac Champlain des installations militaires et une puissante flotte, signe de leur profonde aversion pour tout ce qui était britannique.

C’est pourquoi, dès son arrivée au Canada et jusqu’à la fin de sa vie, Christie pressa ses concitoyens de réagir fermement. Selon lui, il fallait ériger de solides fortifications en des points stratégiques des rives laurentiennes et creuser ou élargir des canaux et des voies navigables. Il lui paraissait également essentiel d’unir le Haut et le Bas-Canada en situant la capitale dans un lieu facile à défendre ; aussi devint-il un ardent partisan de la construction du canal Rideau, auquel il attribuait des avantages économiques aussi bien que militaires, et du choix de Bytown comme capitale. Ce dernier point était l’un de ses chevaux de bataille lorsqu’il fut rédacteur en chef de l’hebdomadaire Bytown Gazette, and Ottawa and Rideau Advertiser.

Pour Christie, tout rédacteur en chef devait être d’une objectivité et d’un éclectisme remarquables puisqu’il orchestrait la publication d’une chronique de son époque. En septembre 1818, dans le Herald, il donna la définition suivante d’un journal : « l’abrégé des actes des grands et des humbles [...] En fait, un journal doit refléter [...] les sentiments du peuple ; il doit être l’écho de l’opinion publique ; il doit promulguer les principes les plus élevés ; il doit défendre les intérêts les meilleurs. » À titre de rédacteur en chef du Herald, puis de la Montreal Gazette (mars 1824–août 1825) et de la Bytown Gazette (1836–1843), il rédigea des comptes rendus et commentaires sur des sujets très variés : politique, économie, conduite des Américains, problèmes sociaux. Toutefois, comme ses homologues des autres périodiques, il avait ses marottes : critique des réformistes et de William Lyon Mackenzie* (avec qui il avait été en bons termes pendant quelque temps, en 1820, quand celui-ci collaborait au Herald), défense de sir Francis Bond Head* et insistance sur la nécessité d’unir le Haut et le Bas-Canada afin de réduire, sinon d’annihiler, le pouvoir des francophones.

En qualité de médecin, Christie s’intéressait certainement au bien-être d’autrui. Au début de son séjour à Montréal, il participa à la fondation du Montreal General Hospital et fut secrétaire de l’Emigrant Society of Montreal. Cette dernière activité l’amena à chercher un terrain où construire un établissement d’accueil pour les immigrants et à rédiger son propre guide, The emigrant’s assistant : or remarks on the agricultural interest of the Canadas [...]. Comme il était lui-même un immigrant de fraîche date, il écrivit, dans tous les coins des deux provinces, à des hommes d’expérience afin de rassembler de la documentation. Son ouvrage, qui présentait « la vérité [...] sans apprêt », contenait des chapitres sur l’histoire du peuplement du Canada et sur les meilleurs moyens, pour les immigrants, de faciliter leur installation, puis brossait un bref tableau de l’histoire et des institutions politiques du Haut et du Bas-Canada ; d’autres chapitres expliquaient la tenure des terres, leur répartition, les moyens d’en obtenir puis de les défricher. Christie envisageait apparemment de publier un deuxième volume, largement statistique, mais rien n’indique qu’il le fit.

Grâce à ce livre et à ses fonctions de rédacteur en chef, Christie avait ses entrées dans un petit cercle littéraire de Montréal. Il était, semble-t-il, en bons termes avec Samuel Hull Wilcocke*, rédacteur en chef d’une publication violente et satirique, le Scribbler. Wilcocke lui écrivit plusieurs fois et se rangea vraisemblablement de son côté dans sa lutte contre Gray. Il fit en outre une bonne critique de The emigrant’s assistant dans le Scribbler. De même, David Chisholme, Écossais lui aussi, eut d’abord des liens d’amitié avec Christie, qu’il invita à collaborer au Canadian Magazine and Literary Repository, dont il était le rédacteur en chef en 1823. Cependant, les deux hommes devinrent des rivaux et s’injurièrent mutuellement quand, en 1824, Chisholme fut nommé rédacteur en chef du Herald et d’une nouvelle publication, la Canadian Review and Literary and Historical Journal. Après avoir quitté Montréal en 1821, Christie avait décidé d’y revenir après qu’on lui eut offert £200 par année pour diriger la Gazette et le Canadian Magazine, ce qu’il fit de mars 1824 au milieu de 1825. Chisholme et lui s’entendaient cependant en matière littéraire : ils encourageaient les productions locales, appelaient la venue d’une littérature axée sur « les faits réels ou les objets tangibles » et repoussaient l’utilisation excessive des « artifices de la poésie » dont le recours à des « êtres imaginaires issus d’un monde féerique ». Comme Chisholme, Christie profita de la fondation de la Société littéraire et historique de Québec, en 1824, pour examiner comment les organismes de ce genre pouvaient contribuer au progrès de la culture dans une société neuve.

Christie quitta de nouveau Montréal à l’été de 1825 et retourna dans le canton de March, où il s’était installé avec sa femme et ses enfants au cours de l’été de 1821. Toutefois, comme la terre du rang 7 ne produisait guère, la famille s’établit en 1822 sur un lot du rang 1. Christie y construisit Glencairn et une ferme qu’il confia à son fils Thomas. En 1827, probablement par désir de se rapprocher de l’animation de la ville, Christie alla se fixer là où se trouve aujourd’hui l’intersection des rues Wellington et Lyon, à Ottawa. Vers 1835, il construisit une maison rue Sparks ; les bureaux de son imprimerie occupaient une propriété adjacente.

En plus de s’essayer à l’agriculture, Christie pratiquait la médecine, vendait au détail diverses marchandises et était membre du conseil d’administration de la Hull Mining Company. De septembre 1826 à avril 1827, il occupa un poste temporaire de médecin auprès des ouvriers du canal Rideau ; il continua d’exercer cette fonction à titre officieux jusque vers la fin de 1827, en tenant comme toujours un relevé détaillé de ses activités. Même s’il fit appel au lieutenant-colonel John By, à James Forbes, inspecteur des hôpitaux militaires de la province, et au gouverneur lord Dalhousie [Ramsay], il ne put obtenir de poste officiel permanent, probablement parce qu’il était civil. En mars 1830, il devint coroner du district de Bathurst (nomination renouvelée en 1836 et 1839). Ce n’était pas sa première charge publique puisqu’il avait déjà occupé celle de juge de paix de la ville de Bytown. En outre, il s’était toujours intéressé aux affaires de son milieu : il avait contribué de manière fort importante à la construction de l’église anglicane St Mary, sur un terrain dont son ami Hamnett Kirkes Pinhey* était propriétaire, et avait prononcé l’adresse de bienvenue à lord Dalhousie quand celui-ci avait visité le district en septembre 1826. En janvier 1834, Christie fut habilité à délivrer des dispenses de bans ; en septembre 1835, sir John Colborne* le proclama notaire. En 1836, il fut secrétaire de la Bathurst Agricultural Society et de l’Ottawa Lumber Association ; l’année suivante, il agit pendant un moment en qualité de greffier de canton.

À titre de coroner, Christie devint secrétaire du bureau de santé et eut à faire face en 1832 à la menace de choléra. En juin, il tenta d’isoler Bytown en interdisant au Shannon et à d’autres navires de s’en approcher. Le commandant du Shannon obéit, mais le choléra gagna quand même la ville, où l’on déplorait trois morts au 12 juillet. Pour traiter la maladie, Christie prescrivait un mélange de charbon d’érable argenté, de lard et de sucre d’érable. Il tint des relevés financiers des mesures prises à Bytown : en 1832, la construction et l’équipement d’un hôpital coûtèrent plus de £115 et en 1834, quand la maladie resurgit, les dépenses s’élevèrent à £123.

Du 9 juin 1836 jusqu’à sa mort, Christie dirigea la Bytown Gazette. Plus tôt dans l’année, après la fin prématurée du Bytown Independent, and Farmer’s Advocate de James Johnston, il avait acheté la presse de celui-ci. Malgré sa nouvelle fonction, il n’abandonna ni la recherche de nominations gouvernementales ni l’action politique. À l’occasion d’une élection partielle dans Carleton, en 1832, il avait participé à la campagne de Pinhey. La dureté de la lutte apparaît dans un récit satirique en vers paru en 1832, The Carleton election ; or, the tale of a Bytown ram ; an epic poem, in ten cantos, parfois attribué à Christie. Toujours par souci d’obtenir une place dans l’administration et de participer à la vie politique, il fut, en 1838, l’un des principaux signataires d’une pétition qui réclamait la formation d’un nouveau district, Dalhousie, à partir des districts de Bathurst, Johnstown et Ottawa.

À la fin de 1840, on choisit Christie comme candidat en prévision des élections de mars 1841, destinées à former la première Assemblée législative de la province du Canada. Toutefois, on le persuada de se retirer, avec Johnston et Robert Shirreff, en faveur d’un rédacteur en chef montréalais, Stewart Derbishire*, parachuté dans la circonscription par son ami le gouverneur lord Sydenham [Thomson]. En mai 1842, grâce surtout à l’intervention de Derbishire, devenu député, Christie obtint en récompense le poste de greffier de la paix du nouveau district de Dalhousie.

Même si Christie avait invoqué la maladie pour se retirer de la campagne électorale de 1841, il n’abandonna pas son travail de rédacteur en chef. Apparemment, il tomba gravement malade au début de novembre 1843 ; sa mort survint le 13. Sa famille continua de publier le journal pendant quelque temps puis le vendit.

Alexander James Christie était un journaliste au tempérament vif et aux idées controversées ; il fut aussi un témoin de son époque. Ses dossiers et mémoires contiennent des renseignements utiles autant sur l’histoire que sur les conditions sociales et économiques de son milieu. Le journal qu’il tenait sous le titre de « Medical and Chirurgical Observations » montre qu’il ne cessa jamais de parfaire sa connaissance de la médecine et illustre comment sa profession se pratiquait en région isolée ; ses lettres et journaux de voyage décrivent les ressources humaines et agricoles propres à la région du canal Rideau et de l’Outaouais ; son carnet de philosophie de la nature révèle sa vaste curiosité pour les sciences physiques.

Carl P. A. Ballstadt

Alexander James Christie est l’auteur de : The emigrant’s assistant : or remarks on the agricultural interest of the Canadas [...] (Montréal, 1821).

AO, MU 934–944.— APC, MG 24, B1 ; 19, 1–8 ; I102 ; MG 30, D1, 8.— McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Special Coll., ruts coll., CH202.S180.— Ottawa, Hist. Soc., Bytown Museum and Arch. (Ottawa), JCHR.— Canadian Magazine and Literary Repository (Montréal), 1 (juill.–déc. 1823)–4 (janv.–juin 1825).— Canadian Rev. and Literary and Hist. Journal (Montréal), no 1 (juill. 1824)–n° 3 (mars 1825).— The search for English-Canadian literature : an anthology of critical articles from the nineteenth and early twentieth centuries, C. [P. A.] Ballstadt, édit. (Toronto et Buffalo, N. Y., 1975).— Bytown Gazette, and Ottawa and Rideau Advertiser, 9 juin 1836–16 nov. 1843.— Montreal Gazette, mars 1824–sept. 1825.— Montreal Herald, sept. 1818–févr. 1821.— Scribbler (Montréal), 1821–1822.— C. P. A. Ballstadt, « The quest for Canadian identity in pre-confederation English-Canadian literary criticism » (thèse de m.a., Univ. of Western Ontario, London, 1959).— W. P. Lett. Recollections of old Bytown, Edwin Welch, édit. (Ottawa, 1979).— H. [J. W.] Walker et Olive [Moffatt] Walker, Carleton saga (Ottawa, 1968).— C. C. J. Bond, « Alexander James Christie, Bytown pioneer : his life and times, 1787–1843 », OH, 56 (1964) : 17–36.— H. P. Hill, « The Bytown Gazette, a pioneer newspaper », OH, 27 (1931) : 407–423.— M. L. MacDonald, « Some notes on the Montréal literary scène in the mid-1820’s », Canadian Poetry (London), no 5 (automne–hiver 1979) : 29–40.

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Carl P. A. Ballstadt, « CHRISTIE, ALEXANDER JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/christie_alexander_james_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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