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PINHEY, HAMNETT KIRKES, homme d’affaires, fonctionnaire, homme politique et auteur, né le 11 décembre 1784 à Plymouth, Angleterre, fils de William Pinhey et de Mary Townley ; le 12 décembre 1812, il épousa à Londres Mary Anne Tasker, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 3 mars 1857 à Ottawa et inhumé au cimetière de l’église St Mary, canton de March, Haut-Canada.
Hamnett Kirkes Pinhey personnifie, à bien des égards, le colon idéal du Haut-Canada : instruit, robuste, doué, jeune, patriote et, plus important encore, riche. Avec de telles qualités, il était presque sûr qu’il allait jouer un rôle de premier plan dans la jeune colonie et se distinguer dans plusieurs fonctions importantes.
Le nom de Pinhey est probablement d’origine portugaise et il se peut que Hamnett Kirkes Pinhey ait été un descendant de marchands engagés dans le commerce anglo-portugais. Chose certaine, au moment de la naissance de Pinhey, sa famille était bien établie en Angleterre et possédait un grand domaine à Totnes. Pinhey fit ses études à Londres où sa famille s’était installée ; il fréquenta le Christ’s Hospital de 1792 à 1799. Encore jeune, il se lança dans le commerce où, semble-t-il, il prospéra. Durant les guerres napoléoniennes, il parvint à forcer le blocus continental pour remettre des dépêches au roi de Prusse, mission qui lui valut par la suite des félicitations publiques et une récompense en argent, votée par les Communes. En 1814, deux ans après son mariage avec la fille d’un marchand et exportateur londonien, Pinhey s’associa à Henry Crosley en qualité de courtier de navires et d’assurances. Pendant quelques années, semble-t-il, l’entreprise eut un énorme succès dans le commerce européen, mais il appert que Crosley, qui était responsable des transactions sur le continent, n’était pas d’une franchise totale dans ses rapports avec Pinhey ; à la fin de 1817, leur association s’avéra un échec et il en résulta un litige qui dura trois ans. Le souvenir amer de cette rupture, les difficultés commerciales dues à la récession de l’après-guerre, et sans doute un certain goût de l’aventure, amenèrent Pinhey à se tourner vers d’autres activités. En 1819, à l’âge de 34 ans, il se retira officiellement des affaires.
En décembre de la même année, au moment où il faisait partie de la Company of Grocers à titre de bourgeois et de membre et siégeait au conseil d’administration du Christ’s Hospital, Pinhey demanda dans une pétition au secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, de lui accorder une concession de terre dans le Haut-Canada. Il affirmait s’être « retiré depuis peu avec une petite fortune personnelle » et annonçait son intention de « fonder une maison commerciale dans les établissements reculés [situés] sur les terres de Sa Majesté au Canada », s’il pouvait obtenir une concession de 1 500 à 2 000 acres « sur les rives de l’Outaouais ». La concession fut accordée, mais ni les dimensions ni l’emplacement exact du terrain n’avaient été déterminés lorsque Pinhey s’embarqua pour l’Amérique du Nord britannique en avril 1820. Il emportait avec lui £300 en or et en argent. Son navire, le Lord Exmouth, quitta Plymouth et, après une traversée de 35 jours, accosta à Québec le 22 mai. Pinhey se rendit à Montréal puis remonta la rivière des Outaouais jusqu’au canton de March, au nord de Bytown (Ottawa), où il prit possession de son terrain peu de temps après. Sa propriété du canton de March allait s’étendre un jour sur plus de 2 000 acres.
En plus de la propriété de Pinhey, la région comprenait plusieurs vastes terrains qui avaient été acquis par des ex-officiers de la marine et de l’armée après la guerre de 1812. On dit que, très tôt, le secteur tout entier avait un air stable et prospère. À l’été de 1821, Pinhey avait ramené sa femme et ses deux enfants, ainsi que des biens personnels – plus de 50 malles contenant l’argenterie de table, la porcelaine, les bijoux et les meubles – dont la valeur s’élevait à £800. Il devint rapidement un gentleman-farmer et l’un des chefs de file du district. L’historien Michael Sean Cross a noté que, après la guerre de 1812, une aristocratie était née parmi les officiers à la demi-solde et les gentilshommes du village de Richmond et du canton de March, une élite tory qui constituait également le family compact de l’endroit. À son avis, l’instruction, l’éducation et les antécédents étaient les facteurs qui assuraient l’unité de cette gentry coloniale. Bien assorti à ce groupe, Pinhey était cependant beaucoup plus actif dans le domaine du commerce et il avait des opinions dont le conservatisme, à première vue du moins, était certainement moins strict que ce que Cross laisse entendre.
Sur son terrain en bordure de l’Outaouais, Pinhey mit sur pied l’équivalent d’une grande ferme anglaise et il appela sa propriété Horaceville, d’après le nom de son fils aîné. En quelques années, il construisit une belle maison de pierre (le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay*] et John Strachan* allaient être au nombre de ses invités), un moulin à farine, une scierie et la première église en pierre de la région, St Mary, qui fut consacrée en 1834 par l’évêque anglican Charles James Stewart*. La clairvoyance et l’expérience de Pinhey dans les affaires le distinguaient nettement des militaires qui s’étaient installés dans le canton et il ne tarda pas à devenir le conseiller financier et le banquier de la communauté naissante. Il tenait ses livres avec un soin méticuleux, et ses dossiers permettent de connaître dans les moindres détails la gestion d’une propriété du Haut-Canada à une époque où le transport était lent et tributaire des saisons. En 1827, n’ayant pu cultiver que 80 des 1 000 acres de sa concession, il rédigea cette note qui en dit long sur l’économie du Haut-Canada : « Je ne fais pas une fortune, mais [j’établis] un domaine. En vérité, je ne vois jamais d’autre argent que le mien. » Pinhey et sa famille vivaient confortablement, employaient un grand nombre de domestiques, voyageaient et suivaient le cours des affaires en Angleterre.
En plus de remplir les fonctions de représentant de la Canada Company dans le canton, Pinhey s’occupa un peu de biens immobiliers. Au cours des années, il s’intéressa également à plusieurs grands projets de développement et à des organisations philanthropiques de la région. Parmi ceux-là, il y eut des projets de sociétés agricoles, de compagnies de construction routière et, bien sûr – l’engouement le gagna comme les autres – de chemins de fer. Son enthousiasme aboutit parfois à des résultats très positifs comme, par exemple, dans le cas des compagnies de construction routière. Il semble qu’il attachait une importance primordiale à l’éducation, et sa philanthropie l’incita à soutenir le Christ’s Hospital (il utilisa son siège au conseil d’administration de cette école pour parrainer l’instruction de jeunes Canadiens et de jeunes Anglais) et à tenter au moins une fois de créer un établissement semblable dans la localité : il proposa la fondation du Royal Union Collège, qui devait être « très libéral » et attirer « les chrétiens de toutes dénominations ». Impossible à réaliser dans un Haut-Canada où les capitaux étaient rares, ce dernier projet révélait néanmoins la mentalité de Pinhey et des gens de son milieu.
À son arrivée dans le Haut-Canada, Pinhey était, par tempérament, un tory, mais il n’avait jamais eu à s’engager jusque-là. Peu intéressé à la politique dans les années 1820, il était prêt à briguer les suffrages en 1832. À l’occasion d’une élection partielle cette année-là, il l’emporta sur un autre candidat tory, George Lyon, dans la circonscription de Carleton, après une lutte serrée qui donna lieu à une manifestation de partisanerie politique plutôt qu’à une discussion sur l’idéologie conservatrice. « Je pourrais avoir le siège d’un bourg pourri au Parlement britannique pour la moitié de la somme que ce poste très enviable m’a coûté », écrivait Pinhey à James FitzGibbon*. Et il ajoutait : « J’ai idée que c’est un siège qui, au lieu de l’accroître, diminue la dignité du gentleman qui condescend à l’occuper. »
Pinhey n’eut guère le temps de s’en rendre compte. Son élection fut annulée en 1833 à cause d’irrégularités ; il semble que les francs-tenanciers qui l’avaient appuyé n’étaient pas tous propriétaires. Dans une large mesure, l’enthousiasme de Pinhey pour la politique se porta alors dans la coulisse et, durant les deux décennies qui suivirent, il rédigea, sous des pseudonymes comme Vesper et Poor Correspondent, des vers mordants, des essais et des lettres pour la Bytown Gazette, and Ottawa and Rideau Advertiser, journal dirigé par son ami Alexander James Christie*, et pour l’Alymer Times d’Aylmer, Bas-Canada. Dans ces textes, il apparaît comme un grincheux qui est prêt non seulement à malmener les réformistes, les radicaux et les rebelles déclarés ou en puissance, mais également à critiquer, avec esprit et souvent avec éloquence, les gens de toutes tendances. Il se révèle avant tout un porte-parole des possédants de la classe moyenne, même si son conservatisme devient plus excessif quand il s’agit de questions constitutionnelles comme l’octroi du gouvernement responsable. Il réserve toujours ses attaques les plus mordantes au « réfractaire, turbulent et insultant » William Lyon Mackenzie*, mais il dénonce plutôt les déficiences personnelles de l’homme que ses opinions politiques.
Il semble qu’une grande partie des documents se rapportant aux activités de Pinhey durant les rébellions de 1837–1838 aient été détruits, mais on peut présumer qu’il appuya activement les tories. Dans les années 1840, son immense courroux se porta sur la question du gouvernement responsable. Ses inquiétudes ne concernaient pas tant le principe, mais plutôt les problèmes engendrés par la pauvreté – intellectuelle et pécuniaire – des fonctionnaires élus dans les Canadas, et il était craintif à la pensée que la confiance populaire serait placée entre les mains de ces personnes corruptibles. À cette époque, il semble que l’un des principaux gredins, aux yeux de Pinhey, était Francis Hincks*.
Hamnett Kirkes Pinhey reçut un certain nombre de nominations politiques. Il fut nommé président du conseil municipal du canton, préfet du conseil du district de Dalhousie et, plus tard, du conseil du comté de Carleton, surintendant adjoint des écoles publiques du comté de Carleton, et finalement, en 1847, conseiller législatif, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort en mars 1857. Sa propriété, Horaceville, continua d’appartenir à sa famille jusqu’en 1959 et devint à cette date le premier bien-fonds qui fut placé sous l’autorité de la Commission de la capitale nationale. Tout comme la réputation de son constructeur, elle a besoin d’être restaurée.
Parmi les sources manuscrites relatives à Hamnett Kirkes Pinhey, on consultera ses papiers personnels aux AO (MU 2322–2325) et différentes pièces dans les vol. 9–11 de la Hill collection aux APC (MG 24, I9). Les papiers de la famille Pinhey (APC, MG 24, 114) contiennent, en plus de photocopies provenant de différents fonds, des documents originaux dont les carnets ou journaux personnels de Pinhey pour les années 1821–1829 et 1837. Les AO (MS 199) conservent ses journaux pour les années 1829–1840.
Dans les papiers F.-J. Audet (APC, MG 30, D1, 24 : 841–844) et dans la collection H. T. Douglas (AO, MU 934–944, particulièrement MU 937), on trouve des renseignements biographiques sur Pinhey. De plus, la collection Douglas (AO, MU 940) renferme une photographie de Pinhey prise vers 1850, et une salle du Hist. Soc. of Ottawa’s Bytown Museum est consacrée à sa mémoire.
Il n’existe pas de biographie complète de Pinhey. L’ouvrage de [M.]N. Slater Heydon, Looking back [...] pioneers of Bytown and March : Nicholas Sparks and Hamnet Kirkes Pinhey ; their antecedents and their descendants (Ottawa, 1980), est peu fiable. Celui de Lucien Brault, Ottawa old & new (Ottawa, 1946), donne de plus amples informations. L’article, plus ancien, de M. H. Ahearn, « The settlers of March Township », OH, 3 (1901) : 97–102, fournit des références à Pinhey, mais cette information doit être complétée par celle que donne M. S. Cross, dans « The age of gentility : the formation of an aristocracy in the Ottawa valley », SHC Communications hist., 1967 : 105–117. [r. h.]
AO, RG 1, C-I-3, 96 : 133 ; C-I-5, 1 : 475 ; 2 : 294 ; 14: 55 ; C-III-3, 1 : 136 ; 2 : 313 ; C-III-4, 10 : 55.— State Library of New South Wales, Mitchell Library (Sydney, Australie),
Roger Hall, « PINHEY, HAMNETT KIRKES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pinhey_hamnett_kirkes_8F.html.
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Auteur de l'article: | Roger Hall |
Titre de l'article: | PINHEY, HAMNETT KIRKES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |