LUCAS, FRANCIS, officier de marine, commerçant, né vers 1741 à Clontibret (comté de Monaghan, république d’Irlande), décédé en mer en 1770.

Francis Lucas débuta dans la carrière navale comme matelot de deuxième classe puis devint master’s mate et navigua de 1764 à 1766 à bord du Niger sous les ordres du commandant sir Thomas Adams ; ce vaisseau patrouillait les pêcheries de la côte septentrionale de Terre-Neuve et de la côte sud du Labrador. En 1765 le Niger débarqua quatre missionnaires moraves à la baie des Châteaux (Chateau Bay), principal port de la côte sud du Labrador ; ceux-ci étaient à la recherche d’un endroit approprié pour établir une mission esquimaude sur ce littoral à peu près inexploré. Deux d’entre eux, Jens Haven* et Christian Andrew Schlœzer partirent en reconnaissance sur le schooner Hope. Le gouverneur, Hugh Palliser*, qui était à la baie des Châteaux cet été-là, leur adjoignit Lucas pour les aider à faire « les observations nécessaires ». Au cours du mois d’août, le schooner explora l’inlet de Davis, son littoral et les régions environnantes où les hommes de l’équipage purent observer qu’il y avait beaucoup de bois et de faune mais pas d’Esquimaux. Le rapport que Lucas présenta à Palliser à St John’s ne fit que confirmer le gouverneur dans son opinion que la côte du Labrador, « sous une réglementation appropriée », se révélerait inestimable par ses pêcheries et son commerce.

Lucas fut affecté au vaisseau amiral de Palliser, le Guernsey, en mars 1767, et passa de nouveau l’été à la baie des Châteaux. Le fort York y avait été construit l’année précédente, afin de protéger les vaisseaux de pêche anglais contre les Esquimaux et contre « le pillage encore plus malfaisant des équipages des plantations » (de la Nouvelle-Angleterre) ; Palliser nomma alors Lucas au poste de commandant en second de la garnison permanente et lui confia tout particulièrement la responsabilité des embarcations du fort. En novembre 1767, un parti d’Esquimaux attaqua l’établissement de pêcheries de Nicholas Darby du cap Charles, au nord-est de la baie des Châteaux, s’empara de bateaux et tua trois hommes. II semble que les Esquimaux aient cherché à se venger des mauvais traitements que leur auraient infligés des pêcheurs de baleines de la Nouvelle-Angleterre. Lucas poursuivit les Esquimaux, en tua au moins 20 et s’empara d’un certain nombre de femmes et d’enfants. II réussit à établir des rapports amicaux avec les prisonniers, en particulier avec une femme très intelligente du nom de Mikak*, et, au cours du long hiver, il apprit les rudiments de la langue esquimaude. Palliser décida de ramener quelques Esquimaux en Angleterre afin de leur faire prendre conscience de la grandeur de sa nation et Lucas conduisit Mikak et deux enfants à Londres, à l’automne de 1768. Le printemps suivant, Lucas, maintenant promu lieutenant, fut chargé de ramener la femme esquimaude dans son pays. Au début d’août, il débarqua Mikak et les autres Esquimaux qui avaient survécu à la captivité sur une île au nord-ouest de la baie de Byron (au nord de l’inlet de Hamilton). De retour en Angleterre à Portsmouth en novembre, il écrivit au secrétaire d’État aux Colonies, lord Hillsborough, et lui fit part du succès de son voyage et promit de se présenter à sa résidence de Londres dans quelques jours.

Lucas décida alors de s’établir en affaires à son compte sur la côte du Labrador et, apparemment, quitta le service actif de la marine. Le 30 mars 1770, il forma une association avec Thomas Perkins et Jeremiah Coghlan, commerçants de Bristol et de Fogo, à Terre-Neuve, ainsi qu’avec George Cartwright*, ancien capitaine de l’armée assez fortuné. Cartwright devait s’occuper du commerce des pêcheries et des fourrures au Labrador ; Lucas qui prit le commandement du schooner Enterprize avait charge de la traite avec les Esquimaux. Le mois de juillet tirait à sa fin lorsqu’ils arrivèrent enfin à la baie des Châteaux ; Cartwright s’établit alors à la rivière Charles et Lucas partit vers le nord avec l’Enterprize à la recherche des Esquimaux, plus particulièrement de Mikak.

Cependant, les frères moraves, eux aussi, avaient voulu retrouver Mikak, comptant qu’elle les aiderait à fonder une mission. Ils avaient eu la prudence de quitter l’Angleterre quand la saison était encore peu avancée et ils trouvèrent Mikak le 16 juillet dans la baie de Byron. Étant sans nouvelles de Lucas, elle et son mari acceptèrent de se rendre dans la partie nord du Labrador sur le vaisseau des missionnaires afin de trouver un emplacement ; aussi Mikak et la plupart des Esquimaux étaient-ils très au nord lorsque Lucas explora la côte, en août. Il ne put acheter qu’un petit fanon de baleine et quelques peaux de phoque avant de regagner le cap Charles au début d’octobre. Toutefois il avait convaincu une famille esquimaude de revenir avec lui passer l’hiver au poste de Cartwright. Lucas se rendit ensuite à Fogo, puis, à la fin d’octobre, il mit le cap sur le Portugal avec une cargaison de poisson séché. D’après les frères moraves, il était quelque peu pressé et « avait annoncé qu’il avait d’importantes affaires à traiter avec le roi, [...] mais probablement serait-il bien en peine de passer l’hiver sans Mikak ». Mais l’Enterprize sombra en mer. Cartwright, pour sa part, continua de pêcher, de chasser le phoque et de trafiquer avec les Esquimaux du cap Charles.

Lucas a contribué à améliorer la sécurité des entreprises anglaises du sud du Labrador en établissant des rapports amicaux avec les autochtones. Les missionnaires ne lui faisaient pas confiance à cause de son caractère bourru et de ses goûts « sensuels » mais son associé, Jeremiah Coghlan, le considérait comme un « homme d’honneur ». Le gouverneur, Hugh Palliser, lui confia des postes de confiance et il était, de toute évidence, compétent et hardi. Il semble qu’il ait reçu une bonne instruction et il était certainement intelligent et d’un esprit assez vif pour réussir à apprendre les rudiments de la langue esquimaude et tirer profit de sa connaissance de la côte du Labrador. Il ne fait pas de doute qu’en 1769 on le considérait un peu comme une autorité en ce qui avait trait aux Esquimaux et il avait même l’oreille du secrétaire d’État aux Colonies. Ses projets d’avenir, quels qu’ils aient été, furent ensevelis avec lui dans l’Atlantique.

William H. Whiteley

APC, MG 17, D1.— PANL, Nfld., Dept. of Colonial Secretary, Letter books, IV.— PRO, Adm. 36/7 104, 36/7 3847 385, 36/7 4467 447, 50/19, 51/629, 51/636, 51/4 210, 51/4 220, 52/1 288 ; CO 194/16, 194/27, 194/28.— George Cartwright, A journal of transactions and events, during a residence of nearly sixteen years (on the coast of Labrador) ; containing many interesting particulars, both of the country and its inhabitants, not hitherto known (3 vol., Newark, Angl., 1792).— Joseph Banks in Newfoundland and Labrador, 1766, A. M. Lysaght, édit. (Londres, 1971).— London Chronicle, 6 juin 1769.— W. G. Gosling, Labrador : its discovery, exploration and development (Londres, 1910).— J. K. Hiller, The foundation and the early years of the Moravian mission in Labrador, 17521805 (thèse de m.a., Memorial University of Newfoundland, 1967).— H. W. Jannasch, Reunion with Mikak, Canadian Geographical Journal (Ottawa), LVII (1958) : 84s.

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William H. Whiteley, « LUCAS, FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lucas_francis_3F.html.

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Année de la publication:    1974
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