GUGY, CONRAD, secrétaire de Haldimand, juge de paix, seigneur et directeur des forges du Saint-Maurice, né vers 1734 à La Haye (Pays-Bas), fils de Hans George Gugi, officier suisse de langue française engagé dans l’armée hollandaise, et de Thérèse Reis, décédé célibataire le 10 avril 1786 et inhumé à Montréal le 12 suivant.
Conrad Gugy semble d’abord avoir fait partie de l’armée hollandaise avant de s’engager comme lieutenant, en 1756, dans le Royal American (62e plus tard 60e d’infanterie). Ce régiment de l’armée britannique, récemment formé et comptant un bon nombre de protestants étrangers, dont Haldimand, combattit à Québec sous les ordres de Wolfe* en 1759. Nommé gouverneur du district de Trois-Rivières en octobre 1763, Haldimand prit comme secrétaire Gugy, qui parlait aussi bien le français que l’anglais. Celui-ci remplaçait John Bruyères, secrétaire de l’ancien gouverneur du district, Ralph Burton*. En plus d’avoir à traduire et à rédiger de nombreuses proclamations, Gugy dut, en mars 1764, recueillir les dépositions et assermenter les détenteurs « des lettres de change du Canada, Billets d’ordonnances, monnaie de cartes & certificats » qui devaient être remboursés par la France. Pour ce faire, on lui adjoignit trois commissaires : Louis-Joseph Godefroy de Tonnancour, René-Ovide Hertel de Rouville et Jean-Baptiste Perrault.
En 1764, Gugy résigna son poste de secrétaire et acquit aux enchères deux seigneuries, celle de Grandpré, appelée également seigneurie du Petit-Yamachiche, et une partie de la seigneurie de Grosbois-Ouest, désignée aussi sous le nom de Petite-Rivière-Yamachiche, où il se fit construire un manoir. Il acheta, en 1771, la seigneurie de Dumontier, voisine de celle de Grosbois-Ouest. Il acquit également la seigneurie de Frédérick, située derrière celle de Pointe-du-Lac, et des terres faisant partie de la seigneurie de la Rivière-du-Loup-en-haut, propriété des ursulines de Trois-Rivières.
Fidèle à la couronne britannique, Gugy dut faire face à divers ennuis de la part de sympathisants locaux de la Révolution américaine. En 1775, un marchand de Rivière-du-Loup (Louiseville), François Guillot, dit Larose, l’accusa d’avoir menacé du fouet des Canadiens partisans de la cause américaine. Exonéré de cette accusation à la suite d’un procès tenu à Trois-Rivières, la même année, Gugy n’en continua pas moins d’être l’objet de toutes sortes de tracasseries. En 1776, lors de leur retraite, les Américains incendièrent des bâtiments sur ses seigneuries.
En 1778, un grand nombre de Loyalistes arrivèrent au Canada et s’installèrent le long du lac Champlain ou plus au nord, jusqu’à Yamachiche. À la mi-septembre, Gugy écrivit à Haldimand, devenu gouverneur du Canada, lui faisant part de son intention d’installer ces gens – surtout des femmes et des enfants – dans sa seigneurie de Grosbois-Ouest « afin de les avoir à l’œil ». L’idée plut à Haldimand qui ne tenait pas à voir ces réfugiés se mêler à la population locale. Le 6 octobre, le gouverneur accorda son assentiment officiel à ce projet, donna des ordres pour l’érection de bâtiments et remit à Gugy les pouvoirs nécessaires pour maintenir l’ordre parmi ces nouveaux arrivants. Six jours plus tard, on mettait en chantier une douzaine de maisons pouvant loger 240 personnes ; la structure en était terminée au bout d’un mois, grâce à des corvées que fournirent cinq paroisses des environs. Gugy fit ériger neuf autres maisons et une école. Pendant six ans, soit de l’automne de 1778 à celui de 1784, la seigneurie servit de camp de réfugiés à un grand nombre de Loyalistes (on en dénombra plus de 440 à la fois en octobre 1779) qui y restèrent un long moment ou ne firent qu’y passer avant d’aller s’installer définitivement ailleurs. Cet établissement coûta £1350 au gouvernement, y compris les services du seigneur qui y tenait un rôle de surintendant, rôle pas toujours facile si l’on en juge par la correspondance entre Gugy et Haldimand.
Gugy avait été nommé juge de paix en 1765. Membre du premier Conseil législatif, lors de sa formation en août 1775, il devait conserver ce poste jusqu’à sa mort. En 1780 il fit partie d’un comité, composé de conseillers législatifs, chargé de trouver des moyens pour réduire le prix du blé et de la farine. Le 3 février 1783, Gugy loua pour 16 ans les forges du Saint-Maurice pour la somme annuelle de £18 15 shillings. Il devait cependant mourir trois ans plus tard ; Alexander Davison et John Lees* reprirent alors le bail. Il semble qu’il y ait un lien entre la mort subite de Gugy et la perte d’un procès que lui intenta François Le Maître Duaime, propriétaire d’un fief voisin. Celui-ci tenait Gugy responsable de bris survenus sur ses propriétés lors de la construction des bâtiments destinés aux Loyalistes. En 1787, on mit les seigneuries de Gugy aux enchères pour payer les dommages et intérêts fort élevés auxquels le jury l’avait condamné. Le jugement fut cependant réformé quelque temps plus tard, de sorte qu’Elizabeth Wilkinson, qui vivait au manoir de Gugy, put jouir sa vie durant des seigneuries, meubles et immeubles, grâce à un acte de donation rémunératoire entre vifs passé le 13 janvier 1786 par lequel Gugy la faisait l’usufruitière de tous ses biens. Après la mort d’Elizabeth Wilkinson, ceux-ci devaient retourner à Barthélemy Gugy, frère de Conrad. Barthélemy étant alors décédé, c’est son fils, Louis*, qui en hérita.
En collaboration avec Raymond Douville
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En collaboration avec Raymond Douville, « GUGY, CONRAD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gugy_conrad_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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