BRUNET, LOUIS-OVIDE, prêtre, botaniste, né à Québec le 10 mars 1826, fils de Jean-Olivier Brunet, marchand, et de Cécile Lagueux, décédé à Québec le 2 octobre 1876.

En 1835, Louis-Ovide Brunet entra au séminaire de Québec, en huitième ; il y compta Octave Crémazie parmi ses condisciples. L’abbé Edward John Horan, futur évêque de Kingston, Ontario, l’initia à l’histoire naturelle. Brunet passa une partie de ses vacances avec son oncle, le notaire Louis-Édouard Glackmeyer*, ardent collectionneur de plantes, qui constituait un herbier. Au grand séminaire en 1844, prêtre le 10 octobre 1848, vicaire de 1848 à 1851 et de nouveau en 1853 et 1854, après avoir été deux ans missionnaire à la Grosse Île, Brunet devint curé de Saint-Lambert-de-Lévis (1854–1858).

Quand, en 1856, l’abbé Horan fut nommé principal de l’école normale Laval de Québec, son poste de professeur au séminaire et à la jeune université Laval devint vacant. On songea, pour le remplacer, à l’abbé Léon Provancher* et à Louis-Ovide Brunet qui n’avaient encore rien publié mais qui herborisaient activement et préparaient chacun une description de la flore canadienne. Le choix se porta sur Brunet. Au séminaire, de 1858 à 1861, il se consacra à l’enseignement de la botanique, tout en donnant un cours de dogme aux étudiants de théologie. En 1862, le minéralogiste Thomas Sterry Hunt* ayant quitté l’université Laval pour McGill, Brunet lui succéda à la chaire d’histoire naturelle, qu’il occupa de 1863 à 1871. Il fut nommé professeur titulaire en 1865.

Entre temps, Brunet avait publié une note sur les bois du Canada (1857), si l’on en croit Georg August Pritzel, et une première étude (1861) qui portait sur le voyage du botaniste André Michaux* vers la baie d’Hudson en 1792. Le journal de ce dernier étant alors inédit – il ne fut publié qu’en 1888, – Brunet travaillait avec des notes fragmentaires, dont les déficiences expliquent sans doute des erreurs d’interprétation dans son texte.

Ses herborisations au Petit Cap (comté de Montmorency), près du cap Tourmente, lui permirent de rencontrer l’abbé Léon Provancher, alors curé de Saint-Joachim. En 1861, nous les retrouvons en excursion botanique à divers endroits : Petit Cap, île d’Orléans, Saguenay et lac Saint-Jean. Entre eux se développa assez tôt une inimitié tenace, dont la correspondance et les écrits gardent des traces, au point que Brunet ne collaborera pas au Naturaliste canadien, propriété de Provancher. En 1860, le professeur de l’université Laval avait fait un premier voyage dans le Haut-Canada, à Niagara. Seul, ou avec T. S. Hunt ou l’abbé Jean-Baptiste-Antoine Ferland*, il poursuivit l’année suivante ses cueillettes à Québec, Montréal, Saint-Hyacinthe, Drummondville, dans le comté de Lotbinière et le long de la rivière Sainte-Anne.

On projetait à cette époque la fondation d’un jardin botanique à Québec, sous les auspices du séminaire, avec la collaboration de la municipalité et du gouvernement. Pour s’initier à la tâche de futur directeur de cet organisme, Brunet voyagea en Europe pendant un an (1861–1862), fréquentant des botanistes réputés, visitant le Regent’s Park de Londres, le Jardin des Plantes de Paris, les jardins botaniques de Liverpool, Kew, Montpellier, Florence, Pise, Rome, Bruxelles, Louvain, Bonn, Düsseldorf, Utrecht, Amsterdam, Leyde, Rotterdam et une pépinière danoise.

Brunet suivit à la Sorbonne les cours de Pierre-Étienne-Simon Duchartre et, au Jardin des Plantes, ceux d’Adolphe-Théodore Brongniart et de Joseph Decaisne. Avec celui-ci, il visita les jardins de Nantes et d’Angers et, de nouveau, celui de Kew. Au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, où il travailla librement, entouré d’hommes de science remarquables, il entreprit une étude des plantes canadiennes de Michaux, conservées dans l’herbier de cette institution, et des espèces du Canada mentionnées dans le Canadensium plantarum [...] historia, de Jacques-Philippe Cornut. L’identification de ces dernières fut sûrement d’un précieux secours à l’abbé Joseph-Clovis Kemner* Laflamme, son élève puis son successeur, lorsque celui-ci présenta une communication sur cet ouvrage à la Société royale du Canada.

De retour à Québec, Brunet reprit son enseignement et ses recherches. Il se rendit à Boston, New York, Philadelphie et Washington en 1864, à l’île d’Anticosti et au détroit de Belle-Isle, au milieu de l’été de 1865. Toujours d’après ses journaux de voyage, il herborisa en 1866 à Ottawa, London, Belleville, Hamilton, Brockville, Chatham, Newbury, dans le Haut-Canada, et à Montréal, Trois-Rivières, Rimouski, Rivière-du-Loup, dans le Bas-Canada.

Avant son retour d’Europe, Brunet avait déjà entrepris la rédaction d’une étude sur la flore du Canada. Les notes accumulées de 1860 à 1866 couvrent 582 pages, restées inédites, sans doute parce que Léon Provancher publia sa Flore canadienne en 1862. Dans une lettre à Asa Gray, Brunet jugea trop hâtive la publication de l’ouvrage de son rival. D’autres manuscrits de Brunet seraient dignes d’être publiés, à condition d’être accompagnés des commentaires d’un botaniste avisé. Son seul ouvrage de floristique publié, Éléments de botanique et de physiologie végétale [...] (1870), méritait un meilleur sort. Mais la Flore de Provancher et le Cours élémentaire de botanique [...] du sulpicien Jean Moyen, publié en 1871 à Montréal, lui ravirent le marché. L’œuvre de Brunet comprend de nombreuses observations, des relevés de noms populaires et la description de cinq entités botaniques nouvelles pour la science. Plusieurs espèces végétales rappelleront aux botanistes la vie active de cet homme, tôt interrompue, en particulier le Cratægus Brunetiana Charles Sprague Sargent et l’Astragalus Brunetianus (Merritt Lyndon Fernald) Jacques Rousseau*.

À part les cours, les publications, la fondation en 1862 et l’organisation de l’herbier de l’université Laval, Brunet prépara des collections de bois canadiens pour les expositions de Dublin (1865) et de Paris (1867). Le projet d’un jardin botanique à Québec accapara une partie de son activité de 1861 à 1870. Cette année-là, il songea à la création d’une école forestière, en réalité un simple arboretum, à défaut d’une entreprise plus élaborée. Ce projet, comme celui du jardin botanique, n’eut pas de suite : le séminaire le raya de son programme en 1879.

En 1870, le gouvernement du Québec invita l’université Laval à donner un cours de sciences appliquées, et offrit de le subventionner. Confié à Louis-Ovide Brunet et au docteur François-Alexandre-Hubert La Rue*, le cours commença, mais après quelques leçons le recteur de l’université, craignant l’immixtion de la politique, mit fin au projet.

Âgé de 44 ans, malade, déçu par des insuccès répétés, Louis-Ovide Brunet se retira alors chez sa mère et sa sœur, où il demeura jusqu’à sa mort. Autodidacte, comme tous les hommes de science du Québec avant 1920, Louis-Ovide Brunet s’est révélé néanmoins le meilleur botaniste canadien-français du siècle dernier. Ses contemporains, dépourvus de la formation nécessaire pour le juger, n’ont pas su voir en lui l’homme de science qui aurait pu jeter un grand lustre sur son milieu. Travaillant avec minutie et sans fracas, il n’était pas de ceux qui cherchent à arriver à tout prix les premiers dans le champ de l’édition. Brunet n’ayant pas reçu l’encouragement nécessaire, la plus grande partie de son œuvre, et la plus intéressante, reste inédite.

Jacques Rousseau

L.-O. Brunet, Catalogue des plantes canadiennes contenues dans l’herbier de l’université Laval et recueillies pendant les années 1858–1865 (Québec, 1865) (le catalogue entier devait contenir plus de 200 pages et plusieurs planches, toutefois seul le premier fascicule fut publié. Les quatre planches citées par Brunet font défaut dans les exemplaires consultés ; ont-elles été publiées ?) ; Catalogue des végétaux ligneux du Canada pour servir à l’intelligence des collections de bois économiques envoyées à l’exposition universelle de Paris, 1867 (Québec, 1867) ; Éléments de botanique et de physiologie végétale, suivis d’une petite flore simple et facile pour aider à découvrir les noms des plantes les plus communes au Canada (Québec, 1870) ; Énumération des genres de plantes de la flore du Canada précédée des tableaux analytiques des familles [...] (Québec, 1864) ; Histoire des picea qui se rencontrent dans les limites du Canada (Québec, 1866) ; [——], Journal de voyage en Europe de l’abbé Ovide Brunet en 1861–1862, Arthur Maheux, édit., Le Canada français (Québec), 2e sér., XXVI (1938–1939) : 591–599, 681–690, 783–790, 886–892, 983–987 ; [——], Manière de préparer les plantes et autres objets de musée (s.l., s.d.) ; Michaux and his journey in Canada, The Canadian naturalist and geologist (Montréal), nouv. sér., I (1864) : 325–337 ; Notes sur les plantes recueillies en 1858, par M. l’abbé Ferland sur les côtes du Labrador, baignées par les eaux du Saint-Laurent, La Littérature canadienne de 1850 à 1860 (2 vol., Québec, 1863), I : 367–374 ; Notice sur le musée botanique de l’université Laval [...] (Québec, 1867) ; Notice sur les plantes de Michaux et sur son voyage au Canada et à la baie d’Hudson, d’après son journal manuscrit et autres documents (Québec, 1863) ; On the Canadian species of the genus Picea, The Canadian naturalist and geologist (Montréal), nouv. sér., III (1868) : 102–110 ; Voyage d’André Michaux en Canada, depuis le lac Champlain jusqu’à la baie d’Hudson (Québec, 1861).  [j. r.]

Frère Marie-Victorin [Conrad Kirouac], Flore laurentienne (1re éd., Montréal, 1935), 15, 308, 356.— Jacques Rousseau, Les Astragalus du Québec et leurs alliés immédiats (« Contributions du laboratoire de botanique de l’Université de Montréal », no 24, New York, Montréal, Leipzig, 1933).— Arthur Maheux, Louis-Ovide Brunet, botaniste, 1826–1876, Le Naturaliste canadien (Québec), LXXXVII (1960) : 5–22, 53–57, 120–148, 149–164, 228–236, 253–268, 277–286 ; LXXXVIII (1961) : 78–83, 149–160, 324–336 ; LXXXIX (1962) : 265–278.— Jacques Rousseau, Les entités botaniques nouvelles créées par Brunet, Le Naturaliste canadien (Québec), LVII (1930) : 132–135 ; Provancher et la publication des Éléments de botanique de Brunet (accompagné d’une lettre inédite), Le Naturaliste canadien (Québec), LVII (1930) : 196–202 ; Un travail de l’abbé Brunet, Le Naturaliste canadien (Québec), LVIII (1931) : 69 ; Un travail oublié de l’abbé Ovide Brunet, Le Naturaliste canadien (Québec), LXVII (1940) : 200 ; Le voyage d’Asa Gray à Québec en 1858 (lettres inédites), Le Naturaliste canadien (Québec), LVII (1930) : 202–204.— Jacques Rousseau et Bernard Boivin, La contribution à la science de la Flore canadienne de Provancher, Le Naturaliste canadien (Québec), 95 (1968) : 1 499–1 530.

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Jacques Rousseau, « BRUNET, LOUIS-OVIDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/brunet_louis_ovide_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    28 novembre 2024