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LAFLAMME, JOSEPH-CLOVIS-KEMNER, prêtre catholique, professeur, géologiste, auteur et administrateur scolaire, né le 19 septembre 1849 à Saint-Anselme, Bas-Canada, fils de David Kemner, dit Laflamme, cultivateur, et de Josephte Jamme ; décédé le 6 juillet 1910 à Québec.
Joseph-Clovis-Kemner Laflamme grandit d’abord à Saint-Anselme puis dans le village voisin de Buckland, où le curé, Pierre-Célestin Audet, le prend sous sa protection et lui enseigne les rudiments du latin. En septembre 1862, le jeune garçon est admis au petit séminaire de Québec. Il s’y fait remarquer par ses succès en musique et en sciences. Reçu bachelier ès arts en 1868, il entre aussitôt au grand séminaire. Après avoir obtenu une licence en théologie – le doctorat suivra en 1873 –, il est ordonné prêtre le 6 octobre 1872.
Devant l’intelligence de Laflamme, les autorités du séminaire se l’attachent et l’orientent vers l’enseignement des sciences. Dès 1870, on lui demandait de remplacer l’abbé Louis-Ovide Brunet* dans l’enseignement de l’histoire naturelle. On l’invite également à suivre les cours de sciences de l’abbé Thomas-Étienne Hamel et de François-Alexandre-Hubert La Rue* à la faculté des arts de l’université Laval. En 1874, il accompagne Hamel, supérieur du séminaire et recteur de l’université depuis 1871, au congrès de l’American Association for the Advancement of Science à Hartford, au Connecticut. Satisfait de ses progrès, Hamel lui confie l’enseignement de la physique en 1875. La même année, on le nomme professeur titulaire de minéralogie et de géologie à la faculté des arts. En 1877, pour parfaire sa formation scientifique, le séminaire l’envoie à la Harvard University, à Cambridge, au Massachusetts, suivre un cours théorique et pratique de géologie.
Laflamme se distingue surtout en tant qu’éducateur. Au séminaire et à l’université, il enseigne la physique jusqu’en 1893, la botanique jusqu’en 1900 et la géologie et la minéralogie presque jusqu’à sa mort. Pédagogue soucieux de se tenir à la pointe du progrès des sciences, il enrichit son enseignement de démonstrations et d’expériences grâce au cabinet de physique et aux musées scientifiques, dont il a également la responsabilité à l’université. En 1881, il publie Éléments de minéralogie et de géologie, manuel destiné aux étudiants des collèges et qui connaîtra quatre rééditions, la dernière posthume, en 1919. Auteur prolifique, il signe plusieurs notes de vulgarisation dans l’Abeille, le journal du séminaire, de même que dans la presse du temps.
En 1880, Laflamme a l’occasion d’exposer et de défendre ses vues sur l’enseignement scientifique lorsque sont tenus à Québec, presque simultanément, le premier Congrès des collèges affiliés à l’université Laval et la Convention nationale des Canadiens français, réunie à l’appel de la Société Saint-Jean-Baptiste. Membre des comités qui se penchent sur l’enseignement des sciences au programme du baccalauréat et hors des collèges classiques, Laflamme propose des réformes novatrices : il suggère notamment d’élargir l’enseignement des sciences au programme du baccalauréat et de l’étendre à l’ensemble des degrés du cours, au lieu de le réserver aux deux années de philosophie. Il propose également de créer, sous l’autorité de l’État, des écoles professionnelles où « l’on se préparerait aux différentes carrières industrielles et scientifiques » et au génie civil, d’offrir des bourses d’État à des étudiants désireux de poursuivre leur formation à l’étranger et d’inscrire les sciences au programme des écoles primaires. Laflamme est en avance sur son temps : plusieurs de ces réformes ne seront introduites au Québec qu’après 1920, sous la vigoureuse poussée d’Adrien Pouliot* et du frère Marie-Victorin [Conrad Kirouac*].
Au séminaire et à l’université, Laflamme se voit confier des responsabilités croissantes : directeur du petit séminaire de 1881 à 1883, doyen de la faculté des arts de 1891 à 1909, supérieur du séminaire et recteur de l’université à deux reprises, de 1893 à 1899 et de 1908 à 1909. Survenant après que la querelle universitaire avec Montréal se soit apaisée [V. Ignace Bourget* ; Elzéar-Alexandre Taschereau*], son premier rectorat n’est marqué que par quelques soubresauts de l’affaire des Bacheliers. En effet, l’opposition des corporations professionnelles et d’une partie du public à la loi provinciale de 1890 restait vive ; celle-ci permettait aux bacheliers d’être admis sans condition à l’étude du droit, du notariat et de la médecine. Le second, écourté par la maladie, lui permet néanmoins d’appuyer la campagne qui aboutira, en 1910, à la création de l’école forestière de l’université Laval.
La réputation de Laflamme dépasse les murs du séminaire et de l’université grâce aux conférences qu’il prononce à la Société médicale de Québec, à l’Institut canadien de Québec ou à la Société littéraire et historique de Québec. Conférencier brillant et vulgarisateur de talent, Laflamme fait connaître des nouveautés comme la lanterne magique, le phonographe, l’éclairage électrique, le téléphone et les rayons X. Autant par goût personnel que pour représenter l’université Laval, il voyage beaucoup et se montre très actif au sein de sociétés scientifiques. En 1881, il visite l’exposition de l’électricité à Paris. Il prend part au congrès de la British Association for the Advancement of Science qui a lieu à Montréal en 1884, au Congrès international de géologie de Washington en 1891 et à celui de Saint-Pétersbourg, en Russie, en 1897, où il représente le Canada. Il joue également un rôle de premier plan lors du Congrès international des américanistes qui a lieu à Québec en septembre 1906. Président de la Société royale du Canada en 1891, il est aussi membre de la Société géologique de France et de la Société française de physique, de la Société scientifique de Bruxelles et de la Geological Society of America. Nommé protonotaire apostolique par Rome en 1893, il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1898.
En 1882, Laflamme avait participé à la fondation de la Société royale du Canada [V. sir John William Dawson*]. À cette occasion, il noue des contacts plus étroits avec les savants du reste du Canada et, en particulier, avec ceux de la Commission géologique du Canada. À l’été de 1883, Alfred Richard Cecil Selwyn, directeur de la commission, le prie d’étudier la géologie du Saguenay et de la région du lac Saint-Jean pour le compte de l’organisme. Cette collaboration se poursuivra au cours des années suivantes, permettant à Laflamme d’explorer la rive nord du Saint-Laurent, de la rivière Saint-Maurice à l’île d’Anticosti, visitée en 1901. Ses observations sur la géologie et la géographie physique de ces régions, communiquées dans les rapports de la Commission géologique et les mémoires de la Société royale, constituent l’essentiel de son œuvre scientifique. Elles révèlent un observateur attentif aux forces ayant modelé le paysage laurentien et qui, en géologie, préfère travailler dans le cadre tracé par sir William Edmond Logan* et les géologues de la Commission géologique. Plusieurs de ses travaux scientifiques portent sur des aspects pratiques de la géologie ; on remarque ceux qui sont consacrés à des éboulements ou à des glissements de terrain survenus au Québec, aux dépôts aurifères de la Beauce ou au gaz naturel de la région de Louiseville. Certains avaient été entrepris à la demande du gouvernement de la province de Québec.
Premier géologue du Canada français, éducateur et vulgarisateur de talent, Joseph-Clovis-Kemner Laflamme a fait connaître dans son milieu les progrès scientifiques et technologiques de l’époque et il a préparé le terrain aux réformes de l’enseignement que connaîtra le Québec au xxe siècle.
L’essentiel de la documentation sur Joseph-Clovis-Kemner Laflamme et son œuvre se trouve dans l’ouvrage d’Irénée Trottier, « Bio-bibliographie de Joseph-Clovis-K. Laflamme » (travail présenté pour le cours de bibliothéconomie, univ. Laval, 1961). [r. d.]
AC, Québec, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Québec, 9 juill. 1910.— ANQ-Q, CE6-3, 19 sept. 1849.— AUL, P109.— René Bureau, « Monseigneur Clovis Laflamme et la météorologie », le Naturaliste canadien (Québec), 79 (1952) : 276–283 ; « Monseigneur Joseph-Clovis-K. Laflamme, géologue », le Naturaliste canadien, 77 (1950) : 185–221 ; « la Physique et l’Électricité à l’université Laval au temps de Monseigneur J.-C.-K. Laflamme », le Naturaliste canadien, 79 (1952) : 330–345.— H.-J.-J.-B. Chouinard, Fête nationale des Canadiens français célébrée à Québec en 1880 : histoire, discours, rapport [...] (4 vol., Québec, 1881–1903).— Raymond Duchesne, « Science et Société coloniale : les naturalistes du Canada français et leurs correspondants scientifiques (1860–1900) », HSTC Bull. (Thornhill [Toronto] et Ottawa), 5 (1981) : 99–139.— Yves Gingras, « la Réception des rayons X au Québec : radiographie des pratiques scientifiques », Sciences & Médecine au Québec : perspectives sociohistoriques, sous la dir. de Marcel Fourrier et al. (Québec, 1987), 69–86.— Arthur Maheux, « Savants du Canada français : Monseigneur Joseph-Clovis-K. Laflamme, 1849–1910 », le Naturaliste canadien, 90 (1963) : 51–87, 157–176, 233–268, 275–309 ; 91 (1964) : 116–125, 133–147.— Zaslow, Reading the rocks.
Raymond Duchesne, « LAFLAMME, JOSEPH-CLOVIS-KEMNER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/laflamme_joseph_clovis_kemner_13F.html.
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Auteur de l'article: | Raymond Duchesne |
Titre de l'article: | LAFLAMME, JOSEPH-CLOVIS-KEMNER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |