MACOUN, JOHN, instituteur, naturaliste, fonctionnaire et auteur, né le 17 avril 1831 dans la paroisse de Maralin, comté de Down (Irlande du Nord), troisième des quatre enfants de James Macoun, soldat, et d’Anne Jane Nevin ; le 1er janvier 1862, il épousa Ellen Terrill (décédée en 1921), de Brighton, Haut-Canada, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 18 juillet 1920 à Sidney, Colombie-Britannique.

John Macoun (prononcer Macown) grandit sur la terre familiale qui avait été concédée près de deux siècles auparavant à l’un de ses ancêtres paternels parce qu’il avait servi dans l’armée. Dans ce cadre idéal pour un garçon d’une curiosité insatiable, John se prit de passion pour la nature et le grand air. Orphelin de père à l’âge de six ans, il devint indépendant et extrêmement obstiné, voire pharisien, dans sa détermination à réussir. Ses études à l’école paroissiale de l’Église presbytérienne raffermirent sa confiance en ses capacités. Macoun était un jeune homme suffisant, convaincu d’être moralement supérieur et d’avoir rarement tort. En outre, il était prêt à se battre pour ses convictions et ne doutait pas de gagner. Déjà, dans son adolescence, au moment où il occupait un poste de commis à Belfast, il adhérait aussi aux valeurs de ses compatriotes de l’Ulster : fidélité à la couronne, à l’union avec la Grande-Bretagne, au Parti conservateur et à l’ordre d’Orange.

Les Macoun immigrèrent dans le Haut-Canada au printemps de 1850 et s’installèrent dans une ferme du canton de Seymour, près de chez le frère d’Anne Macoun. C’est là, en travaillant dans les champs et les bois, que John commença à s’intéresser sérieusement à la flore locale. La vie de fermier ne lui convenant pas, il opta pour l’enseignement public en 1856 et fut instituteur dans de petites écoles rurales du district jusqu’à ce qu’il trouve une place à Belleville en 1860. Probablement par l’intermédiaire de son ami Mackenzie Bowell, de l’Intelligencer de Belleville, il s’affilia à la loge locale d’Orange et au Parti conservateur. En outre, il fut un moment volontaire à Prescott pendant les troubles féniens en 1866.

Un jour, Macoun considérerait que son installation à Belleville avait marqué un tournant dans sa carrière : en effet, ce fut à ce moment-là qu’il résolut de consacrer tous ses temps libres à la botanique et à la constitution d’un herbier. Grâce à ses travaux exhaustifs sur le terrain, à ses études et à ses relations avec de grands botanistes du Canada et de l’étranger, dont sir William Jackson Hooker, Louis-Ovide Brunet* et George Lawson*, il se fit connaître comme spécialiste de la flore de la région. D’une façon générale, il préférait les recherches sur le terrain à la difficile analyse scientifique, tâche qu’il laissait souvent à Hooker, au botaniste américain Asa Gray et à d’autres diplômés. Il continuerait d’agir ainsi même après avoir assumé la nouvelle chaire d’histoire naturelle de l’Albert College à Belleville en 1868.

Pendant une excursion d’herborisation dans la région d’Owen Sound, en 1872, Macoun – ou « le Professeur », comme on le surnommait – rencontra par hasard Sandford Fleming, ingénieur en chef du chemin de fer du Pacifique, qui l’invita à participer au levé du trajet que ce chemin de fer devait emprunter vers l’ouest. De 1872 à 1881, au fil de cinq expéditions visant à déterminer les tracés ferroviaires et le potentiel régional, Macoun évalua la fertilité de divers terrains de l’Ouest. En se fondant surtout sur l’observation de la végétation naturelle, il conclut que tout le Nord-Ouest, y compris les plaines arides du sud, était un véritable éden pour les agriculteurs. Cette évaluation enthousiaste mais non étayée s’adaptait parfaitement aux espoirs que le gouvernement fédéral plaçait dans la région et fit de Macoun un favori du Parti conservateur. Elle servit également à justifier la décision de modifier le tracé du chemin de fer canadien du Pacifique pour le faire passer par les plaines du Sud. Macoun rendrait compte de tous ses travaux dans l’Ouest dans Manitoba and the great north-west [...], ouvrage de propagande qui paraîtrait en 1882 à Guelph, en Ontario, et qui connaîtrait un immense succès.

Dès 1874, les rapports de Macoun étaient venus à la connaissance d’Alfred Richard Cecil Selwyn*, directeur de la Commission géologique du Canada, dont le mandat inclut à compter de 1877 l’étude de l’histoire naturelle. En 1879, à l’instigation de Mackenzie Bowell, alors ministre des Douanes, le gouvernement prit une décision sans précédent en confiant à Macoun le poste permanent d’explorateur du Nord-Ouest. Nommé en novembre 1881 botaniste du dominion auprès de la Commission géologique du Canada, Macoun s’installa à Ottawa avec sa famille l’année suivante. En 1887, il devint le naturaliste de la commission et l’un de ses directeurs adjoints. Macoun aurait une influence déterminante sur le genre de travaux d’histoire naturelle exécutés sous les auspices de la Commission géologique. Adversaire acharné du darwinisme, il concevait le naturaliste comme un touche-à-tout dont le rôle consistait à dresser un inventaire complet et précis de ce qui, selon lui, était le produit de la munificence divine. Par conséquent, chaque saison, il passait le plus de temps possible sur le terrain à recueillir non seulement des plantes, mais aussi toutes sortes de créatures vivantes, souvent avec l’aide de son fils James Melville, ou, plus rarement, de son fils William Terrill. En outre, il commença à produire un catalogue des plantes du Canada en 1883, puis un catalogue des oiseaux du Canada.

L’intense activité de collectionneur déployée par Macoun reflétait la philosophie expansionniste qui sous-tendait la politique de développement national des gouvernements conservateurs de sir John Alexander Macdonald*, puis celle des gouvernements libéraux de sir Wilfrid Laurier. Macoun considérait comme de son devoir de rassembler, sur l’histoire naturelle du dominion, des données pratiques qui pourraient favoriser la croissance économique du pays et le bien-être des Canadiens. Quand on l’envoyait évaluer le potentiel d’une région donnée, il revenait donc toujours débordant d’optimisme et exagérait souvent les choses. Ses témoignages devant divers comités gouvernementaux montrent que son enthousiasme n’avait pas de bornes. Macoun était convaincu que le Canada, grâce à ses richesses naturelles, deviendrait le foyer d’une civilisation supérieure où des millions et des millions de gens pourraient, comme lui, prendre un nouveau départ.

Tout le monde ne se laissait pas convaincre par Macoun. En 1883, son supérieur, Lindsay Alexander Russell, sous-ministre de l’Intérieur, dit que ce naturaliste fantasque était « un bon spécialiste et, en dehors de cela, un brave homme sans cervelle ». Le promoteur de l’Ouest sir Alexander Tilloch Galt*, le géologue de la Commission géologique George Mercer Dawson* et l’explorateur retraité Henry Youle Hind*, qui défia publiquement Macoun en 1883, connaissaient de vastes régions du Nord-Ouest qui, selon eux, étaient impropres à l’agriculture. Cependant, c’était l’emballement contagieux de Macoun qui influençait le plus les milieux politiques. Or, sa propagande sans réserve, qui avait pour conséquence de faire croire que les colons n’avaient guère besoin d’assistance dans les premiers temps, allait engendrer bien des épreuves et miner la politique fédérale de colonisation.

Pendant ses 31 ans à la Commission géologique, Macoun fut un personnage en vue des cercles mondains et intellectuels d’Ottawa. Il devint l’un des animateurs de l’Ottawa Field-Naturalists’ Club – il en fut président en 1886–1887 – et donna d’intéressantes conférences à l’Ottawa Literary and Scientific Society. Des soirées de discussions très fréquentées se tenaient souvent chez lui, au 98 de la rue James. Associé à certains des plus éminents scientifiques du pays, il devint membre fondateur de la Société royale du Canada en 1882 et était régulièrement accueilli à la résidence du gouverneur général.

En 1912, une crise d’apoplexie obligea Macoun à abandonner soudainement son existence fébrile, faite en alternance de travaux et de voyages. Lui-même et sa femme, dont la santé déclinait aussi, s’installèrent alors à Sidney, dans l’île de Vancouver, chez leur fille aînée. Cependant, Macoun ne rompit pas tout lien avec la Commission géologique. Jusqu’à sa mort en 1920, il continua de présenter des rapports et de recueillir des spécimens le long de la côte, tout en travaillant à son autobiographie. Il fut inhumé au cimetière de la baie Patricia. En 1921, sa dépouille fut transférée avec celle de sa femme aux côtés de celle de leur fils James Melville au cimetière Beechwood à Ottawa.

Les travaux d’histoire naturelle de Macoun, surtout pour la Commission géologique, eurent des effets positifs mais aussi des inconvénients. Ses excursions d’été annuelles se faisaient plutôt au petit bonheur ; il y amassait, dans une région donnée, tout ce qui lui tombait sous la main. Parce qu’il tenait à bâtir de volumineuses collections, les spécimens étaient en général mal conservés et mal identifiés. Certaines collections attendaient des années avant d’être répertoriées. En outre, comme il faisait surtout du travail sur le terrain, il n’avait guère de temps pour les études détaillées ou la publication. Étant donné l’ampleur de son champ de recherche, il crut toujours plus pratique de se consacrer à ce qu’il faisait le mieux et de laisser à d’autres, des scientifiques américains surtout, le soin d’identifier et de nommer les spécimens qui posaient des problèmes. En plus, sa manie de collectionner et son désir de découvrir des espèces inconnues firent en sorte que les travaux d’histoire naturelle de la Commission géologique du Canada évoluèrent dans une direction contraire à celle des recherches faites par des organismes semblables en Europe et aux États-Unis. Tandis que bien d’autres spécialistes de l’histoire naturelle se concentraient de plus en plus sur un domaine ou un genre particulier – par exemple Rudolph Martin Anderson* (les mammifères), Malte Oscar Malte (la botanique) et Percy Algernon Taverner* (les oiseaux) –, Macoun, à sa propre demande, se voyait confier peu à peu toutes les formes de créatures vivantes.

Par ailleurs, si John Macoun n’avait pas eu une telle foi en lui-même et en son travail, la Commission géologique ne se serait probablement pas occupée autant d’histoire naturelle. Ce fut en grande partie grâce à son activité que ce domaine acquit ses lettres de noblesse à la commission. De plus, les riches collections de Macoun facilitèrent en 1911 la création du Musée commémoratif Victoria (rebaptisé Musée national du Canada en 1927). Toutefois, c’est surtout en tant que naturaliste de terrain que Macoun mérite de rester dans les mémoires. Cet homme infatigable pouvait reconnaître au premier coup d’œil de nouvelles formes de vie. Il découvrit un grand nombre d’espèces et de sous-espèces dont beaucoup furent baptisées en son honneur. Il parcourut un territoire extraordinairement vaste – des provinces de l’Atlantique au Pacifique et, au nord, le Yukon –, assemblant de grosses collections dans tous les types d’environnement. On n’exagérerait pas en disant que Macoun tenta presque seul de reculer les frontières de l’histoire naturelle au Canada.

W. A. Waiser

Les publications de John Macoun comprennent Catalogue of Canadian plants [...] (7 parties en 4 vol., Montréal, 1883–1902), ainsi que Catalogue of Canadian birds (3 parties, Ottawa, 1900–1904), rédigé en collaboration avec son fils James Melville Macoun. L’ouvrage intitulé Autobiography of John Macoun, MA [...] a paru à titre posthume ([Ottawa], 1922) avec une introduction d’Ernest Thompson Seton*.

AN, MG 24, K28 ; RG 132, 1, vol. 18–35.— Musée national des sciences naturelles (Ottawa), Div. de la botanique, John et James Macoun, carnets de botanique.— Musées nationaux du Canada (Ottawa), Bibliothèque, registres de lettres de John et James Macoun- W. A. Waiser, The field naturalist : John Macoun, the Geological Survey, and natural science (Toronto, 1989) ; « A willing scapegoat : John Macoun and the route of the CPR », Prairie Forum (Regina), 10 (1985) : 65–81.— Morris Zaslow, Reading the rocks : the story of the Geological Survey of Canada, 1842–1972 (Toronto et Ottawa, 1975).

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W. A. Waiser, « MACOUN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/macoun_john_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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