BLAND, JOHN, juge de paix, fonctionnaire et juge, né vraisemblablement dans le Devon, Angleterre ; il épousa une prénommée Sarah (dont le nom de famille était probablement Bayley), et ils eurent cinq fils et trois filles ; circa 1790–1825.

John Bland devint juge de paix à Bonavista, dans l’île de Terre-Neuve, en 1790, mais il est presque certain qu’il entretenait des relations d’affaires avec les gens de l’île depuis 1780, sans doute à titre de commis ou de représentant d’une maison de commerce. Il est très probable qu’il travaillait alors pour Samuel White et Samuel Rolles, marchands de Poole, dans le comté Dorset, en Angleterre, qui firent du commerce à Bonavista jusqu’en 1797. Cette année-là, White mourut et Rolles vendit ses biens, dont une partie fut acquise par Bland. Quoi qu’il en soit, Bland ne vivait pas des revenus de sa charge car, si les fonctions de juge de paix et de receveur des redevances du Greenwich Hospital lui procuraient un salaire fixe, celui-ci était bien modeste. Au moment de sa nomination comme surrogate en 1801, Bland gagnait £60 par an et menait une vie confortable à Bonavista.

On se souvient surtout de Bland pour le grand intérêt qu’il porta au sort et au bien-être des Béothuks, dont la tribu était en voie d’extinction. En fait, bon nombre des particularités, des opinions et, sans aucun doute, des légendes rapportées dans les ouvrages traitant de ces autochtones, sont tirées des lettres que Bland écrivit en leur nom aux gouverneurs qui se succédèrent à St John’s entre 1797 et 1807. La description qu’il donna de leurs coutumes et de la façon dont ils étaient traités par les pêcheurs et les colons anglais en fit une autorité assez bien informée. En même temps, il put fournir une foule de renseignements de seconde main, de légendes et de rumeurs recueillis auprès de gens qu’il avait rencontrés. Bland se montra particulièrement dur envers les pêcheurs de saumons et les trappeurs de la baie Notre Dame qui s’étaient aliénés la sympathie des Béothuks. Il accusa surtout le pêcheur John Peyton de s’être livré à de nombreuses atrocités. Bland raconta aussi la capture de trois Béothuks et le sort qu’on leur réserva. Parmi eux se trouvait une petite fille (nommée Oubee, selon d’autres sources) qui fut enlevée après qu’on eut tué ses parents, puis « conduite à Trinity et traitée avec beaucoup d’attention et d’humanité par M et Mme [Thomas] Stone qui l’emmenèrent avec eux en Angleterre où elle mourut ». Les deux autres Béothuks se nommaient Tom June et John August. Selon le récit de Bland, June fut pris quand il était encore un jeune garçon ; il vécut avec des pêcheurs et fit de fréquentes visites aux membres de sa tribu installés à l’intérieur des terres. August, lui, fut enlevé encore en bas âge quand il tomba du dos de sa mère, laquelle fut tuée en tentant d’échapper à ses assaillants blancs. Les détails de l’histoire d’August sont confirmés par d’autres sources qui prouvent aussi qu’il vécut et travailla dans l’esclavage chez des marchands de Catalina ; il fut inhumé dans le cimetière de Trinity en 1788.

Quelques-unes des mesures prônées par Bland pour gagner l’amitié des Béothuks et sauver ces derniers de l’extinction allaient être appliquées plus tard par le gouverneur de l’île. Afin d’établir de meilleures relations avec les Béothuks, il affirma en 1797 qu’il fallait d’abord « s’emparer de quelques Indiens », tâche qui devrait être confiée de préférence aux soldats de la garnison de St John’s. Selon lui, les militaires cantonnés dans la région devraient être aussi utilisés « pour surveiller les trappeurs et les pêcheurs de saumons qui [étaient] les grands coupables ». En 1800, il insista de nouveau pour qu’un détachement soit dépêché à Exploits. Pendant ce temps, le nombre d’Indiens diminuait rapidement, et la seule mesure approuvée par les gouverneurs consistait à récompenser les trappeurs et les bûcherons qui réussissaient à capturer des Indiens. On croyait en fait que les captifs, une fois amadoués, serviraient d’ambassadeurs auprès des leurs. Il n’en résulta, observa Bland, que plus de violence et d’inimitié de la part des survivants de la tribu. Finalement, en 1810–1811, le gouverneur sir John Thomas Duckworth* envoya une expédition commandée par le lieutenant David Buchan*, pour découvrir l’habitat des Béothuks et tenter un rapprochement dans le sens des recommandations de Bland. Mais l’expérience échoua, comme d’ailleurs l’autre tentative que fit Buchan en 1820.

Les divers gouverneurs sous lesquels Bland servit pendant son mandat à Bonavista se reposèrent sur lui pour obtenir des renseignements sur ce qui se passait dans la région. Durant les étés de 1805 et de 1806, Bland procéda à un relevé complet des propriétés de chaque établissement autour de la baie Bonavista. Ce relevé comprenait les noms des occupants et des propriétaires, ainsi que la nature des droits de possession et des baux respectifs. Ce document, connu sous le nom de « Register of Fishing Rooms », est un dossier d’une valeur inestimable sur les premiers colons et les premiers établissements de la baie Bonavista.

La lettre que Bland adressa au gouverneur James Gambier en 1802 concernant la chasse au phoque constitue un autre document important. Afin de satisfaire la curiosité de Gambier à propos de la nature de cette activité, Bland lui fournit,— une description détaillée des différentes manières et techniques utilisées, des conditions du milieu pouvant influer sur les succès ou les échecs des chasseurs, ainsi que des diverses espèces de phoques. Il fit remarquer que « cette chasse aventureuse et périlleuse se fai[sait] de deux façons différentes ». Les tenants de la première méthode se servaient de filets et chassaient pendant l’hiver, depuis la baie Conception jusqu’aux côtes du Labrador, la chasse la plus fructueuse étant pratiquée en général à partir des ports situés au nord. La deuxième méthode, qui « de manière générale n’[était] utilisée que depuis neuf ans », consistait à se servir de grandes embarcations telles que « ice-skiffs, chaloupes pontées ou schooners ». Ces embarcations se lançaient au milieu des glaces flottantes au large de la côte nord-est vers la mi-mars et, parfois, les chasseurs poursuivaient leur activité jusqu’en juin. Les marchands de St John’s, notait Bland, avaient employé cette nouvelle méthode « avec un courage singulier ».

Les lettres de Bland montrent qu’il était un homme décidé, franc et sûr de lui. Il sut gagner la confiance des gouverneurs et se fit une réputation d’intégrité et d’honnêteté dans les milieux officiels. Par ailleurs, ses opinions controversables lui attirèrent de puissants ennemis, surtout chez les marchands et les planters. Ainsi, lorsqu’il posa sa candidature en 1802 pour devenir juge en chef de Terre-Neuve., plusieurs parmi les marchands les plus influents de Poole, dont certains avaient des droits acquis sur la côte nord-est et entretenaient des relations avec des gens tels que Peyton, s’opposèrent à sa nomination. Finalement, le poste fut confié à Thomas Tremlett. Bland dut attendre quelques années avant d’accéder à une charge publique à St John’s et, même alors, il dut se contenter du poste de shérif en chef.

Bien que son nom ait surtout été associé à un mouvement philanthropique en faveur des Béothuks, Bland insista aussi pour qu’on adopte des mesures visant à promouvoir le bien-être des colons blancs de la baie Bonavista et de Terre-Neuve en général. Quand il fut chargé d’effectuer le relevé des propriétés de la baie Bonavista, il crut à tort, comme la plupart des colons, que le gouvernement cherchait à se procurer des revenus par le biais des baux et des taxes sur la propriété. Étant donné « la condition générale de la classe la plus démunie [...] de cette région », il suggéra qu’on tienne compte des « sentiments humanitaires » et qu’on lui accorde une « exemption ». Bland fit aussi valoir en 1805 que la loi de 1699 qui régissait les droits de graves était désuète et difficile à faire appliquer. Même s’il savait que le fait pour Terre-Neuve de devenir une colonie demeurait un sujet litigieux, il recommanda dès 1805 que l’île soit dotée d’une chambre d’Assemblée ; il devait toutefois s’écouler près de 27 ans avant que cet organisme ne soit institué. Pour assurer à l’île une source de revenus, il pensait que « le rhum [était] peut-être le premier article qui pouvait aider à atteindre un but aussi raisonnable ».

Avec le temps, les idées progressistes de John Bland, qui étaient jugées radicales à l’époque, furent adoptées par d’autres, notamment par William Carson* et Patrick Morris*. Lorsque Bland alla s’établir à St John’s en 1811 pour occuper ses fonctions de shérif en chef, ses émoluments s’élevèrent à plus de £220. En outre, une maison confortable fut mise à sa disposition et il reçut une gratification chaque fois qu’il eut à accomplir des tâches particulières. Il devint financièrement à l’aise et solidement établi dans la communauté. Cependant, il était relativement moins bien considéré dans les cercles politiques et sociaux plus importants de St John’s. On ne sait pas au juste s’il était encore en fonction au moment de sa mort ou s’il prit sa retraite à St John’s ou ailleurs. Son nom, qui apparaît fréquemment dans les journaux locaux et dans les documents officiels jusqu’en 1825, cesse brusquement d’être mentionné par la suite. Selon toute probabilité, il avait quitté l’île à cette époque car, s’il était d-cédé à Terre-Neuve, sa mort aurait sans doute été signalée dans les journaux et rapportée dans les dépêches officielles. David Buchan lui succéda au poste de shérif en chef. Un des fils de Bland, John Bayley Bland, prit une part active à la vie de l’île jusqu’en 1840.

W. Gordon Handcock

PANL, GN 1/13/4, reg. of fishing rooms, Bonavista Bay, 1806 ; GN 2/1, 1790, 1801, 8 août 1804, 18 juill. 1805, 1811–1826 ; GN 2/2, 1er sept. 1790, 20 oct. 1797, 25 août 1800, 18 août 1804, 1er août 1805, 8 juin, 4 juill., 9 sept. 1806, 22 sept. 1807, 16 janv. 1826.— PRO, CO 194/42–43.— Howley, Beothucks or Red Indians. Prowse, Hist. of Nfld. (1895), 419–420.— F. W. Rowe, Extinction : the Beothuks of Newfoundland (Toronto, 1977).

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W. Gordon Handcock, « BLAND, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bland_john_1825_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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