BEATTY, WILLIAM HENRY, avocat et homme d’affaires, né le 10 décembre 1833 à York (Toronto), fils de James Beatty et d’Ann McKowen ; le 26 avril 1865, il épousa dans cette ville Charlotte Louisa Gooderham Worts, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 20 novembre 1912 à Toronto.

En 1830, James Beatty quitta Belfast et s’installa à York, où il devint marchand et capitaine de milice. Deux ans après, il épousa Ann McKowen, fille de James McKowen, de Dublin. L’aîné de leurs trois garçons et de leurs cinq filles, William Henry Beatty, fréquenta l’Upper Canada College de 1842 à 1845. Au milieu de la vingtaine, il se mit à l’étude du droit : il entreprit son stage à Toronto chez John Leys et suivit des conférences à l’Osgoode Hall. Le 5 février 1863, il fut admis comme solicitor et s’associa à Edward Marion Chadwick, qui appartenait lui aussi à une famille irlandaise aisée et serait bientôt son beau-frère.

Le mariage de Beatty avec Charlotte Louisa Gooderham Worts, en 1865, fut pour beaucoup dans le succès du cabinet juridique. Cette femme était la fille de James Gooderham Worts*, qui était associé à la minoterie et à la distillerie Gooderham and Worts et occupait des fonctions importantes dans des entreprises telles la Banque de Toronto et la Canada Permanent Building and Savings Society. Cependant, Beatty et ses associés ne se virent pas confier tout de suite les affaires de la famille : ce n’est qu’en 1877 qu’ils devinrent les solicitors de la Banque de Toronto. Dès 1879, Beatty installait ses bureaux dans l’édifice de la banque, à l’angle des rues Church et Wellington. Ses liens avec la banque se resserrèrent en 1881, lorsque Worts en devint président et lui-même vice-président. L’année suivante, Worts mourut ; dans son testament, il demandait que Beatty soit élu à sa place au conseil d’administration de la banque. Beatty y assuma la présidence ; de plus, il devint l’un des exécuteurs testamentaires de son beau-père et s’occupa des investissements de la succession durant de nombreuses années.

Une fois que le cabinet de Beatty eut commencé à s’occuper des affaires de la banque, ses associés furent appelés périodiquement à représenter des débiteurs et des créanciers en justice. D’après les archives du cabinet, ce dernier cherchait à recruter des barristers à cette fin. Beatty fut reçu au barreau en 1880, peut-être parce qu’il devait lui-même plaider. Normalement, deux groupes d’associés se partageaient les affaires, par exemple, en 1876, Beatty, Chadwick, and Lash et Beatty, Miller, and Lash. Chaque groupe pratiquait probablement un type de droit différent ; cette répartition devait aussi permettre une distribution équitable des revenus lorsque les deux groupes ne gagnaient pas des montants égaux.

Beatty et Chadwick restèrent associés durant près d’un demi-siècle. Ce fut grâce à Beatty si leur bureau devint, a-t-on dit, « le plus important cabinet juridique au Canada ». Il recrutait des praticiens compétents ; un bon nombre d’entre eux, par exemple William Renwick Riddell* et Wallace Nesbitt, se tailleraient une place enviée dans la profession et accéderaient à la magistrature. Beatty recruta aussi quelques membres de la famille Gooderham et de la famille Blackstock, parente des Gooderham par alliance, ainsi que son fils Charles William. En 1901, le cabinet comptait 16 avocats. Comme il pratiquait le droit commercial, Beatty aidait ses clients à mettre sur pied des entreprises et à les exploiter. Selon Cecil Francis Lloyd, il consacrait « son temps à des questions d’organisation et de gestion, laissant la réalisation de ses plans aux [...] avocats et experts dont il s’entourait ».

Cependant, Beatty était plus qu’un praticien du droit commercial. C’était aussi un homme d’affaires. À sa mort, le conseil d’administration de la Banque de Toronto nota : « Sa vaste expérience des affaires commerciales et son jugement éclairé donnaient à ses conseils la plus haute valeur, et son sens aigu des responsabilités [...] le rendait des plus scrupuleux dans l’exercice de [ses] fonctions. » Dès 1890, il était le principal conseiller juridique et commercial de l’empire Gooderham and Worts, et figurait parmi l’élite du milieu financier de Toronto. Après la mort de George Gooderham* en 1905, il abandonna la pratique du droit (David Fasken* prit en main la direction du cabinet l’année suivante) pour se consacrer à l’exploitation des entreprises de la famille Gooderham. Au fil des ans, il fut membre du conseil d’administration de la Gooderham and Worts Limited (la société qu’il avait fait constituer juridiquement à la mort de Worts pour perpétuer l’entreprise), vice-président de la London and Ontario Investment Company et de la Toronto General Trusts Corporation (première société de fiducie du Canada) ; il fut aussi président de la Banque de Toronto, de la Toronto Silver Plate Company, de la Canada Permanent Mortgage Corporation, de la Canadian Niagara Power Company et de l’Association d’assurance sur la vie, dite la Confédération, à la fondation de laquelle il participa en 1870 et qu’il géra durant plus de 40 ans.

Beatty œuvra aussi au Bureau de commerce de Toronto. En 1894, il rédigea pour cet organisme, avec Wallace Nesbitt, deux ouvrages sur les règles d’arbitrage. Deux ans plus tard, il représenta le bureau au congrès des chambres de commerce de l’Empire à Londres.

Même si, comme il le disait en 1883, « la politique active ne [l’]intér[essait] pas », Beatty était un « conservateur bon teint ». Au besoin, pour aider ses clients, il usait de ses relations avec sir John Alexander Macdonald* et sir Charles Tupper. En 1879 par exemple, il pria Macdonald d’intercéder en faveur de la Banque de Toronto : le gouvernement devait de l’argent à l’un des débiteurs de la banque relativement à la construction du canal Lachine, et la banque cherchait à recouvrer cette somme. En 1888, il demanda au premier ministre d’aider la distillerie Gooderham and Worts à empêcher la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique de transformer en gare de triage l’ancien domaine de son beau-père, juste au nord de la distillerie. À la mort de Macdonald en 1891, les conservateurs de Toronto lui confièrent la présidence du Macdonald Memorial Committee. Pourtant, Beatty refusa le titre de conseiller de la reine chaque fois que Macdonald et Tupper le lui offrirent. Peut-être ne voyait-il aucun intérêt à porter ce titre, qui était destiné principalement aux barristers et qui, pour un spécialiste du droit commercial, était prestigieux, sans plus. Mais peut-être aussi, malgré ses affiliations conservatrices, ne souhaitait-il pas être fait conseiller de la reine uniquement pour des raisons politiques.

Par ailleurs, William Henry Beatty fut président de l’Old Boys’ Association of Upper Canada College de 1892 à 1907 et membre du conseil d’administration de cet établissement d’enseignement. Il appartenait à plusieurs cercles et pratiquait la navigation de plaisance. Il fréquentait la cathédrale anglicane St James. En novembre 1910, il dut abandonner ses diverses fonctions pour des raisons de santé. Il mourut deux ans plus tard dans sa maison, The Oaks, rue Queen’s Park.

C. Ian Kyer

On trouve une vaste documentation sur William Henry Beatty aux archives de Fasken Campbell Godfrey, le cabinet d’avocats qu’il a fondé à Toronto, ainsi qu’aux Toronto Dominion Bank Arch.

AN, MG 26, A : 8665–8666, 8921–8924, 58801–58808, 166547–166549.— St James’ Cemetery and Crematorium (Toronto), Tombstone, lots 170–174, sect. C.— Globe, 21 nov. 1912.— World (Toronto), 21 nov. 1912.— Annuaire, Toronto, 1862–1900.— The Canadian law list (Toronto), 1901.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912). E. M. Chadwick, The Chadwicks of Guelph and Toronto and their cousins (Toronto, 1914) ; Ontarian families : genealogies of United-Empire-Loyalist and other pioneer families of Upper Canada (2 vol., Toronto, 1894–1898 ; réimpr., en un vol., Lambertville, N.J., [1970] ; réimpr., vol. 1, introd. de W. F. E. Morley, Belleville, Ontario, 1972), 1. J. E. Middleton et Fred Landon, The province of Ontario : a history, 1615–1927 (5 vol., Toronto, 1927-[1928]), 5 : 802–803.— The roll of pupils of Upper Canada College, Toronto, January, 1830, to June, 1916, A. H. Young, édit. (Kingston, Ontario, 1917), 37, 104. Joseph Schull, 100 years of banking in Canada : a history of the Toronto-Dominion Bank (Toronto, 1958), 39–42.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1.

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C. Ian Kyer, « BEATTY, WILLIAM HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/beatty_william_henry_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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