ANGEAC (Dangeac, Danjaique, Don Jacque), FRANÇOIS-GABRIEL D’, officier dans les troupes de la Marine et fonctionnaire colonial, né en 1708 à Plaisance (Placentia, Terre-Neuve), fils de Gabriel d’Angeac et de Marguerite Bertrand, décédé le 9 mars 1782 à Soubise (dép. de la Charente-Maritime, France).
François-Gabriel d’Angeac entra très jeune dans l’armée, comme l’avait fait son père. Il monta la garde pour la première fois à Port-Dauphin (Englishtown, Nouvelle-Écosse) à l’âge de huit ans seulement, mais il dut attendre jusqu’en 1723 avant d’être enseigne en second dans la compagnie de son père à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton). Ses promotions se succédèrent au rythme lent qui était habituel dans les troupes de la Marine, mais, de 1738 à 1741 et de 1743 à 1745, il fut en poste à Port-Dauphin en qualité de lieutenant et servit parfois comme commandant de cet avant-poste.
Rappelé à Louisbourg pour participer à la défense de la forteresse en 1745, d’Angeac se rendit en France après la défaite. En 1746, il recruta des soldats en France pour les compagnies de la colonie. Promu capitaine en 1747, il se rendit à Québec avec une partie de la garnison de l’île Royale et retourna ensuite à Louisbourg lors de la réoccupation de l’île par la France en 1749. À titre de commandant de Port-Dauphin de 1751 à 1758, il en dirigea la reconstruction et prit la tête du détachement qui ouvrit, selon les ordres du gouverneur Jean-Louis de Raymond, une route de Port-Toulouse (près de St Peters, Nouvelle-Écosse) à Louisbourg. D’Angeac reçut la croix de Saint-Louis lors de son congé en France, en 1754. En 1758, il fut blessé à la poitrine pendant le second siège de Louisbourg.
De nouveau en France en 1760, d’Angeac fut choisi à cause de sa bravoure, de son expérience et de sa connaissance de la région pour commander des troupes envoyées en renfort au Canada. Afin d’éviter la rencontre des Britanniques, le commandant de la flotte française, François Chenard de La Giraudais, chercha refuge dans l’embouchure de la rivière Restigouche (Nouveau-Brunswick) avec trois navires de guerre. Avec seulement 200 hommes, d’Angeac dirigea la construction d’une batterie et d’un poste de garde à Pointe-à-la-Garde (Québec), de même que de deux batteries en amont. Le 8 juillet, les Français causèrent quelques dommages à des navires britanniques sous les ordres de John Byron. D’Angeac resta sur la frégate Machault jusqu’à ce qu’on l’abandonne et ensuite conduisit la retraite des Français dans les bois.
Au cours des mois suivants, d’Angeac et ses officiers embrigadèrent quelque 2 000 Acadiens et Indiens, renforcèrent les défenses françaises et construisirent des fours pour soulager la population locale au bord de la famine. En août, quelques marins parmi ses hommes entreprirent de faire la course. Après la capitulation de Montréal, le major Robert Elliot* fut envoyé à Restigouche pour y présenter l’ordre du gouverneur Vaudreuil [Rigaud] de se rendre. D’Angeac, méfiant, détint l’officier pendant deux jours avant de se plier aux ordres. Le 30 octobre 1760, les troupes se rendirent. À son retour en France, plus tard en cette même année, il reçut une gratification de 900# en reconnaissance de sa valeur.
On reconnut encore ses états de service et sa connaissance particulière de la région de l’Atlantique Nord en le nommant, en 1763, gouverneur de la nouvelle colonie française de Saint-Pierre et Miquelon, au salaire annuel de 8 000#. La France s’était finalement assuré la possession de ces îles minuscules et dénudées, au large de la côte sud de Terre-Neuve, par le traité de Paris, en remplacement de Louisbourg, pour servir de base à ses pêcheries sédentaires et de refuge aux flottes de pêche en eaux profondes. Le traité autorisait la France à construire des bâtiments sur les îles aux seules fins des pêcheries et à y poster au maximum 50 soldats pour en assurer la police.
D’Angeac engagea à Rochefort les hommes nécessaires à sa garnison et arriva à Saint-Pierre le 15 juin 1763 ; toutefois, le capitaine Charles Douglas différa le transfert du territoire jusqu’au 4 juillet, attendant que Cook eût terminé son relevé hydrographique des îles. Quelques Canadiens émigrèrent dans la nouvelle colonie, mais ses habitants les plus marquants, au début de son activité commerciale et administrative, furent d’anciens résidants de l’île Royale, tels Antoine Morin, Alexandre-René Beaudéduit, Michel de Couagne, Philippe Leneuf de Beaubassin, Jean-Baptiste Dupleix Silvain et Antoine Rodrigue. Quelques-uns jouèrent un rôle indispensable dans l’établissement des pêcheries sédentaires, et d’Angeac les favorisa en leur concédant des espaces de pêche, même si. ce faisant, il encourut les critiques de certains capitaines de navires français. Le nombre de navires français qui se rendaient aux îles Saint-Pierre et Miquelon en vue de la pêche en eaux profondes augmenta régulièrement de même que les prises exportées en France et aux Antilles.
Les Acadiens qui avaient afflué à la nouvelle colonie furent pour d’Angeac l’occasion de grandes inquiétudes. Établis surtout sur l’île Miquelon, ils formaient en 1767 plus des deux tiers de la population stable, qui était à peu près de 1250 âmes sur les deux îles. D’Angeac avait l’autorisation de distribuer des rations aux nouveaux colons, mais les Acadiens exigeaient trop des ressources limitées des îles. Désireuse de restreindre le peuplement à quiconque était en rapport étroit avec les pêcheries, la France ordonna aux fonctionnaires de la colonie, en 1767, de faire évacuer les Acadiens. Bien qu’il jugeât cette décision injuste, d’Angeac se plia aux ordres et déporta en France, cette année-là, 763 Acadiens. Pour des raisons qu’on n’a pas pu éclaircir, ils accusèrent erronément d’Angeac d’être la cause de leurs malheurs, en 1768. Certains restèrent en France, vivant de l’aide gouvernementale ; d’autres émigrèrent de nouveau, cette fois vers l’Acadie, l’île du Cap-Breton, les îles de la Madeleine, et même Saint-Pierre et Miquelon.
D’Angeac devait aussi entretenir des relations avec les autorités britanniques de Terre-Neuve. Saint-Pierre et Miquelon manquant de bois de chauffage et de construction, les Français tentèrent de se le procurer dans la colonie britannique. En 1765, le gouverneur Hugh Palliser, adoptant la manière étroite des Britanniques d’interpréter le traité de Paris, protesta officiellement contre cette incursion dans le territoire britannique de même que contre la présence de navires de guerre français dans la région, même si les Français ne cherchaient qu’à approvisionner les îles et à protéger leurs pêcheurs. Il s’opposa ensuite à la pêche française dans le détroit séparant les îles de Terre-Neuve. Rapportés aux autorités métropolitaines, ces incidents firent l’objet de discussions entre les deux gouvernements pendant des années. Palliser augmenta également les patrouilles navales afin de tenter de réduire la contrebande, spécialement celle du poisson et des spiritueux, avec les îles. D’Angeac, cependant, ferma les yeux et le commerce de contrebande se poursuivit.
Découragé de l’état de ses relations avec Palliser, d’Angeac demanda de se retirer en 1765, mais l’autorisation lui en fut refusée. Sa santé se détériorait dans le climat humide et les brouillards des îles, et de nouveau, en 1769, il demanda son rappel. Promu brigadier d’infanterie en 1770, il quitta Saint-Pierre pour la France en 1772 et eut pour successeur, sur sa propre recommandation, Charles-Gabriel-Sébastien de L’Espérance, son neveu. D’Angeac se vit accorder une pension de 6 000# et se retira à Soubise.
D’Angeac fut un bon officier sur le champ de bataille et un gouverneur capable. Bien qu’il eût insisté, à l’époque où il se retira, pour dire qu’il n’avait pas tiré un profit personnel de ses années de service, il avait été le propriétaire d’un navire de commerce appelé la Dauphine, à l’île Royale, dans les années 1750. En outre, les longues années où il fut en poste à Port-Dauphin, le centre d’une grande partie de l’activité commerciale de la famille de Louis Du Pont Duchambon, Louis Du Pont Duchambon de Vergor et François Du Pont Duvivier, autorisent à conclure qu’il prit une part active au commerce. Il avait épousé Geneviève, sœur de François Lefebvre de Bellefeuille, à Louisbourg le 31 décembre 1735. Ils eurent sept enfants. Deux fils entrèrent dans l’armée et l’un d’eux servit sous son père à l’île Saint-Pierre. Deux de ses filles reçurent une pension de 500# chacune après sa mort.
AN, Col., B, 76, f.488 ; C11A, 105, ff.179–184, 356–360, 567–575 ; C11B, 31, f.19 ; 32, f.125 ; E, 5 (dossier Angeac).— ASQ, Polygraphie, LVIII : 39.— Knox, Hist. journal (Doughty), III : 368, 370, 386, 394s., 418.— Æ. Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis, 120, 156.— La Morandière, Hist. de la pêche française de la morue, II : 755–780, 796, 800, 808.— Z. E. Rashed, The peace of Paris, 1763 (Liverpool, Angl., 1951).— J.-Y. Ribault, Les îles Saint-Pierre et Miquelon des origines à 1814 (Saint-Pierre, 1962), 12–18, 41s.— Stanley, New France, 260.— Henri Bourde de La Rogerie, Saint-Pierre et Miquelon : des origines à 1778, Le Pays de Granville ; bull. trimestriel de la Soc. d’études historiques et économiques (Mortain, France), 2e sér., nos 38–40 (1937).— Ægidius Fauteux, Les Du Pont de l’Acadie, BRH, XLVI (1940) : 258.— J.-Y. Ribault, La population des îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1793, Revue française d’hist. d’outre-mer (Paris), LIII (1966) :50–58.
T. A. Crowley, « ANGEAC (Dangeac, Danjaique, Don Jacque), FRANÇOIS-GABRIEL D’ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/angeac_francois_gabriel_d_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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