DECOIGNE (De Couagne, Couagne, Coigne, De Coigne, Du Coigne), PIERRE-THÉOPHILE, notaire et patriote, né le 13 mars 1808 à Saint-Philippe-de-Laprairie, Bas-Canada, fils de Louis Decoigne et de Marguerite Bezeau ; en 1832, il épousa Mary McCabe, et ils eurent deux enfants ; décédé le 18 janvier 1839 à Montréal.

Pierre-Théophile Decoigne appartenait à une famille d’origine noble. Selon l’historien Claude de Bonnault, Charles de Couagne*, maître d’hôtel du gouverneur Frontenac [Buade*] et premier membre de la famille à s’établir en Nouvelle-France, était un enfant naturel originaire de Clion, dans le Berry. Il se livra au commerce des fourrures et devint l’un des plus riches marchands de la colonie. L’un de ses fils, Jean-Baptiste de Couagne*, mena une carrière d’officier et d’ingénieur militaire à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), tandis que ses autres fils suivirent avec des succès inégaux l’exemple du père. Il est certain que vers 1780 la famille Decoigne avait perdu de son poids dans la société québécoise. Ce déclin se continuera par la suite.

Fils d’un notaire, capitaine d’une compagnie des Chasseurs de L’Acadie pendant la guerre de 1812, Pierre-Théophile marche sur les pas de son père. Après avoir fait des études au petit séminaire de Montréal, il poursuit, semble-t-il, un stage de clerc dans le bureau de son beau-frère, Jean-Baptiste Lukin. Reçu notaire le 7 octobre 1837, il s’installe à Napierville. Son frère Louis-Mars, admis à la profession en 1827, a pris la relève de leur père à Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie, Québec) à la mort de ce dernier en 1832.

Très tôt, Pierre-Théophile, Louis-Mars et leur jeune frère Olivier sont associés au mouvement patriote et mêlés de près aux événements révolutionnaires de 1837–1838. En 1837, c’est Louis-Mars qui semble être le plus actif de tous. Après l’assemblée des six comtés, à Saint-Charles-sur-Richelieu, où on décida de révoquer les officiers de milice et les juges de paix nommés par le gouvernement, il décore sa maison de drapeaux à l’enseigne patriote et prend une part active aux charivaris contre les bénéficiaires de commissions du gouvernement, en particulier contre Dudley Flowers, Nelson Mott et Timoléon Quesnel. Chef des patriotes de Sainte-Marguerite-de-Blairfindie, il se tient alors dans le sillage de Cyrille-Hector-Octave Côté, médecin de Napierville, et de Lucien Gagnon, cultivateur de Pointe-à-la-Mule (Saint-Valentin). Cependant, le 28 novembre 1837, Quesnel annonce qu’il a procédé à l’arrestation de Louis-Mars Decoigne et de François Ranger qui tentaient de gagner les États-Unis. Libéré en juillet 1838 moyennant un cautionnement de £1 000, LouisMars participe à la préparation de la seconde insurrection.

Pierre-Théophile joue un rôle important dans les préparatifs de ce soulèvement. En septembre 1838, a lieu son assermentation à Champlain, dans l’État de New York, à titre de membre de l’Association des frères-chasseurs. Plus tard, il avouera son intention d’infiltrer cette société secrète et d’informer le gouvernement de ses activités. Pourtant, il sera l’un des chefs les plus redoutés de la paroisse Saint-Cyprien, à Napierville. Il propose même de confisquer les biens de François-Xavier Malhiot*, seigneur de Contrecœur. Dans le cadre du plan qui devait regrouper les patriotes de 17 paroisses afin d’aller s’emparer le 3 novembre au soir de William Henry (Sorel), Decoigne est chargé de rassembler la veille les habitants de Verchères, de Saint-Ours et de Contrecœur. À ceux qui seraient tentés de rester neutres, il dira : « ceux qui refuseront de marcher verront leurs propriétés brûlées et seront traités comme leurs plus cruels ennemis ».

À la seconde insurrection, le 3 novembre 1838, Decoigne figure parmi les chefs d’une troupe de 400 à 500 patriotes. Il commande « avec beaucoup d’activité et de dureté, frappant sur ceux qui ne se hâtoient pas d’obéir », selon Jean-Baptiste Fredette. Comme des défauts d’organisation empêchent la réussite du plan, le colonel Édouard-Élisée Malhiot* délègue Decoigne auprès d’Eugène-Napoléon Duchesnois et de Louis-Adolphe Robitaille, respectivement médecin et notaire de Varennes, afin de les prévenir que l’attaque est reportée. Il leur recommande Decoigne en ces termes : « Le porteur est l’homme le plus fiable, vous pouvez communiquer avec lui. »

Le 4 novembre 1838, Pierre-Théophile Decoigne se retrouve comme la plupart des patriotes des paroisses avoisinantes au camp de Napierville à titre de capitaine. Il fait également partie du groupe d’hommes qui affrontent les volontaires bureaucrates à Odelltown le 9 novembre. Il y est en fait capitaine d’une compagnie qui « tire à plusieurs reprises », affirme un témoin. Après cette journée désastreuse pour la cause patriote, Decoigne retourne à Napierville. Le 11 novembre 1838, ses frères Louis-Mars et Olivier réussissent à franchir la frontière. Pierre-Théophile n’a pas la même chance. Il tente à son tour de gagner les États-Unis, mais il est arrêté. Au cours de son interrogatoire, Decoigne mentionne avoir la « Réputation d’Être Bureaucrate » et ajoute : « Aussitôt rendu à champ de bataille, je pris un poste hors de danger et y demeurai jusqu’à la fin sans donner aucun ordre à qui que ce soit. » Le 2 janvier 1839, il est toutefois condamné à mort par un conseil de guerre et, le 18 janvier suivant, il est pendu. Sa veuve sera indemnisée en partie en 1852 des pertes matérielles que son mari et elle avaient subies pendant la rébellion.

Fernand Ouellet

Le minutier de Pierre-Théophile Decoigne, qui contient des actes passés en 1837 et 1838, est conservé aux AC, Beauharnois (Valleyfield).

ANQ-M, CE1-54, 13 mars 1808.— ANQ-Q, E17/6, nos 76a, 77 ; E17/7, nos 92–93, 103–109, 128, 146 ; E17/10, nº 402 ; E17/19, nos 1236–1237 ; E17/25, nos 1732–1732b, 1736, 1753 ; E17/32, nos 2510–2511 ; E17/33, nos 2654a, 2655–2656, 2658 ; E17/34, nos 2675, 2700–2703, 2705, 2708, 2755 ; E17/35, nº 2787 ; E17/37, nº 2985 ; E17/39, n° 3114 ; E17/51, nos 4111–4120.— APC, RG 4, B8 : 5205–5207.— Canada, prov. du, Assemblée Législative, App. des journaux, 1852–1853, app. VV.— « Papiers Duvernay », Canadian Antiquarian and Numismatic Journal, 3e sér., 7 : 83–86, 92–94.— Report of state trials, 1 : 150–215.— Fauteux, Patriotes, 200–202.— Officers of British forces in Canada (Irving).— Tanguay, Dictionnaire, 3 : 269–270.— J. D. Borthwick, History of the Montreal prison from A.D1784 to A.D. 1886 [...] (Montréal, 1886), 90.— David, Patriotes, 222.— Louise Dechêne, Habitants et Marchands de Montréal au XVIIe siècle (Paris et Montréal, 1974), 205.— Maurault, le Collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— S.-A. Moreau, Histoire de L’Acadie, province de Québec (Montréal, 1908), 116–117.— Claude de Bonnault, « les Coigne du Berry en Canada », BRH, 46 (1940) : 276–284.— J.-J. Lefebvre, « les De Couagne (Decoigne) », SGCF Mémoires, 25 (1974) : 214–227.

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Fernand Ouellet, « DECOIGNE (De Couagne, Couagne, Coigne, De Coigne, Du Coigne), PIERRE-THÉOPHILE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/decoigne_pierre_theophile_7F.html.

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Auteur de l'article:    Fernand Ouellet
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    28 novembre 2024