DRUILLETTES (Dreuillettes, Drouillettes, Drouillet, Droulletes, Drueillettes, Druilletes), GABRIEL, prêtre, jésuite, missionnaire et explorateur, né à Garat (diocèse de Limoges, France) le 29 septembre 1610 et mort à Québec le 8 avril 1681.
Gabriel Druillettes entra au noviciat de la Compagnie de Jésus à Toulouse le 28 juillet 1629. Il étudia la philosophie au Puy, enseigna à Mauriac, à Béziers et au Puy, suivit le cours de théologie à Toulouse, fut ordonné prêtre en 1641 ou en 1642 et traversa au Canada aussitôt après avoir terminé sa formation de jésuite, le 15 août 1643. Ce missionnaire, dont on a retenu le nom surtout à cause de ses explorations, a aussi d’autres titres au souvenir de l’histoire. Parmi les jésuites de la Nouvelle-France, aucun, peut-être, n’a fait sur les Amérindiens une impression aussi profonde et aussi rapide. Nul, en tout cas, n’a allié comme lui le zèle dévorant aux dons du thaumaturge et à la douceur conquérante.
Les sources montrent le père Druillettes comme le spécialiste des hivernements avec les chasseurs amérindiens. Un échec décide d’abord de sa carrière. Dès septembre 1643, il doit accompagner Brébeuf chez les Hurons ; mais il est retenu à Québec par le blocus iroquois. On l’envoie donc à Sillery apprendre le montagnais. À l’automne de 1644, les Montagnais chrétiens lui demandent de les accompagner à la chasse. Druillettes part en novembre ou décembre, porte lui aussi ses bagages et sa chapelle sur ses épaules, court en raquettes dans les bois après l’orignal, couche dans la saleté au milieu des chiens, partage la sagamité ou le boucan des indigènes et aussi bien leurs jeûnes de plusieurs jours. La pire épreuve est la fumée des cabanes. Les yeux de Druillettes s’éteignent graduellement ; il devient complètement aveugle et ses compagnons doivent lui donner un enfant pour le conduire. Une vieille femme s’offre à le soigner et lui racle la cornée avec un canif rouillé. Le remède est pire que le mal. À la fin, le missionnaire assemble ses ouailles et leur demande de prier avec lui. Il commence par cœur une messe de la Sainte Vierge. Soudain, au milieu de l’office, le jour lui apparaît à nouveau, brillant et ravissant. La messe s’achève en action de grâces et Druillettes ne souffrira plus des yeux. [JR (Thwaites), XXVII : 216–218.]
C’est le point de départ de son pouvoir d’intercession extraordinaire en faveur des Amérindiens, qui le tiendront partout pour un être prodigieux. Druillettes fera d’autres hivernements semblables, en 1647–1648, 1649–1650 et 1664–1665 ; ceux-là sont attestés, mais il y en eut probablement d’autres. Il parcourt les bois du Nouveau-Québec, au nord de Tadoussac, ceux de la rive sud, dans la région de Matane et des monts Notre-Dame, va peut-être à Sept-Îles et se rend au lac Saint-Jean. À part ces excursions hivernales, il accompagne les Montagnais à la guerre et fait régulièrement la mission de Tadoussac durant l’été. Les indigènes accourent des forêts les plus lointaines pour entendre sa parole, la rapportent chez eux et font eux-mêmes des catéchumènes.
Le père Druillettes est surtout connu comme l’apôtre des Abénaquis. En 1646, influencés par Negabamat, ces Amérindiens, qui habitaient le bassin de la rivière Kennebec, demandèrent un missionnaire. Le père Druillettes partit le 29 août de Sillery pour se rendre chez eux. Il apprit leur langue en trois mois, visita les villages abénaquis, les établissements anglais et se rendit même à la rivière Penobscot par la mer, y rencontrant les Capucins, missionnaires de ces quartiers. Sa prédiction gagna les Amérindiens, soutenue encore par les guérisons étonnantes. Druillettes accompagna les Abénaquis à la chasse dans la région du lac Moosehead (Maine), avec les difficultés habituelles, mais gagnant de plus en plus la confiance de ses compagnons. Dès ce moment, les Abénaquis, sans être baptisés, étaient conquis à la foi. Les Capucins ayant manifesté au supérieur de Québec la crainte d’un conflit de juridiction, le père Druillettes ne fut pas renvoyé dans le Maine en 1647 ni en 1648, malgré les instances des Amérindiens. Mais le supérieur capucin s’étant ravisé, le père Druillettes y retourna, le 1er septembre 1650, avec le donné Jean Guérin. Cette fois, Druillettes est ambassadeur du gouverneur de Québec pour préparer avec la Nouvelle-Angleterre une alliance contre les Iroquois. Il y fait aussi du travail missionnaire, gagne des amitiés précieuses parmi les Anglais, parcourant presque tout leur pays, et revient au printemps de 1651, avec des espérances qui n’auront cependant pas beaucoup de suites. Il repart, le 22 juin de la même année, pour exercer auprès des Abénaquis son apostolat et continuer son ambassade. Voyage effroyable, par un détour énorme, puisqu’il fallut remonter longtemps le fleuve Saint-Jean pour arriver aux sources de la Kennebec. Les effets étonnants des prières du missionnaire ravirent les Amérindiens à plusieurs reprises ; ils l’adoptèrent comme l’un des leurs et les Anglais le pressèrent de rester dans le pays. Mais il dut revenir en 1652, mangeant en chemin le cuir bouilli de ses souliers, de sa camisole en peau d’orignal et les cordes de ses raquettes.
Un mérite moins connu du père Druillettes, c’est d’avoir été le véritable initiateur du grandiose projet des missions de l’Ouest. Sur les rapports de Radisson* et de Chouart Des Groseilliers, et aussi d’Amérindiens rencontrés à Tadoussac, il situe et dénombre, en 1655, les diverses tribus de ces régions. En 1656, il part avec Léonard Garreau pour s’y rendre, s’étant joint à une bande d’Algonquins. Avant d’arriver à Montréal, Garreau est mortellement blessé par les Iroquois et Druillettes, abandonné par les Algonquins, doit rebrousser chemin. En 1661, il conçoit le plan fantastique de reprendre ce voyage par Tadoussac, le Saguenay et la baie d’Hudson. Avec Claude Dablon et Guillaume Couture*, il atteignit la ligne du partage des eaux, au lac Nékouba (Nikabau). Mais la peur des Iroquois, même dans ces régions éloignées, débaucha ses guides amérindiens, qui redescendirent à Tadoussac. Druillettes, le corps brisé par tant de misères, mais le courage toujours indomptable, dut attendre jusqu’à 1670 pour accomplir son rêve en montant, vieillard perclus à 60 ans, prendre la charge de Sault-Sainte-Marie. Là se renouvelèrent les exploits de l’âge mûr et la chronique du Sault, dans les Relations, s’allongea chaque année des faveurs extraordinaires qui illustraient son apostolat. Vers 1680, le vieux routier du Christ est ramené à Québec, où il meurt, dans sa soixante et onzième année. Les quelques écrits du père Druillettes, que l’on trouvera dans les œuvres citées plus bas, n’ont pas d’intérêt littéraire ; ses vraies œuvres sont les hommes qu’il a formés et inspirés : Pierre Bailloquet, Charles Albanel, Jacques Marquette, Claude Dablon, Henri Nouvel*.
Charlevoix, Histoire de la N.-F., I : 279–281, 310s., 326s.— JR (Thwaites).— François Elesban de Guilhermy, Ménologe de la Compagnie de Jésus [...] Assistance de France, comprenant les missions de l’Archipel, de l’Arménie, de la Syrie, [...] du Canada, de la Louisiane [...], [éd. Jacques Terrien] (2 parties, Paris, 1892), I : 471–474.— Le Jeune, Dictionnaire, I : 535.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, I : 267–273 ; II : 131–135, 151, 368s.
Lucien Campeau, « DRUILLETTES (Dreuillettes, Drouillettes, Drouillet, Droulletes, Drueillettes, Druilletes), GABRIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/druillettes_gabriel_1F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 2015 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |