Sir John Alexander Macdonald

 

Introduction

Maître dans l’art du compromis et brillant stratège politique, sir John Alexander Macdonald joua un rôle clé dans la formation, la consolidation et l’expansion de la Confédération canadienne. Sa carrière souleva – et soulève encore – une controverse considérable. L’auteur Richard Gwyn rend hommage à Macdonald, « l’homme qui fit le Canada » (dans John A. : the man who made us, the life and times of John A. Macdonald, premier de deux tomes publiés à Toronto en 2007), tandis que le professeur James Daschuk le vilipende en le qualifiant d’instigateur du « nettoyage ethnique et [du] génocide » des peuples autochtones (dans « When Canada used hunger to clear the west », Globe and Mail, 19 juillet 2013).

Largement inspiré de la biographie de Macdonald et de celles de ses contemporains rédigées pour le Dictionnaire biographique du Canada/Dictionary of Canadian Biography dans les années 1980, le présent ensemble thématique examine la relation entre sa carrière politique et les grandes questions qui touchèrent l’Amérique du Nord britannique au cours du xixe siècle.

L’ensemble thématique aborde en premier lieu des aspects de la personnalité de Macdonald, sa vie familiale tourmentée et sa réputation de buveur invétéré. Seule sa deuxième femme, Susan Agnes Bernard (Macdonald), pouvait le maîtriser quand il buvait ; elle-même n’y arrivait pas toujours. À Kingston, dans le Haut-Canada (Canada-Ouest, Ontario actuel), Macdonald devint un avocat prospère et, en 1844, à l’âge de 29 ans, il fut élu à l’Assemblée législative de la province du Canada. Trois ans plus tard, il accéda au cabinet dans les gouvernements de William Henry Draper et de Henry Sherwood, et, de 1854 à 1867 (avec deux courtes pauses, l’une en 1858 et l’autre de 1862 à 1864), il exerça les fonctions de procureur général pour le Canada-Ouest. En 1856, il était devenu chef de la section du Canada-Ouest du gouvernement.

Macdonald était un homme politique doué de sens pratique ; il évitait les principes abstraits et s’adaptait au changement. Membre de l’ordre d’Orange, il appuya tout de même le maintien d’écoles séparées pour les catholiques du Canada-Ouest. D’abord opposé au gouvernement responsable, il accepta rapidement la nouvelle réalité et noua une alliance véritable avec George-Étienne Cartier et les « bleus » du Canada-Est (Bas-Canada, Québec actuel).

L’ensemble thématique traite ensuite de la relation des colonies de l’Amérique du Nord avec la Grande-Bretagne, de leurs liens avec les États-Unis et de la réponse politique qui s’ensuivit : la Confédération. Macdonald soutenait que le Canada devait maintenir des liens étroits avec la Grande-Bretagne et que les traditions constitutionnelles fournissaient la garantie par excellence des libertés individuelles. Même s’il croyait qu’une union législative était la meilleure protection contre les États-Unis, il accepta de former une coalition avec le chef réformiste George Brown pour chercher une solution fédérale aux problèmes politiques du Canada. Macdonald joua un rôle crucial pendant les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864. Selon Thomas D’Arcy McGee, 50 des 72 résolutions adoptées à la conférence de Québec, qui servirent de pierre d’assise au cadre constitutionnel de la Confédération, lui sont attribuables.

À titre de premier ministre du nouveau dominion de 1867 à 1873 et, de nouveau, de 1878 à sa mort en 1891, Macdonald exerça une influence profonde sur son développement politique et économique. Sous sa direction, le Canada acquit Rupert’s Land, s’assurant ainsi que le Nord-Ouest ne tomberait pas entre les mains des États-Unis. Dans la colonie de la Rivière-Rouge, l’expansion du Canada provoqua toutefois un conflit en 1869−1870 avec les Métis, menés par Louis Riel, au sujet des droits fonciers. Même si Macdonald ne saisit pas le sérieux de la situation au départ, Cartier et lui intégreraient certaines exigences de Riel dans la loi qui amena le Manitoba au sein de la Confédération en 1870. Quinze ans plus tard, des problèmes semblables liés à l’arpentage et aux titres, exacerbés par des conditions de quasi-famine dans les réserves autochtones, donnèrent lieu à la rébellion du Nord-Ouest sur le territoire qui deviendrait, en 1905, les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan. On exécuta neuf meneurs : huit autochtones, dont Esprit Errant, et Louis Riel. Malgré les pressions du Canada français, Macdonald refusa de commuer la sentence de Riel, décision qui nuisit à l’aile du Parti conservateur dans la province de Québec et contribua à l’essor du Parti national d’Honoré Mercier. La réputation de Macdonald au Québec déclina davantage après son refus, en 1890, d’utiliser le pouvoir fédéral pour protéger les écoles séparées du Manitoba [V. Thomas Greenway].

L’élément central de la vision de Macdonald pour le Canada était ce qu’on appela sa Politique nationale. Des tarifs douaniers protectionnistes prémuniraient le Canada contre la puissance économique des États-Unis et un chemin de fer transcontinental renforcerait les relations est-ouest, amènerait la Colombie-Britannique dans la Confédération, assurerait la modernisation de l’économie et favoriserait la colonisation dans les Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui la Saskatchewan et l’Alberta). La politique atteignit ses objectifs en grande partie, mais elle fut aussi associée au scandale du Pacifique – qui fit tomber le gouvernement de Macdonald en 1873 –, à des politiques sur l’immigration qui interdisaient le droit de vote aux Chinois, et à l’usage de la famine pour confiner les peuples autochtones dans des réserves et ainsi dégager la voie pour la construction du chemin de fer.

Enfin, l’ensemble explore la mainmise de Macdonald sur le pouvoir. Comme tous les autres groupes politiques, les conservateurs tentèrent de resserrer leur emprise sur le gouvernement et le pays en influençant la presse et en tirant les ficelles du favoritisme. En sa qualité de chef, Macdonald gérait des politiques controversées et maîtrisait des partisans indociles, travaillait étroitement avec des alliés dans la province de Québec et faisait face à des ennemis dans d’autres partis. En 1891, au moment de sa mort, il était toujours premier ministre. Partout dans le pays qu’il avait contribué à créer, ses supporteurs pleurèrent le « vieux routier » du Parti conservateur.

Nous vous invitons à prendre connaissance des différentes facettes de sir John Alexander Macdonald présentées dans nos biographies, et à former votre propre jugement sur l’homme et son univers.