WINKLER, VALENTINE, marchand, fermier et homme politique, né le 18 mars 1864 à Neustadt, Haut-Canada, onzième des 13 enfants de David Winkler et de Barbara Juliana Lang ; le 31 mars 1886, il épousa à Morden, Manitoba, Josephine Rombough, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé à cet endroit le 7 juin 1920.
Né à Daisbach (Allemagne), le père de Valentine Winkler était le fils de deux luthériens qui immigreraient dans le Haut-Canada en 1834 et s’établiraient dans le futur comté de Waterloo. En 1853, David Winkler défricha une terre vacante dans le canton de Normanby, dans le comté de Grey, et construisit sa maison dans ce qui deviendrait la localité de Neustadt. Il y ouvrit une scierie et un moulin à farine et devint bientôt l’un des notables du canton. La mère de Valentine, arrivée au Canada en 1846, était aussi originaire d’Allemagne.
Valentine fit ses études dans les écoles publiques de Neustadt. À la mort de son père en 1879, il quitta l’Ontario pour aller tenter sa chance au Manitoba, car, étant le benjamin de six garçons, il ne pouvait espérer hériter qu’une petite part du patrimoine familial du vivant de sa mère. Son frère aîné Enoch était parti en 1874 à la demande de Jacob Yost Shantz*, qui aidait des immigrants mennonites venus de Russie à s’installer au Manitoba. Shantz avait persuadé Enoch, qui parlait anglais et allemand, d’accompagner les mennonites en tant qu’interprète. Enoch resta au Manitoba et ouvrit un commerce de bois dans la localité d’Emerson pour desservir les colons mennonites. Valentine le rejoignit cinq ans plus tard. Jusqu’à la fin de sa vie, il aurait des relations d’affaires et des relations politiques avec les mennonites du sud du Manitoba.
Durant deux ans, Valentine s’initia au commerce du bois en travaillant pour son frère. En 1881, celui-ci l’envoya à Gretna ouvrir un parc à bois et un entrepôt de grain. Gretna avait été fondé tout récemment par suite de la décision de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique de construire une ligne secondaire qui rejoindrait le Great Northern Railroad à Neche, dans le Dakota du Nord. Compte tenu du fait que cette ligne traversait la réserve de l’Ouest des mennonites et que Gretna se trouvait au cœur de la nouvelle colonie mennonite, Enoch décida de profiter de cette chance exceptionnelle. Il ouvrit l’un des premiers commerces de Gretna et en confia la direction à Valentine. Deux ans plus tard, quand la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique arpenta un emplacement municipal sur la limite occidentale de la réserve de l’Ouest à Morden, Enoch y envoya Valentine pour qu’il ouvre une nouvelle succursale de son commerce de bois.
En 1886, Valentine Winkler épousa Josephine Rombough, fille d’un arpenteur des terres de la couronne qui avait quitté l’Ontario pour la région de Morden. Valentine avait déjà acheté une ferme près de Morden et, en 1888, il se mit à l’exploiter. Ses propres activités commerciales augmentèrent en 1892 quand il fonda, non loin de là, la localité de Winkler. À l’origine, le terrain appartenait à un fermier mennonite nommé Isaac Wiens, mais, comme l’Église mennonite désapprouvait que ses membres s’installent en ville, on avisa Wiens qu’il serait préférable qu’il n’ait rien à voir avec l’établissement d’un emplacement municipal sur son terrain. Profitant de cette excellente occasion, Winkler échangea son terrain contre celui de Wiens. Il arpenta sans tarder l’emplacement, et mit sur pied un commerce de céréales, de bois d’œuvre et de vente de propriétés foncières. Pour favoriser le développement de la localité, il donna la moitié des lots de l’emplacement à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique ; en échange, celle-ci bâtit une gare en 1898 à l’endroit où se trouvait une voie d’évitement.
Peu après son mariage, Winkler avait commencé à faire de la politique. Comme il parlait l’allemand et faisait des transactions avec les mennonites à l’est de Morden, il gagna la confiance de ceux-ci. Par son mariage, il avait des liens étroits avec les colons de l’Ontario installés à l’ouest de Morden. Il fut le premier à être élu, en 1890, président du conseil de la municipalité rurale de Stanley. Bientôt, il organisa diverses manifestations dans la région pour le Parti libéral. En 1892, les libéraux provinciaux le convainquirent de se présenter à l’Assemblée législative du Manitoba. Il remporta la victoire haut la main dans la circonscription de Rhineland (Morden et Rhineland à compter de 1914) et devint député de l’arrière-ban dans le gouvernement de Thomas Greenway*. Il conserva son siège aux élections générales de 1896. Trois ans plus tard, il fut réélu, malgré la défaite du gouvernement Greenway. En 1900, cédant aux instances du Parti libéral fédéral, il démissionna de son siège pour se présenter dans la circonscription fédérale de Lisgar dans l’espoir de déloger Robert Lorne Richardson*. Ancien libéral, Richardson avait quitté le parti après que le premier ministre Wilfrid Laurier eut choisi le député fédéral Clifford Sifton* comme représentant du Manitoba au cabinet fédéral. Bien qu’il ait été battu, Winkler fut réélu à l’Assemblée au scrutin partiel tenu pour combler le siège qu’il avait quitté. Il conserverait ce siège jusqu’à sa mort en 1920.
En mai 1915, à la suite de la démission du gouvernement de sir Rodmond Palen Roblin* à cause d’un scandale, les libéraux reprirent le pouvoir au Manitoba avec une majorité écrasante. Le nouveau premier ministre, Tobias Crawford Norris*, nomma alors Winkler ministre de l’Agriculture et de l’Immigration. Winkler était un piètre orateur, mais Norris lui offrit ce poste important en partie parce qu’il était fermier et siégeait depuis plus longtemps que tous les autres députés libéraux, mais probablement surtout à cause de sa réputation d’intégrité. Les libéraux de Norris tenaient à redonner une certaine crédibilité au régime des partis, car le scandale impliquant le gouvernement Roblin avait discrédité les hommes politiques au Manitoba. En tant que ministre, Winkler fit adopter un certain nombre de lois progressistes, dont une version modifiée du Noxious Weeds Act, le Live Stock Purchase and Sale Act, le Farm Implement Act et le Settlers’ Animal Purchase Act. Cette dernière loi était connue aussi sous le nom de « programme de Winkler sur les vaches » parce qu’elle était une initiative spéciale de Winkler et permettait aux colons nécessiteux de la région d’entre les lacs d’acheter de une à cinq vaches aux conditions de crédit les plus avantageuses. En outre, Winkler et son département participèrent à certaines expériences en vue de stimuler le crédit rural dans la province. Grâce au Manitoba Farm Loans Act et au Rural Credits Act, de nouvelles sources de crédit de provenance locale et provinciale devinrent accessibles aux agriculteurs.
Malgré ces lois et d’autres initiatives, des groupes de cultivateurs reprochèrent dès 1917 à Valentine Winkler et au département de l’Agriculture et de l’Immigration d’être inefficaces, mal organisés et peu au fait des besoins des fermiers. On réclama le congédiement de Winkler et son remplacement par le ministre fédéral de l’Agriculture, Thomas Alexander Crerar*, député du Manitoba. Bien que ces pressions n’aient pas abouti, elles annonçaient que les fermiers étaient en train de perdre patience devant le gouvernement libéral. Néanmoins, Winkler restait populaire dans sa circonscription ; il conservait la majorité des suffrages mennonites même si le gouvernement Norris avait fait adopter des lois scolaires extrêmement déplaisantes pour les mennonites manitobains. Tout indiquait qu’il serait réélu sans opposition au scrutin de juin 1920, mais au début de ce mois, il mourut d’un érysipèle probablement associé au diabète dont il souffrait. On l’inhuma le 9 juin dans le lot familial à Morden. Son fils Howard Waldemar représenterait la circonscription de Lisgar aux Communes de 1935 à 1953. Valentine Winkler fut admis à l’Agricultural Hall of Fame du Manitoba en 1980.
Arch. privées, Gerhard Ens (Winnipeg), Morris Mott, « Rural disillusionment : T. C. Norris and Manitoba’s farmers », 1989.— PAM, GR 1662 ; MG 14, B44 ; B45.—Manitoba Free Press, 13 mai 1915, 10 juin 1920.— Manitoba Gazette (Winnipeg), 1892–1920.— Frank Brown, A history of the town of Winkler Manitoba (Winkler, 1973).—Canadian annual rev. (Hopkins), 1914–1920.— CPG, 1892–1920.— J. A. Hilts, « The political career of Thomas Greenway » (thèse de
Gerhard Ens, « WINKLER, VALENTINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/winkler_valentine_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
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