SHANTZ, JACOB YOST, fermier, homme d’affaires, fonctionnaire, auteur et promoteur de l’immigration mennonite, né le 2 mai 1822 à Ebytown (Kitchener, Ontario), huitième des dix enfants de Jacob Shantz, fermier et propriétaire d’une scierie, et de Mary Yost ; le 2 mai 1843, il épousa Barbara Biehn (décédée en 1853), et ils eurent trois filles et deux fils, puis le 6 décembre 1853, Nancy Anna Brubacher (décédée en 1870), et de ce mariage naquirent sept enfants, et finalement le 1er octobre 187 I, Sarah Shuh (décédée en 1893) ; décédé le 28 octobre 1909 à Berlin (Kitchener).

Jacob Yost Shantz grandit à Ebytown, localité rebaptisée plus tard Berlin, où ses parents, des mennonites de Pennsylvanie, avaient acheté une terre en 1810 [V. Benjamin Eby*]..Le jour de ses 21 ans, il épousa sa cousine Barbara Biehn ; peu après, il reprit, avec sa femme, la ferme de ses parents. Ensuite, il devint directeur de la scierie de son père, se mit à acheter et à vendre de l’immobilier, et investit dans d’autres entreprises locales. L’éducation et les affaires publiques l’intéressaient également : il fut administrateur scolaire et exerça plusieurs fonctions modestes, dont celles d’inspecteur des clôtures, d’inspecteur des chemins et de percepteur des taxes municipales. En outre, il soutint tôt le mouvement de tempérance.

Shantz ne tarda pas à diversifier ses intérêts commerciaux. Il trouva divers débouchés pour le bois qui provenait de sa scierie et des lots forestiers dont il fit l’acquisition au début des années 1850. Il construisit des trottoirs de bois à Berlin ; de plus, il approvisionnait la Compagnie de chemin de fer du Grand Tronc en combustible et fournissait des matériaux de construction à des immigrants allemands. En 1861, il acheta une propriété à l’angle des rues King et Foundry (Ontario), à Berlin, et y construisit un édifice commercial de trois étages, le Canadian Block. Ce fut le premier des nombreux ouvrages qu’il exécuta en tant qu’entrepreneur ; l’un des plus importants fut le marché de Berlin, en 1869. Au début de l’année suivante, il construisit une manufacture de boutons pour Emil Vogelsang et l’associé de ce dernier, John Jacob Woelfle. Sept mois plus tard, Woelfle vendit ses intérêts dans l’entreprise à Shantz, qui ne tarda pas à se faire connaître comme manufacturier. En 1875, Vogelsang et Shantz se dissocièrent et la Dominion Button Works devint la propriété de Shantz. Ses fils l’aideraient à administrer la compagnie, qui compterait plus de 140 employés en 1880. Au début de 1873, Shantz avait aussi fondé une société en vue de produire du feutre. La Shantz and Feick ne dura que deux ans, mais Shantz fabriqua du feutre jusque vers 1880, avec d’autres associés.

En 1872, le gouvernement du Canada avait demandé à Shantz d’accompagner dans l’Ouest canadien un mennonite du sud de la Russie, Bernhard Warkentin, qui envisageait d’immigrer en Amérique du Nord. Les autorités croyaient à tort que Warkentin faisait partie d’une délégation officielle. On ne sait pas au juste pourquoi elles choisirent Shantz pour l’accompagner. Après avoir visité le Manitoba avec lui, Shantz envoya un bilan de son voyage au gouvernement. Favorablement impressionnés, les fonctionnaires de l’immigration lui demandèrent de rédiger, pour publication, un compte rendu plus détaillé. Narrative of a journey to Manitoba fut traduit en plusieurs langues et servit beaucoup à promouvoir l’immigration des Européens dans l’Ouest. Entre-temps, le gouvernement fédéral avait envoyé Wilhelm Hespeler* visiter des colonies mennonites en Russie pour voir si, en cultivant des relations avec elles, on pourrait encourager les immigrants éventuels à choisir le Canada plutôt que les États-Unis. Au printemps de 1873, six colonies mennonites envoyèrent chacune deux délégués en Amérique du Nord afin qu’ils examinent les possibilités que ce territoire offrait. Invité à accompagner Hespeler et le groupe au Manitoba, Shantz les emmena dans les régions situées au sud-est et à l’ouest de Winnipeg.

Au moment où un grand nombre de mennonites décidèrent d’immigrer [V. Gerhard Wiebe*], ce fut à Shantz que l’on demanda de diriger les opérations au Canada, d’aider à prendre les dispositions nécessaires, notamment pour le transport, et de veiller à ce que les voyageurs arrivent sains et saufs à destination. Environ 7 000 colons devaient venir au Manitoba dans les six années suivantes ; il lui fallait amasser une somme considérable pour payer une partie des dépenses que cela entraînait. Bon nombre de ces gens étaient incapables de vendre leurs biens en Russie ou n’avaient pas les moyens de payer leur transport ni d’acheter ce dont ils avaient besoin. En 1874, on mit sur pied un comité qui recueillerait et administrerait les fonds prêtés par les mennonites de l’Ontario. Shantz en était secrétaire-trésorier. L’année suivante, le comité obtint du gouvernement fédéral un prêt de 100 000 $ et une subvention de 70 000 $ pour le transport. Shantz et d’autres mennonites ontariens se portèrent garants pour ces sommes et d’autres prêts. Au fil des ans, Shantz ferait souvent la navette entre l’Ontario et le Manitoba, pour aider les immigrants, veiller au remboursement des prêts et, au besoin, pour obtenir plus de fonds. En récompense de ses services, il reçut un certain nombre de concessions foncières dans les « réserves » qui avaient été mises de côté pour les mennonites à l’est et à l’ouest de la rivière Rouge. Deux localités, Schanzenfeld et Schanzenberg, furent baptisées en son honneur.

Pendant que Shantz s’occupait de l’immigration, la Dominion Button Works avait continué à prendre de l’expansion. En 1884, elle employait 300 ouvriers à Berlin ; dès 1886, elle ouvrit une autre usine à Buffalo, dans l’État de New York. Pourtant, Shantz connut de graves difficultés financières pendant cette période et dut vendre de nombreuses propriétés pour éponger ses dettes et celles de la Jacob Y. Shantz and Sons, qui exploitait les usines. En juin 1891, l’entreprise fut réorganisée et Shantz la quitta.

Cependant, Shantz n’avait pas dit son dernier mot. En juillet 1892, il annonça qu’il avait l’intention d’implanter une colonie dans l’Ouest canadien. Il choisit de bonnes terres à un endroit appelé Didsbury (Alberta), à une cinquantaine de milles au nord de Calgary. L’été suivant, il fit de la promotion auprès des mennonites de l’Ontario et des États-Unis ; 44 familles répondirent à son appel. Au printemps de 1894, la région de Berlin connut un véritable exode. Parmi ceux qui se mirent en route se trouvaient deux des enfants de Shantz et leur famille. Shantz irait les visiter dans la région de Didsbury jusqu’à l’âge de 85 ans. On dit que, au total, il se rendit 27 fois dans l’Ouest.

Shantz fut longtemps membre actif de l’église mennonite de Berlin. En 1875, il se joignit à un groupe de réforme, les United Mennonites, appelés par la suite Mennonite Brethren in Christ. Puis, en 1898, il passa à l’Église du Christ scientiste. Il se dévoua pour la First Church of Christ de Berlin pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’il ait de la difficulté à se déplacer.

Jacob Yost Shantz mourut en 1909. Trois de ses 12 enfants, ses trois femmes et tous ses frères et sœurs l’avaient précédé dans la tombe. Doté d’une vaste expérience des affaires, il avait investi énormément d’énergie dans les diverses entreprises qu’il avait promues, surtout l’immigration des mennonites. En partie grâce à lui, ce fut par milliers qu’ils s’installèrent dans l’Ouest canadien. Outre une succession modeste, il laissait un héritage spirituel : l’exemple d’un homme qui s’était efforcé avant tout de servir Dieu et son prochain. D’après bon nombre de ceux qui l’avaient connu, il avait bien rempli ces deux devoirs.

Lawrence Klippenstein

Jacob Yost Shantz est l’auteur de Relation d’un voyage à Manitoba, accompagnée d’une analyse de l’Acte concernant les terres de la Puissance et d’un extrait du pamphlet publié par le gouvernement a[u] sujet de Manitoba (Ottawa, 1873), dont l’original anglais porte le titre de Narrative of a journey to Manitoba, together with an abstract of the Dominion Lands Act ; and an extract from the government pamphlet on Manitoba (Ottawa, 1873).

Une biographie incomplète de Shantz a été publiée par Melvin Gingerich, « Jacob Y. Shantz, 1822–1909, promoter of the Mennonite settlements in Manitoba », Mennonite Quarterly Rev. (Goshen, Ind.), 24 (1950) : 230–247.

Le rôle que Shantz a joué dans l’immigration des mennonites au Manitoba a été minutieusement étudié, à partir d’une excellente documentation, par Ernst Correll dans deux articles qu’il a rédigés pour le Mennonite Quarterly Rev.

« Mennonite immigration into Manitoba : sources and documents, 1872, 1873 », 11 (1937) : 196–227, 267–283, et « Mennonite loan in the Canadian parliament », 20 (1946) : 255–275, ainsi que dans trois autres articles qu’il a édités pour la même revue : « Canadian agricultural records on Mennonite settlements, 1875–77 », 21 (1947) : 34–46, « Mennonite immigration into Manitoba : documents and sources, 1873–1874 », 22 (1948) : 43–57, et « Sources on the Mennonite immigration from Russia in the 1870’s », introd. de H. S. Bender, 24 (1950) : 329–352.

La biographie définitive de Shantz a été rédigée par S. J. Steiner, Vicarious pioneer : the life of Jacob Y. Shantz (Winnipeg, 1988).  [l. k.]

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Lawrence Klippenstein, « SHANTZ, JACOB YOST », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/shantz_jacob_yost_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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