WILLIAMS, JAMES, agent foncier et fonctionnaire, né dans le Kirkcudbrightshire, Écosse ; il épousa en secondes noces, à l’Île-du-Prince-Édouard, Elizabeth Stewart, et ils eurent deux fils et deux filles ; circa 1803–1815.
À l’Île-du-Prince-Édouard, il subsiste de nombreux détails biographiques concernant James Williams, mais la plupart des faits rapportés ne peuvent être prouvés. Selon cette tradition, sans doute orale à l’origine, Williams était natif de Kirkcudbright ; placé en apprentissage chez un tailleur, il s’enfuit pour servir dans un régiment des Highlands, d’abord en Irlande, puis au Canada. Cependant, selon Selkirk [Douglas], Williams était un habitant du Kirkcudbrightshire qui avait travaillé pour sa famille pendant de nombreuses années. Quoi qu’il en soit, Williams avait réussi à acquérir des connaissances de gaélique et suffisamment d’expérience des affaires pour inciter Selkirk à l’engager, en 1802, comme représentant pour ses projets de colonisation en Amérique du Nord. Quand, au début de 1803, Selkirk se porta acquéreur de terres dans l’Île-du-Prince-Édouard dans le but d’y établir 800 immigrants des Highlands, il chargea Williams de cette opération. Au début, Williams n’était pas supposé partir pour l’Amérique du Nord avec les colons, sa première femme étant gravement atteinte de tuberculose. Il se trouvait néanmoins à bord du Oughton qui atteignit l’Île-du-Prince-Édouard le 27 août 1803 avec un groupe de passagers catholiques en provenance des îles de North Uist et de South Uist. Le Dykes, navire de Selkirk, et le Polly étaient arrivés quelques semaines plus tôt, transportant des colons presbytériens de l’île de Skye.
Selkirk resta dans l’île juste le temps de s’assurer que ses colons étaient débarqués et que le processus de répartition des terres avait été mis en marche dans ses domaines de la région de la baie Orwell et de la rivière Pinette. Puis il partit pour le Haut-Canada, laissant à Williams des instructions précises sur ce qui devait être réalisé au cours de l’automne et de l’hiver. Toutefois, même avant le départ de Selkirk, il était évident que Williams et le docteur Angus McAulay*, qui, avec son fils, avait recruté la plupart des immigrants, ne s’entendaient pas ; les deux hommes allaient s’affronter à plusieurs reprises pendant l’absence de Selkirk. McAulay accusa Williams de ne pas travailler assez fort à la construction des maisons avant l’hiver et à l’acquisition de provisions. Il se plaignit aussi de la répartition inéquitable des terres et il désapprouva les relations familières qui s’établirent entre Williams et les fonctionnaires de la colonie. Il soutint que Williams passa la plus grande partie de l’hiver à Charlottetown, laissant la direction de la colonie établie à Belfast à une autre personne originaire de Kirkcudbright, qui « se comporta d’une manière insolente ». Selkirk dut interdire à Williams de s’engager dans la politique locale en se portant candidat à la chambre d’Assemblée ; et pourtant, après son retour à l’Île-du-Prince-Édouard en septembre 1804, il était disposé à approuver la nomination de Williams au conseil, laquelle n’eut jamais lieu cependant. En octobre, Selkirk rentra en Grande-Bretagne après avoir donné des instructions précises à son représentant, une fois de plus. Il ne devait plus revenir dans sa colonie.
Selkirk attendait beaucoup trop de Williams, comme de tous ses représentants en Amérique du Nord. Habitué aux fidèles régisseurs écossais, hommes dignes de confiance qui savaient se tenir à leur place, Selkirk ne sut jamais adapter sa façon de voir les choses aux conditions qui prévalaient en Amérique du Nord où, particulièrement durant son absence prolongée de l’autre côté de l’Atlantique, ses représentants étaient considérés eux-mêmes comme des gens importants et en venaient à se comporter comme tels. Presque inévitablement, ils en arrivaient à avoir leurs propres intérêts et prétentions, et commençaient à ne plus tenir compte des intérêts de leur patron, de qui dépendait leur position en définitive. Les ambitions politiques de Williams étaient symptomatiques de ce problème que Selkirk n’arriva à résoudre dans aucune de ses colonies.
Durant les premières années de son mandat à l’Île-du-Prince-Édouard, il semble que Williams travailla activement pour le compte de Selkirk. Il chercha à Terre-Neuve un marché pour les produits qu’il comptait tirer de la colonie, achetant même un schooner pour le commerce, et il s’occupa, avec succès, de l’établissement de nouveaux immigrants envoyés par son patron. À Pinette, il entreprit la construction d’une scierie qui devait débiter 600 000 pieds de bois par année. Mais en dépit du fait qu’il prélevait continuellement de l’argent sur le compte de Selkirk, Williams ne fit aucun rapport à son patron, qui, en juillet 1806, était naturellement inquiet des progrès de sa colonie. Ce mois-là, dans une lettre adressée à James Stewart, qu’il avait rencontré à Halifax en 1804, Selkirk écrivait qu’il n’avait pas la certitude que Williams était devenu un « escroc », mais il trouvait qu’il y avait suffisamment d’indices qui rappelaient de nombreux exemples de « l’effet néfaste du climat américain sur [...] l’honnêteté ». Au même moment, il informa Williams qu’il devait permettre à Stewart de vérifier les livres à Halifax, faire un rapport à ce dernier tous les mois et régler toutes les lettres de change avec lui. En fait, Williams s’arrangea pour reporter la visite en Nouvelle-Écosse prescrite par son patron.
Le rapport de John Fraser, attorney de la Nouvelle-Écosse, que Stewart envoya à l’Île-du-Prince-Édouard à la fin d’octobre 1806 pour faire enquête, allait bientôt rendre Selkirk encore plus inquiet. Ce rapport, qui mentionnait que Williams était censé avoir reçu de bonnes sommes d’argent, en espèces et en nature, et que la scierie avait manifestement « tourné à profit », éveilla de graves soupçons sur les omissions constantes de Williams à communiquer avec son patron, car celui-ci n’avait reçu jusque-là aucun bénéfice de ses terres. Selkirk fut alors convaincu de la nécessité d’envoyer un homme de confiance sur les lieux ; il trouva la personne qu’il cherchait en apprenant que le jeune fils de sa sœur Helen, Basil Hall, avait été affecté à Halifax sous les ordres de sir George Cranfield Berkeley. Hall se rendit à l’Île-du-Prince-Édouard à la fin de 1807. Par la suite, sa mère se plaignit à une amie qu’il n’était pas fait pour ce genre d’affaire : « Voyez-vous, il a commis une erreur au tout début, car, en allant raconter publiquement ses intentions partout à Halifax avant son départ, il a immanquablement répandu lui-même la rumeur. » Si le manque de circonspection du jeune Hall l’empêcha de découvrir le fin fond de l’affaire, sa visite incita néanmoins Williams à envoyer à Selkirk une lettre « écrite avec [...] beaucoup d’émotion ». Se défendant vigoureusement contre les soupçons de fraude, Williams affirmait avoir travaillé fort pour le compte de son patron et niait que la scierie avait été rentable, même si on y avait investi beaucoup d’efforts et d’argent : « Monsieur le comte ne doit pas s’attendre à ce que tous les vingt shillings que votre représentant reçoit vous rapportent la même chose. » Williams faisait alors allusion au fait que les versements étaient souvent en nature et que les produits étaient difficiles à vendre, mais on pourrait comprendre lord Selkirk d’avoir pensé autrement.
Néanmoins, Stewart était bien content du résultat de la visite de Hall, et par suite de la recommandation de Stewart et d’une nouvelle lettre de Williams, Selkirk accepta les explications de son représentant. Williams était supposé retourner en Grande-Bretagne afin de justifier sa conduite en personne – comme il avait lui-même insisté que cela devait être fait – mais pas avant d’avoir installé un autre groupe de Highlanders qui devait arriver à l’île en 1808. Il devint bientôt évident, cependant, que Williams n’avait pas l’intention de se rendre en Grande-Bretagne, ni de rester en contact avec son patron. À la fin de 1809, Selkirk était de nouveau désespéré.
Par suite du blocus des ports de la Baltique imposé par Napoléon Ier en 1807, le commerce du bois dans les colonies s’était engagé sérieusement. L’Île-du-Prince-Édouard fut l’une des premières régions à être exploitées, et l’augmentation des prix du bois y attira beaucoup d’aventuriers. En janvier 1809, Williams fit savoir à Selkirk qu’il avait cédé à bail la scierie, de même que les droits de coupe sur les lots nos 10, 58, 60 et 62, à un certain William Spraggon, dont les références semblaient satisfaisantes. Cependant, Stewart ne fut pas impressionné par la ligne de crédit du preneur, et, lorsque Selkirk fit une vérification auprès des banquiers londoniens de Spraggon, ceux-ci refusèrent d’honorer toute lettre de change. De plus, l’avocat du comte l’informa qu’en raison de la manière dont le contrat était rédigé, Spraggon remplissait les conditions de ce contrat en versant les lettres de change tirées à Londres, qu’elles soient honorées ou pas. Il n’était pas du tout clair si Williams avait été dupé ou s’il était complice de l’affaire.
À la fin de 1809, Selkirk écrivit une longue lettre au capitaine John MacDonald of Glenaladale, où il racontait en détail ses rapports avec Williams et demandait l’aide du vieux Highlander. Il y avait d’importants arriérés de prêts aux colons, de même que des bénéfices provenant de la vente des terres, qui demandaient des explications ; même si Selkirk n’était pas certain que son représentant l’escroquait, il ne pouvait laisser plus longtemps la responsabilité de la colonie à un homme qui négligeait autant de faire des rapports et qui avait désobéi à un ordre formel de présenter ses comptes. À cette époque, Selkirk avait renoncé à poursuivre ses projets dans l’Île-du-Prince-Édouard et n’avait pas l’intention de remplacer Williams, préférant, si possible, vendre ses possessions. Dans une lettre distincte à son représentant, il informa ce dernier qu’il était désormais sous la surveillance de MacDonald.
Au printemps de 1810, le capitaine MacDonald écrivit une lettre rassurante à Selkirk sur la manière dont Williams s’acquittait de sa tâche, mais son évaluation était probablement basée sur le fait que les deux hommes se connaissaient de longue date et que MacDonald approuvait les idées politiques de Williams, plutôt que sur une enquête portant sur la situation réelle, car le capitaine était confiné à sa demeure en permanence. À cette époque, Williams avait été incorporé dans le « old party » : il s’était allié, par son mariage, à la famille de l’ancien juge en chef Peter Stewart, s’était lié d’amitié avec le juge en chef Caesar Colclough*, et, en 1810, il était élu shérif, au mécontentement des Loyal Electors, dont Angus McAulay. MacDonald avait longtemps été ennemi du clan Stewart, mais son antipathie pour les Loyal Electors avait apparemment enterré les anciennes rivalités. Les nuances politiques affectaient tous les rapports entre les habitants de l’île ; elles aident à expliquer pourquoi les propriétaires qui s’occupaient de faire valoir leurs terres, tel Selkirk, étaient rarement bien servis.
En juin 1810, Williams manifesta l’intention de retourner en Grande-Bretagne six semaines plus tard, même si « l’inquiétude extrême qui tourment[ait son] esprit ralenti[ssait] quelque peu [ses] allées et venues » ; après deux mois, il expliqua qu’une grave maladie l’empêchait d’envisager le voyage. Cependant, la maladie en question ne l’empêcha pas de se trouver mêlé, au début de l’année suivante, à une violente dispute avec McAulay au sujet de la construction d’une route à travers les terres de Selkirk. Pendant que Williams et McAulay se querellaient publiquement, Selkirk tentait de mettre de l’ordre dans ses affaires à l’Île-du-Prince-Édouard, à la fois sur le plan public et sur le plan privé ; naturellement, les deux étaient inextricablement enchevêtrés. En 1810, Selkirk avait dirigé les efforts fructueux des propriétaires de l’île pour faire nommer Charles Stewart au poste de procureur général, au lieu de James Bardin Palmer*, chef des Loyal Electors, et il avait temporairement remis ses affaires dans l’île entre les mains de Stewart jusqu’à ce qu’un arrangement définitif pût être pris. Il était urgent de récupérer les biens dont Spraggon avait pris possession et d’obtenir de Williams une comptabilité. En août 1811, Stewart annonça qu’il engageait des poursuites judiciaires contre Spraggon, mais il se plaignit de ne pouvoir espérer gagner contre le marchand de bois, qui avait répliqué en entamant une poursuite devant la Cour de la chancellerie, tant que Joseph Frederick Wallet DesBarres*, qui était étroitement allié avec Palmer, serait lieutenant-gouverneur.
Quant à Williams, il avait tenté, au cours de l’été de 1811, de vendre près de 500 tonnes de bois de pin provenant des lots de Selkirk, peut-être en prévision de son retour en Grande-Bretagne. Toutefois, ses ennemis alléguèrent que « tout le monde savait qu’il avait des embarras », et même Charles Stewart, qui était un ami, dut reconnaître ultérieurement que Williams n’était pas pressé de quitter l’Île-du-Prince-Édouard ni de remettre les documents relatifs aux propriétés de Selkirk. Il fut difficile pour Stewart de défendre Selkirk devant la Cour de la chancellerie du fait que Williams n’avait pas fourni de documents ; au cours de ce procès, Spraggon et son avocat, William Roubel*, tentèrent de mettre sous séquestre les terres de Selkirk pour défaut de réfutation des accusations portées par le demandeur. Palmer soutint par la suite que le problème juridique était de savoir si Williams pouvait parler au nom de Selkirk. La cour décida que le comte devait se présenter en personne, condition qui pénalisait les propriétaires absentéistes dont les représentants pouvaient disposer de leurs biens mais ne pouvaient les recouvrer.
La mort de Charles Stewart en 1813 obligea Selkirk à recourir au nouveau procureur général, William Johnston*, pour qu’il plaidât sa cause dans ce litige local devenu un véritable labyrinthe. À cause du manque de détails des archives judiciaires et de la perte de nombreux documents de Selkirk, il est impossible de suivre tout le litige jusqu’à son règlement. À la fin de 1813, cependant, Johnston représentait Selkirk devant la Cour de la chancellerie dans une action en vue de récupérer les documents concernant les propriétés foncières de Selkirk des mains de Williams, qui fut nommé inspecteur des immigrants la même année. Cette affaire s’éternisa au cours des années 1814 et 1815. Finalement, le 22 mai 1815, la cour ordonna l’arrestation de Williams, laquelle ne fut jamais exécutée, probablement parce que Williams avait quitté l’Île-du-Prince-Édouard pour la Louisiane, selon la tradition locale.
Non seulement Selkirk fut-il incapable de récupérer ses documents des mains de James Williams, mais son représentant s’était sauvé en lui devant des sommes considérables. On ne sait pas à quel moment exactement Williams était devenu un « escroc », mais à la fin il confirma les pires doutes de son patron et laissa la propriété de Selkirk à l’Île-du-Prince-Édouard dans un désordre complet. Ni Selkirk ni ses exécuteurs testamentaires ne réussirent à y remettre de l’ordre.
APC, MG 19, E1, sér. 1, 37 : 14190–14192 ; 39 ; 50 : 19123–19144 (transcriptions).— Arch. privées, J. D. Bates (Anton’s Hill, Berkshire, Angl.), Hall of Dunglass family letters, lady Hall à Jean, lady Hunter, 3 janv. 1808 (photocopies à la National Library of Scotland, Edimbourg).— PAPEI, Acc. 2849, Palmer family papers, no 14 ; RG 6, RS2, Chancery Court, Minutes, 1813–1819 ; James Williams, advertisement, Pinette sawmill, 9 févr. 1811 ; Supreme Court, case papers, 1812, King v. Williams (1812).— PRO, CO 226/28 : 7–23.— Douglas, Lord Selkirk’s diary (White) ; Observations on the present state of the Highlands of Scotland, with a view of the causes and probable consequences of emigration (Londres, 1805 ; réimpr., New York, 1969), 177–198.— Weekly Recorder of Prince Edward Island (Charlottetown), 18 juin 1811, 25 nov. 1813.— Andrew Macphail, « The history of Prince Edward Island », Canada and its prov. (Shortt et Doughty), 13 : 355s.— M. A. Macqueen, Skye pioneers and « the Island » ([Winnipeg, 1929]), 12.— J. M. Bumsted, « Settlement by chance : Lord Selkirk and Prince Edward Island », CHR, 59 (1978) : 170–188.— G. F. Owen, « The voyage of the Polly », réimpr. dans Archibald Irwin, « Lord Selkirk’s settlers in Prince Edward Island », Prince Edward Island Magazine (Charlottetown), 4 (1902–1903) : 421–425 ; 5 (1904–1905) : 29–33, 137–140.
J. M. Bumsted, « WILLIAMS, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/williams_james_5F.html.
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Auteur de l'article: | J. M. Bumsted |
Titre de l'article: | WILLIAMS, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |