WALLACE, NATHANIEL CLARKE, instituteur, homme d’affaires, homme politique et orangiste, né le 21 mai 1844 à Burwick (Woodbridge, Ontario), fils de Nathanael Wallace, tonnelier, et d’Ann Wallace ; le 7 juin 1877, il épousa à Ottawa Belinda Gilmour, et ils eurent quatre fils et trois filles ; décédé le 8 octobre 1901 à Woodbridge.

Troisième fils d’un couple de protestants venus de la région irlandaise de Sligo dans les années 1830, Nathaniel Clarke Wallace fit ses études primaires à Woodbridge et fréquenta en 1863 la Weston Grammar School. L’année suivante, il commença à enseigner dans le canton de Vaughan, dans la section scolaire n° 13, non loin de Woodbridge. En 1867, avec son frère Thomas Frazier, il ouvrit un magasin général dans cette petite localité. Deux ans plus tard, il quitta l’enseignement pour s’occuper du commerce. Les deux frères diversifièrent ensuite leurs intérêts ; l’élément le plus notable en était la Woodbridge Roller Flour Mills. Dès 1875, les recettes annuelles de leur entreprise, la Wallace Brothers, dépassaient les 60 000 $. Ce succès rendit Nathaniel Clarke Wallace indépendant de fortune et, comme Thomas Frazier s’occupait de l’administration cou­ rante de l’entreprise, il put se consacrer à l’ordre d’Orange et à la politique.

Wallace, ferait observer le Globe de Toronto, était « né dans l’élite » de l’ordre d’Orange. Quand il était jeune, la loge orangiste de Woodbridge, fondée par son père, se réunissait à la tonnellerie paternelle. Admis dans cette loge en 1866, à l’âge de 21 ans, il en gravit rapidement les échelons. Secrétaire et maître de la loge comme l’avait été son père, puis maître de district, il fut élu en 1871 à la fonction de maître de comté, qu’il exercerait durant 15 ans. De 1877 à 1883, il fut aussi grand trésorier de l’ouest de l’Ontario. En 1884, il fut nommé grand maître adjoint de l’Amérique britannique. Promu trois ans plus tard grand maître, il conserverait ce rang jusqu’à sa mort. À compter de 1888, il fut également vice-président du Triennial Council, regroupement mondial voué au renforcement des liens fraternels entre les diverses branches nationales de l’ordre. En 1891, il accéda à la présidence de ce conseil et il occupa ce poste durant deux mandats, ce qui était exceptionnel.

On ne peut guère dissocier l’ascension de Wallace au sein de l’ordre d’Orange et sa carrière politique. De 1874 à 1879, il appartint au conseil du comté d’York à titre de vice-président du conseil municipal du canton de Vaughan. Quelques semaines seulement après que le conseil l’eut choisi comme préfet, en février 1878, il remporta l’investiture conservatrice dans la circonscription fédérale d’York West. Au scrutin général de septembre, il mena sa campagne sur un seul thème, la Politique nationale de sir John Alexander Macdonald*, en faisant appel au patriotisme de ses électeurs, et l’emporta aisément sur son adversaire libéral. Une fois à la Chambre des communes, Wallace languit durant presque dix ans dans l’arrière-ban. Puis, pendant l’hiver de 1887–1888, il sortit de l’ombre en prenant position sur une question qui intéressait de plus en plus les populistes : les cartels. Il se porta au secours du candidat à la mairie de Toronto Edward Frederick Clarke, journaliste orangiste qui était aussi député conservateur à l’Assemblée législative, en démasquant un cartel houiller dans lequel était impliqué l’adversaire de Clarke, Elias Rogers. En réponse à ses attaques contre les cartels, le gouvernement forma en février 1888 un comité spécial dont il lui confia la présidence, et dont le mandat était d’étudier la nature des cartels, leur étendue et leurs effets sur l’industrie manufacturière et la distribution de gros au Canada. Wallace dirigea ce comité d’une poigne solide et mena des interrogatoires serrés durant les deux mois d’audience. Au bout du compte, le comité produisit un rapport sévère qui révélait que producteurs et distributeurs s’entendaient secrètement pour fixer les prix d’une large gamme de produits. Prenant la défense des consommateurs, Wallace réclama ensuite une loi anticartels. Le projet de loi fut adopté un an plus tard, non sans avoir subi des amendements qui le rendaient aussi obscur qu’inefficace parce qu’un lobby d’hommes d’affaires bien organisé, dirigé par la Dominion Wholesale Grocers’ Guild et le Bureau de commerce de Toronto, avait exercé des pressions intensives. Cette loi ne donna lieu à aucune condamnation, mais Wallace ne perdit nullement sa réputation de champion du peuple. Il continuerait de s’en prendre aux cartels et de les accuser de voler les gens tout au long de leur vie.

En 1888, le gouvernement de Québec fit adopter l’Acte relatif au règlement de la question des biens des jésuites [V. Antoine-Nicolas Braun* ; Honoré Mercier*], ce qui suscita un vaste mécontentement chez les Ontariens protestants. Cette loi autorisait Léon XIII à faire le partage de l’indemnité correspondant aux terres des jésuites dévolues à la couronne ; les adversaires de cette loi en Ontario réclamaient que le gouvernement conservateur d’Ottawa refuse de la reconnaître [V. William Caven]. Des loges orangistes de l’Ontario condamnaient l’immobilisme gouvernemental, car selon bon nombre de leurs membres, cette loi, en habilitant la province de Québec à conférer des privilèges à sa population catholique, sapait l’émergence d’une nation canadienne uniforme. En mars 1889, lorsque William Edward O’Brien, appuyé par D’Alton McCarthy*, proposa aux Communes de ne pas reconnaître cette loi, Wallace soutint sa motion, au mépris de la discipline de parti. Ce faisant, il devint l’un de ceux que l’on baptisa les « nobles treize ».

La motion d’O’Brien et la prise de position de Wallace ne tardèrent pas à engendrer une grave division au sein de l’ordre. Dans tout le pays, une foule d’orangistes exigèrent que, à sa réunion de la fin de mai, la Grand Lodge of Canada blâme les députés fédéraux orangistes qui s’étaient prononcés contre la motion et condamne, du même coup, le Parti conservateur. À la Grand Lodge, Wallace tenta d’apaiser aussi bien les partisans que les critiques du gouvernement conservateur en demandant à l’ordre dans son ensemble d’appuyer une pétition destinée au gouvernement impérial et de financer une contestation judiciaire de la loi. C’était compter sans la faction progouvernementale. Sous la direction de Mackenzie Bowell*, ministre des Douanes et ancien grand maître, et de Robert Birmingham, grand trésorier de l’ordre et organisateur du Parti conservateur, elle mena une lutte acharnée en Chambre jusqu’à l’aube contre la motion de Wallace. Cette manifestation flagrante d’esprit partisan aliéna beaucoup d’orangistes aux conservateurs. En plus, la fondation en juin de l’Equal Rights Association, qui visait à faire annuler la loi et à réduire le financement des écoles catholiques par l’État, encouragea fortement la désaffection dans les rangs orangistes. Il faut dire que l’Acte relatif au règlement de la question des biens des jésuites irritait les orangistes aussi parce qu’il accordait une reconnaissance juridique à l’Église catholique alors que le gouvernement fédéral avait refusé de constituer juridiquement leur propre organisation. Pour restaurer l’harmonie au sein de l’ordre, Wallace obtint une loi fédérale de constitution en mars 1890. Le mécontentement persista parmi les orangistes, mais dès le mois d’août, les passions s’étaient passablement calmées. À l’assemblée annuelle de la Grand Lodge, Wallace put facilement éviter les discussions sur les biens des jésuites.

Les orangistes repartirent en croisade lorsque la minorité catholique du Manitoba se mit à réclamer au gouvernement fédéral une loi qui restaurerait le financement public de leurs écoles, aboli par le Public Schools Act de 1890 [V. Thomas Greenway*]. L’accession de sir John Sparrow David Thompson* au poste de premier ministre du Canada, en novembre 1892, n’améliora pas le climat. Thompson s’était converti au catholicisme ; pour rassurer l’opinion protestante, surtout en Ontario, il devait nommer dans son gouvernement un porte-parole crédible des protestants. Or les possibilités étaient limitées. Des deux plus célèbres champions du protestantisme militant, William Ralph Meredith*, chef des conservateurs de l’Ontario, s’était aliéné d’éminents partisans catholiques du gouvernement, et D’Alton McCarthy était un ennemi déclaré de Thompson. Mais Wallace, lui, aspirait à servir et avait déjà fait connaître son opposition à la loi réparatrice. Thompson lui confia donc le nouveau poste de contrôleur des douanes. Nommé le 5 décembre, Wallace devint membre du gouvernement mais non du cabinet. Grâce à son expérience de marchand rural, à ses aptitudes en calcul mental et à sa maîtrise des détails, il allait diriger son service avec une efficacité qui ferait l’admiration du milieu des affaires. En outre, sa présence au gouvernement rassurait bien des orangistes, ce qui importait beaucoup plus pour les conservateurs. Le fait qu’il était étroitement associé aux conservateurs et à la décision du parti de confier aux tribunaux le soin de trancher la question de la loi réparatrice permit à la Protestant Protective Association et à l’Equal Rights League, que McCarthy fonda en quittant le parti en 1893, d’attirer vers elles les orangistes et de faire dévier la cible de leur mécontentement.

En mars 1895, après que le Conseil privé eut rendu sa décision dans l’affaire Brophy, le gouvernement de sir Mackenzie Bowell (ce dernier était devenu premier ministre après la mort de Thompson) publia un arrêté en conseil menaçant le Manitoba d’adopter une loi réparatrice. Dans l’ordre d’Orange, on pressa Wallace de quitter son poste de contrôleur des douanes en signe de protestation. Wallace rétorqua que, pour infléchir l’orientation gouvernementale, il fallait que les protestants continuent de se faire entendre haut et fort au sein du gouvernement. Tout l’été, il s’en prit à cette orientation ; Bowell, lui, ne bougea pas, comme d’habitude. En prévision de deux élections partielles qui se tiendraient en Ontario en décembre, Wallace fit campagne pour les candidats conservateurs opposés à la loi réparatrice ; toutefois, ayant perdu l’espoir d’éviter une telle loi, il quitta son poste et le Parti conservateur le 11 décembre, soit la veille de l’élection dans la circonscription d’Ontario North. Le projet de loi réparatrice fut présenté en mars 1896. Alors, avec d’autres orangistes déçus et avec D’Alton McCarthy et ses partisans, Wallace se livra à une obstruction systématique qui força le gouvernement à retirer le projet et à convoquer des élections en juin.

À ce moment-là, l’ordre d’Orange ne soutenait plus les conservateurs. Le 27 mai, en pleine campagne électorale, au cours d’une assemblée mouvementée de la Grand Lodge, Wallace réussit à circonvenir les partisans du gouvernement ; après lui avoir renouvelé sa confiance sans la moindre équivoque, l’ordre d’Orange s’engagea à combattre tous les candidats favorables à la loi réparatrice. Wallace briguait les suffrages dans York West à titre d’indépendant, et il fit campagne dans tout le sud de l’Ontario pour des candidats conservateurs opposés à la loi réparatrice et pour quelques candidats de la Protestant Protective Association. Il remporta une victoire éclatante dans sa circonscription, mais son influence dans les autres circonscriptions reste incertaine puisqu’aucun des candidats qu’il avait aidés ne fut élu. Cependant, beaucoup d’orangistes avaient approuvé sa position, même si Samuel Hughes*, Robert Birmingham et Edward Frederick Clarke avaient tenté de convaincre l’ordre de se montrer moins sévère envers les conservateurs.

À l’automne de 1898, Wallace réintégra le Parti conservateur. Fidèle sujet britannique et fervent impérialiste, il approuvait la guerre contre les Boers en Afrique du Sud et fut donc très fier que, en 1899, son fils aîné, Thomas George, s’enrôle dans le 2nd (Special Service) Battalion du Royal Canadian Regiment of Infantry.

Au cours de l’été de 1900, Nathaniel Clarke Wallace se mit à faire de l’anémie. Dès lors, sa santé déclina. Après une aggravation de son état qui le força à garder le lit, il mourut le 8 octobre 1901, à l’âge de 57 ans. Il fut inhumé le 12, conformément au rituel orangiste, en présence de 6 000 personnes, au cimetière de l’église anglicane qu’il avait longtemps fréquentée, la Christ Church. Le zèle avec lequel il avait défendu les principes orangistes l’avait rendu populaire auprès de l’ensemble des membres de l’ordre d’Orange et avait persuadé bon nombre d’orangistes de retourner au Parti conservateur. Il avait préparé le renouveau de l’alliance traditionnelle entre orangistes et conservateurs, alliance qui serait plus forte que jamais sous de nouveaux chefs tel Thomas Simpson Sproule*.

Brian P. Clarke

AN, MG 26, D ; MG 29, D61 : 8226–8227 ; MG 30, D29.— AO, F 49.— Globe, 1878–1901.— Mail (Toronto), 1878–1880, et par la suite le Toronto Daily Mail, 1880–1895, et le Mail and Empire, 1895–1901.— Monetary Times, 1889, 1895.— Sentinel (Toronto), 1877–1899.— York Herald (Richmond Hill, Ontario), 1872–1878.— Michael Bliss, « Another anti-trust tradition : Canadian anti-combines policy, 1889–1910 », Business Hist. Rev. (Boston), 47 (1973) : 177–188.— J. P. H. Buell, « The political career of N. Clarke Wallace, 1872–1896 » (thèse de m.a., Univ. of Toronto, 1961).— Canada, Chambre des communes, Débats, 1878–1901 ; Journaux, 1888, app.3.— Canadian Grocer (Toronto), 1889–1890, 1895.— C. J. Houston et W. J. Smyth, The sash Canada wore : a historical geography of the Orange order in Canada (Toronto, 1980).— J. R. Miller, Equal rights : the Jesuits’ Estates Act controversy (Montréal, 1979).— Desmond Morton, Mayor Howland : the citizens’ candidate (Toronto, 1973).— C. E. Perry, Hon. N. Clarke Wallace, grand master, Loyal Orange Association of British America ; his action on the « Remedial Bill », and what led up to it ([Mimico (Toronto) ?], 1897) [une autre édition a paru, peur-être à Toronto, après la mort de Wallace ; la page de titre indique 1897, mais sur la couverture, on trouve 1901].— G. E. Reaman, A history of Vaughan Township : two centuries of the township (Toronto, 1971).— Hereward Senior, Orangeism, the Canadian phase (Toronto, 1972).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1.— Willison, Reminiscences.

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Brian P. Clarke, « WALLACE, NATHANIEL CLARKE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wallace_nathaniel_clarke_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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