WALKER, THOMAS, marchand et fonctionnaire local, né en Angleterre, décédé le 9 juillet 1788 à Boston, Massachusetts.

Thomas Walker, qui avait émigré à Boston en 1752, vint à Montréal en 1763 et s’y installa comme marchand. Il fit l’acquisition d’une belle maison de pierres, rue Saint-Paul, près du château de Ramezay, et devint prospère dans le commerce de l’Ouest. À ce moment-là, les relations entre les populations civile et militaire étaient tendues ; Walker devint le principal porte-parole des marchands montréalais au cours de leurs querelles avec les autorités militaires. En septembre, peu après son arrivée, il ne tint aucun compte du verdict qu’un tribunal militaire avait prononcé contre lui lors d’un procès civil. Quand le gouvernement civil fut institué en 1764, le gouverneur Murray, croyant que l’ambitieux et combatif marchand pourrait être utile si on le traitait comme il fallait, le nomma juge de paix. Cependant, Walker profita de cette nomination pour donner libre cours à son animosité contre les militaires et se querella bientôt avec eux au sujet du cantonnement des troupes britanniques. Auparavant, en plus d’être logés chez des particuliers, les soldats bénéficiaient de la literie, du bois de chauffage et de l’usage de la cuisine. Maintenant, les magistrats, appliquant la loi à la lettre, leur interdisaient ces commodités. En novembre, Walker et quatre autres juges allèrent jusqu’à faire emprisonner le capitaine Benjamin Charnock Payne, du 28e d’infanterie, pour avoir refusé de libérer des logis qu’un marchand prétendait avoir loués à un autre.

Les relations entre les marchands et l’armée devinrent tellement tendues que Murray demanda à Walker et à trois autres juges de venir à Québec le 13 décembre 1764 pour expliquer leurs faits et gestes. Or, au cours de la nuit du 6, des hommes masqués s’introduisirent chez Walker, le rouèrent de coups et lui coupèrent une oreille. Murray écrivit dans son rapport qu’une vingtaine d’hommes avaient participé au coup de main et que l’on suspectait des soldats du 28e. On arrêta quatre hommes de ce régiment, et le gouvernement tenta de les faire passer en jugement à Québec où il aurait été facile de trouver un jury impartial. Cependant, Walker, qui voulait absolument un jury protestant, refusa d’y aller ou de porter témoignage. Il adopta une attitude semblable lorsque le gouvernement chercha un compromis en tenant l’audience à Trois-Rivières. Le procès, qui eut lieu le 1er juillet 1765, se termina par un acquittement et convainquit Walker que les autorités militaires avaient permis aux coupables d’échapper à la justice.

Les marchands montréalais et leurs alliés de Londres avaient critiqué la façon dont Murray s’acquittait de ses fonctions de gouverneur ; l’affaire Walker allait renforcer leur opposition. On avait utilisé à Londres, en avril 1765, les nouvelles de l’affaire pour appuyer la thèse des marchands suivant laquelle l’autorité militaire était incompatible avec la croissance économique de la colonie. Walker, que le Conseil de Québec avait destitué de sa charge de magistrat le 22 juin, porta sa cause à Londres. Il revint à la fin de mai 1766 porteur d’une note sèche de Henry Seymour Conway, secrétaire d’État pour le département du Sud, enjoignant à Murray de réintégrer Walker et de « l’aider dans le libre exercice du commerce auquel, ‘en tant que sujet britannique, il a[vait] droit ». Peu de temps après, Murray, que l’on avait rappelé en vue de participer à une enquête sur les affaires de la colonie, fit voile vers l’Angleterre.

Le dossier de Walker fut rouvert en novembre 1766 lorsque George McGovock, ex-soldat de mauvaise réputation qui avait passé quatre mois chez Walker, accusa six habitants respectables de Montréal d’être responsables de l’attaque contre Walker. Contrairement au groupe d’accusés précédent que l’on avait dans l’ensemble estimés coupables, les nouveaux accusés – les capitaines John Campbell et Daniel Disney, le lieutenant Simon Evans, John Fraser, juge de la Cour des plaids communs, le marchand Joseph Howard et Luc de La Corne – reçurent un solide appui du public. Sur l’insistance de Walker, William Hey, juge en chef de Québec, refusa d’accorder un cautionnement, ce qui provoqua des protestations, le 23 novembre, sous forme d’une pétition signée par tous les notables montréalais ou presque. Le procès de Disney en mars 1767 se termina par un acquittement, et on dissuada Walker d’intenter un procès contre les autres.

Le jugement de Disney démontra que la classe des marchands de Montréal s’était morcelée et que l’éloquent Walker était désormais à la tête d’un petit groupe radical. En novembre 1773, Walker, qui avait adressé au lieutenant-gouverneur Guy Carleton*, dès 1767, une requête traitant de l’avantage d’une assemblée élue, se rendit avec Zachary Macaulay* à Londres pour présenter une demande semblable à lord Dartmouth et solliciter l’aide des commerçants. Il s’opposa à l’adoption de l’Acte de Québec, fit de l’agitation en faveur de son abrogation et devint un adversaire de Carleton. En tant qu’acheteur de blé et spéculateur, Walker avait acquis de l’influence dans les régions rurales, ce qui lui permit de faire circuler, dans Montréal et son district et à Québec, l’appel à l’aide lancé par le Congrès continental de 1774. Dès 1775, Walker était un républicain consommé. En avril, il assista à une réunion de sympathisants américains au café de Montréal où il recommanda d’envoyer des délégués au congrès suivant. Il fournit des renseignements militaires à Benedict Arnold* et, plus tard, à Ethan Allen. En juin, il fit de l’agitation parmi les habitants de Repentigny et de Chambly, promettant argent, armes et poudre à ceux qui appuieraient les Américains.

Lorsque l’armée américaine envahit la colonie en septembre, [V. Richard Montgomery], Walker, considéré, bien entendu, comme un ennemi et comme un traître, fut arrêté à L’Assomption où il possédait une ferme et une installation de potasse et où il s’était occupé de recruter des Canadiens pour combattre les Britanniques. Le 11 novembre, lorsque Carleton battit en retraite de Montréal vers Québec, Walker fut placé sur un vaisseau en partance pour Québec. Or, les Américains capturèrent le navire et Walker fut libéré. Il revint à Montréal et y hébergea Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll, les trois délégués du Congrès arrivés dans cette ville au début de 1776. Quand les Américains se retirèrent de la province plus tard cette année-là, Walker les accompagna et s’installa à Boston. Ce qu’il fit par la suite n’est pas clair, mais l’on sait qu’en janvier 1785 il pria le Congrès de l’indemniser pour les pertes qu’il avait subies en appuyant la Révolution américaine. En cette même année, il rendit également visite à Pierre Du Calvet à Londres.

Lewis H. Thomas

APC, MG 11, [CO 42] Q, 3, pp.5, 9, 29, 41, 122, 391 ; 4, pp.1–20, 44, 76, 79, 98, 103, 105s., 108, 129, 133 ; 10, p.8 ; 11, pp.11, 149, 167, 192, 267, 285, 301, 307 ; MG 23, A1, sér. 2, 1, pp.56–67 ; A4, 16, pp.86–88 ; I13, 1, pp.118–121, 169s.— BL, Add. mss 21 668, pp.64, 68, 80, 82, 93, 101, 141–143, 146–148, 181 (copies aux APC).— Boston, Registry Division, Records of births, marriages and deaths, 9 juill. 1788.— Library of Congress (Washington), Continental Congress papers, no 41, 10, p.665 (copie aux APC).— APC Rapport, 1888, xi-xiv, 1–14.— Maseres, Maseres letters (Wallace).— The trial of Daniel Disney, esq. [...] (Québec, 1767).— La Gazette de Québec, 13 déc. 1764, 13 juin, 4 juill., 12 sept. 1765, 5 juin, 29 sept., 24 nov., 29 déc. 1766, 26 janv., 9 févr., 16, 23 mars, 9 avril, 15 oct. 1767, 10 mars 1768.— Le Jeune, Dictionnaire, II : 808s.— Wallace, Macmillan dictionary.— Burt, Old prov. of Que.— Neatby, Quebec.— G. F. G. Stanley, Canada invaded, 1775–1776 (Toronto, 1973).— A. L. Burt, The mystery of Walker’s ear, CHR, 111 (1922) : 233–255.

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Lewis H. Thomas, « WALKER, THOMAS (mort en 1788) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/walker_thomas_1788_4F.html.

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