VAUQUELIN, JEAN, officier de marine, né à Dieppe, France, en février 1728, décédé à Rochefort, France, le 10 novembre 1772.

Les débuts de la carrière de Jean Vauquelin demeurent obscurs. Fils d’un capitaine dans la marine marchande, il commença à naviguer très jeune avec son père et servit en qualité d’officier sur une frégate armée en course pendant la guerre de la Succession d’Autriche. Devenu à son tour capitaine dans la marine marchande vers 1750, il effectua 21 campagnes avant d’être recruté, au début de la guerre de Sept Ans, par le commandant de la marine au Havre pour servir comme officier bleu. C’est ainsi que l’on désignait dans la marine royale les officiers marchands ou les officiers mariniers qui servaient volontairement, à titre temporaire et sans brevet, en qualité d’officiers subalternes sur les bâtiments du roi. Vauquelin reçut, le 26 avril 1757, le commandement de la frégate Tourterelle et put entrer dans la marine royale, en février 1758, comme lieutenant de frégate. Il se vit aussitôt confier le commandement de la Pèlerine, une frégate de 30 canons récemment achetée par le roi à un armateur du Havre et rebaptisée Aréthuse. Envoyé à l’île Royale (île du Cap-Breton), Vauquelin réussit à entrer dans le port de Louisbourg, le 9 juin, malgré le blocus d’Edward Boscawen*, et prit une part très active à la défense de la place. L’Aréthuse, embossée près de l’anse du Barachois, gêna considérablement les opérations de débarquement des Anglais en les prenant à revers et en les tenant sous son feu ; son tir précis provoqua chez eux des pertes considérables et retarda de manière notable l’avancement des travaux du siège. Au début du mois de juillet, Vauquelin obtint du gouverneur Augustin de Boschenry* de Drucour l’autorisation de passer en France pour y porter des dépêches et informer le ministre de la Marine du triste état de la place. Il appareilla dans la nuit du 14 au 15 juillet, força une seconde fois le blocus anglais et parvint sans encombre en Europe après une traversée très rapide, puisque l’Aréthuse mouilla à Santander, en Espagne, le 2 août. Cette brillante campagne valut à Vauquelin une lettre de félicitations du ministre, qui écrivit le 15 août : « les témoignages qui m’ont été rendus de votre conduite à Louisbourg pendant le temps que vous y êtes resté vous sont entièrement favorables et je ne puis qu’être content de la célérité de votre navigation pour votre retour, surtout dans l’état où est la frégate ».

Vauquelin vint au Canada l’année suivante à bord de la frégate Atalante dont il avait reçu le commandement. Nommé capitaine de brûlot pour la campagne, il quitta Rochefort le 13 mars 1759 et, dès son arrivée dans la colonie, fut chargé par le gouverneur Vaudreuil [Rigaud] de l’inspection des batteries dans le secteur de Québec ainsi que de tout ce qui concernait la marine. Vauquelin s’acquitta de sa mission avec l’activité qui lui était naturelle et Lévis fit « les plus grands éloges de la bravoure et de l’intelligence de cet officier ». Il est néanmoins certain que les forces navales furent mal utilisées au cours du siège de Québec. On eut bien l’idée de lancer des brûlots sur la flotte anglaise, mais l’opération ne fut pas confiée à des marins, de sorte qu’elle échoua lamentablement. La flotte anglaise sous la direction de Charles Saunders put s’assurer sans peine la maîtrise du fleuve, donc la liberté de manœuvre. On envisagea, à la fin du mois d’août, d’attaquer les bâtiments anglais mouillés en amont de Québec mais il aurait fallu rappeler pour cela les matelots qui servaient sur les batteries ; on renonça donc à ce projet.

Au printemps de 1760, Vauquelin constitua, avec l’Atalante, la Pomone, la Pie, une flûte, et quelques unités légères, une petite division qui partit de Sorel vers Québec, le 20 avril, pour suivre l’armée de Lévis et la ravitailler. Il atteignit l’anse au Foulon le 28 avril, le jour même de la bataille de Sainte-Foy qui assura une victoire aux Français. Lévis continua le siège de la ville mais, le 9 mai, une frégate anglaise arriva devant Québec, bientôt rejointe par une autre frégate et un vaisseau [V. Robert Swanton*]. Pris en chasse, le 16 mai, par le Lowestoft et le Diana, Vauquelin les attira vers Cap-Rouge pour sauver les dépôts de l’armée et dut ensuite s’échouer à Pointe-aux-Trembles (Neuville). Il épuisa ses munitions, puis fit évacuer son équipage après avoir, sous le feu incessant de l’ennemi, cloué son pavillon au mât et jeté son épée dans le fleuve. Blessé, il fut fait prisonnier avec les trois officiers, l’écrivain, l’aumônier et les six matelots restés à bord. Le lendemain, les Anglais incendièrent l’Atalante, réduite à l’état d’épave. Vauquelin avait, semble-t-il, fortement impressionné ses ennemis par sa bravoure. Il fut rapidement libéré et put rentrer en France.

Grâce à ses états de service, Vauquelin obtint le grade de capitaine de brûlot le 5 novembre 1761 et celui de lieutenant de vaisseau le le’’ octobre 1764. Cette année-là, il commanda la flûte Bricole et, l’année suivante, la Coulisse avec laquelle il effectua une mission de transport vers la Guyane où Choiseul, ministre de la Marine et des Colonies, s’efforçait de créer un établissement destiné à compenser la perte du Canada. Nommé ensuite commandant de la flûte Garonne, Vauquelin quitta Lorient, France, en avril 1767, pour une longue campagne dans l’océan Indien où son navire assura les missions d’un stationnaire, aux ordres du gouverneur général de l’île de France (île Maurice). En août 1768, il fut chargé de transporter Louis-Laurent de Féderbe, comte de Maudave, qui allait tenter de créer une colonie française à Madagascar. Vauquelin fit ensuite avec la Garonne des voyages de traite de Noirs et de bétail entre l’île de France, le Mozambique et Madagascar, qui donnèrent lieu à des conflits avec Pierre Poivre, intendant de l’île Bourbon (île de la Réunion) et de l’île de France. On l’accusa de commerce illicite et, à son retour en France en décembre 1769, un ordre du roi prescrivit son internement pour trois mois au château du Taureau, dans la baie de Morlaix ; comme sa santé ne pouvait supporter ce séjour, il fut transféré à Nantes, puis libéré le 1er mai 1770. Les soupçons portés contre lui se révélèrent sans doute peu fondés puisqu’il reçut, le 10 août 1772, le commandement du Faune, envoyé dans l’océan Indien. Sa santé était cependant gravement altérée. Il tomba malade et mourut à Rochefort trois mois plus tard. Certains ont prétendu qu’il avait été assassiné, mais il faudrait ajouter cette affirmation au lot d’inexactitudes qui ont été écrites sur Vauquelin.

La vie de Jean Vauquelin illustre bien la carrière d’un officier qui, d’origine roturière, est entré dans la marine royale non par les gardesmarine mais par des voies latérales et qui a réussi, grâce à ses talents, à se tailler une place honorable.

Étienne Taillemite

AN, Col., B, 127, f.21 ; C4, 20 ; C11A, 104, ff.193, 270 ; F3, 50, ff.529–530 ; Marine, B3, 359, f.51 ; 533, f.124 ; 543, ff.94–96 ; B4, 80, f.284 ; 98, f.21 ; C1, 174, p.1656 ; 180, p.228 ; C7, 341 (dossier Vauquelin).— Coll. des manuscrits de Lévis (Casgrain), I : 277 ; II : 305 ; III : 168 : IV :163, 183 ; VII : 540 ; VIII : 140, 152, 159, 171, 174, 177, 179s., 190, 195, 198 ; IX : 52, 57, 89 ; X :224 ; XI : 263–271.— Knox, Hist. journal (Doughty), passim.— Le Jeune, Dictionnaire.— Jacques Aman, Les officiers bleus dans la marine française au XVIIIe s. (Paris, 1976), 124–126.— Gabriel Gravier, Notice sur Vauquelain de Dieppe, lieutenant de vaisseau (1727–1764), d’après MFaucher de Saint-Maurice (Rouen, France, 1885).— Lacour-Gayet, La marine militaire sous Louis XV.— McLennan, Louisbourg, 278, 302.— Stanley, New France, 172, 244, 250.— N.-H.-É. Faucher de Saint-Maurice, Un des oubliés de notre histoire, le capitaine de vaisseau Vauquelain, SRC Mémoires, 1re sér., III (1885), sect. i : 35–47.—, Ægidius Fauteux, Jean Vauquelin, SRC Mémoires, 3e sér., XXIV (1930), sect. : 1–30.

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Étienne Taillemite, « VAUQUELIN, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/vauquelin_jean_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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