TOUSSAINT, FRANÇOIS-XAVIER (baptisé François), professeur, administrateur scolaire et auteur, né le 1er mars 1821 à Saint-Jean, île d’Orléans, Bas-Canada, fils de Pierre Toussaint, maître pilote, et de Justine Fortier ; le 7 août 1845, il épousa au même endroit Marguerite Noël ; décédé le 2 décembre 1895 à Québec.
François-Xavier Toussaint fréquente d’abord l’école de son village natal. Son premier maître, le Français Pierre Descombes, appartient à cette génération d’instituteurs laïques itinérants et non diplômés qui sont employés dans les écoles élémentaires du Bas-Canada au début du xixe siècle. Toussaint ne s’oriente pas directement vers l’enseignement, cette carrière « désagréable en elle-même, ainsi que l’affirmera la Minerve en 1836, et où, pendant des années entières, on essuye la poussière des bancs d’une école ». En 1835, à l’âge de 14 ans, il entreprend des études classiques au petit séminaire de Québec, qu’il quitte toutefois avant la dernière année de philosophie. En 1842, il séjourne à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, dans le but d’étudier le génie civil mais, comme il a contracté la fièvre jaune, il doit rentrer au pays. Sa santé rétablie, il manifeste le désir d’étudier la médecine. Cependant, son père, qui n’aime pas cette profession, l’en dissuade. Indécis au sujet de son avenir, Toussaint consulte l’un de ses anciens professeurs, l’abbé John Holmes*. Celui-ci, qui a participé, à la suite de l’adoption de la loi scolaire de 1836, au projet de fondation d’écoles normales destinées à la formation du corps enseignant du niveau primaire, le convainc d’entrer dans l’enseignement.
Toussaint entreprend sa carrière d’instituteur en 1843 à l’île d’Orléans : il enseigne d’abord cinq ans à Saint-Jean, puis quatre ans à Saint-Laurent. Pendant ce temps, s’amorce son ascension au sein du corps enseignant, en voie d’organisation. En 1845, Toussaint figure parmi les fondateurs d’un comité créé dans le but de former une association des instituteurs du district de Québec. Établie « dans un but d’union, d’instruction mutuelle et de progrès général », cette dernière est reconnue juridiquement le 30 mai 1849 sous le nom d’Association de la bibliothèque des instituteurs du district de Québec [V. Félix-Emmanuel Juneau*]. Le 3 janvier 1851, on nomme Toussaint membre du Bureau d’examinateurs de Québec, créé par la loi scolaire de 1846 afin de vérifier la compétence intellectuelle et pédagogique des candidats à l’enseignement. En 1853, il s’associe au curé Narcisse-Charles Fortier* et aux commissaires d’écoles de Saint-Michel, sur la rive sud du Saint-Laurent, pour établir dans cette paroisse un collège commercial et industriel, qu’il dirigera jusqu’en 1857. Cette fondation s’inscrit dans le cadre d’un mouvement soutenu avec enthousiasme par le surintendant du bureau d’Éducation, Jean-Baptiste Meilleur*, qui vise à orienter les jeunes Canadiens français vers le commerce et l’industrie plutôt que vers les professions libérales, dont l’encombrement est dénoncé par une partie de l’élite. Doté d’un corps professoral entièrement laïque, le collège industriel de Saint-Michel offre aux garçons un ambitieux cours d’études de quatre ans, dont le programme comporte près de 15 matières. L’établissement acquiert rapidement la réputation enviable de pouvoir rivaliser, selon le rapport de l’inspecteur d’écoles de 1856, « avec ce qu’il y a de mieux en ce genre, dans le district de Québec », et son directeur, un « monsieur bien connu par ses connaissances et ses succès dans l’enseignement », est félicité tout particulièrement.
En plus de contribuer à la diffusion de l’enseignement commercial, Toussaint se préoccupe de la formation professionnelle des enseignants laïques. Il organise un cours normal à l’intention des élèves du collège de Saint-Michel et du pensionnat de filles du même endroit. En 1855, le surintendant du bureau d’Éducation, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau*, signale cette heureuse initiative dans son rapport annuel et évoque la nécessité de fonder des écoles normales au Bas-Canada. Les efforts de Toussaint seront récompensés en mai 1857, au moment de la fondation, par le gouvernement du Canada-Uni, d’écoles normales à Montréal et à Québec. Titulaire du brevet d’école secondaire – diplôme le plus élevé décerné à l’époque aux instituteurs de l’enseignement primaire –, il obtient cette année-là un poste de professeur à l’école normale Laval de Québec.
Pendant les 37 années qui suivent, la carrière de Toussaint se déroulera sans interruption dans l’enceinte de l’école normale Laval. Responsable de l’enseignement de la pédagogie, des mathématiques, de la géographie et de l’histoire, il s’acquitte d’une lourde tâche. En outre, il participe de façon régulière aux réunions de l’Association des instituteurs de la circonscription de l’école normale Laval, dont il sera élu le huitième président en 1866. Ses interventions portent à la fois sur des questions pédagogiques et sur les nombreux problèmes d’ordre matériel rattachés à l’exercice du métier d’instituteur. Mais c’est le progrès de la pédagogie qui le préoccupe avant tout. « Jamais épouse n’a été aimée plus sincèrement que la pédagogie par M. Toussaint », écrira en 1896 l’abbé Thomas-Grégoire Rouleau, sixième principal de l’école normale Laval. Professeur très habile et chéri de ses élèves, Toussaint se livre aussi avec succès à la publication de manuels qui font vite autorité : Petit Abrégé de géographie moderne [...] (1870), Traité d’arithmétique (1871) et Abrégé d’histoire du Canada [...] (1874). Selon Rouleau, si la forme de ces ouvrages « laisse un peu à désirer [...], la méthode est excellente ».
Le couronnement de la carrière de François-Xavier Toussaint a lieu le 19 mai 1893, lorsque l’école normale Laval célèbre avec grand éclat, en présence des élites civiles et religieuses de Québec, ses noces d’or de professorat. Pour ses longues années de service, il reçoit tour à tour la bénédiction de Léon XIII, une bourse de Mgr Louis-Nazaire Bégin*, évêque coadjuteur de Québec et l’un de ses anciens élèves à Saint-Michel, de même que le titre de professeur émérite et honoraire de l’école normale Laval. Cette suite d’hommages ainsi que le caractère distingué de l’auditoire témoignent du rôle de pionnier qu’il a joué dans la promotion de la carrière enseignante et de l’enseignement primaire en général. De son côté, il ne manque pas de rappeler, avec une pointe d’amertume, que « les gens du bon vieux temps connurent des causes sans avocats. Parmi celles-ci [...] la cause de l’enseignement [...] Malheureusement, c’était une cause très ingrate, qu’un demi-siècle de plaidoiries n’a pu corriger qu’imparfaitement. » Mais la bataille tire à sa fin pour Toussaint, qui meurt en décembre 1895, à peine un an après avoir pris sa retraite.
AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Roch, 5 déc. 1897.— ANQ-Q, CE1-13, 1er mars 1821, 7 août 1845 ; E13/51 ; E13/52 ; E30/37 ; E30/39.— « Avis officiel », Journal de l’Instruction publique (Québec et Montréal), 1 (1857) : 9.— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1855–1856 (rapport annuel du surintendant de l’éducation) ; Statuts, 1849, chap. 45.— « Cent douzième réunion des instituteurs de la circonscription de l’école normale Laval, tenue le 25 janvier 1896 », Journal de l’Instruction publique, 14 (1896) : 258–259.— « Échos des noces d’or », l’Enseignement primaire (Québec), 14 (1893) : 311–312.— « Fête grandiose », l’Enseignement primaire, 14 : 289–295.— « Nécrologie : feu M. F.-X. Toussaint », Journal de l’Instruction publique (Montréal), 14 : 226.— Québec, Parl., Doc. de la session, 1894–1896 (rapport annuel du surintendant de l’Instruction publique).— La Minerve, 24 nov. 1836.— L.-P. Audet, Histoire de l’enseignement au Québec (2 vol., Montréal et Toronto, 1971), 2.— Réal Bertrand, l’École normale Laval ; un siècle d’histoire (1857–1957) (Québec, 1957), 44.— P.-J.-O. Chauveau, l’Instruction publique au Canada : précis historique et statistique (Québec, 1876).— [L.-]A. Desrosiers, les Écoles normales primaires de la province de Québec et leurs œuvres complémentaires ; récits des fêtes jubilaires de l’école normale Jacques-Cartier, 1857–1907 (Montréal, 1909).— L’École normale Laval, 1857–1970 (Québec, 1970).— Labarrère-Paulé, les Instituteurs laïques ; les Laïques et la Presse pédagogique au Canada français au XIXe siècle (Québec, 1963), 128, 132.— Bernard Lefebvre, l’École sous la mitre (Montréal, 1980).— J.-B. Meilleur, Mémorial de l’éducation du Bas-Canada (2e éd., Québec, 1876).— Les Noces d’or de l’école normale Laval, 1857–1907 (Québec, 1908), 28.— « Les Disparus », BRH, 35 (1929) : 158.— C.-J. Magnan, « Éducateurs d’autrefois : F.-X. Toussaint », BRH, 47 (1941) : 304–306.— P.-P. Magnan, « l’École normale Laval de Québec ; quelques notes », le Soleil, 7 juill. 1928 : 1, 9, 19.— Roland Toussaint, « F.-X. Toussaint, premier professeur à l’école normale Laval », Cap-aux-Diamants (Québec), 2 (1986–1987), nº 4 : 49.
Ruby Heap, « TOUSSAINT, FRANÇOIS-XAVIER (baptisé François) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/toussaint_francois_xavier_12F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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Date de consultation: | 28 novembre 2024 |