TODD, ALPHEUS, bibliothécaire et écrivain, né le 30 juillet 1821 à Londres, fils de l’écrivain Henry Cooke Todd ; en 1845, il épousa Sarah Anne St John, et ils eurent quatre fils et une fille ; décédé le 22 janvier 1884 à Ottawa.

Alpheus Todd immigra à York (Toronto), Haut-Canada, avec ses parents en 1833. Lorsque York fut érigé en municipalité sous le nom de Toronto, l’année suivante, Todd, à peine adolescent, produisit une gravure du plan de la ville. Ses efforts impressionnèrent Robert Baldwin Sullivan*, avocat éminent, qui aida Todd à obtenir un poste à la bibliothèque de la chambre d’Assemblée du Haut-Canada en 1835 ; Todd devint bibliothécaire adjoint l’année suivante. Autodidacte, il montra un vif intérêt pour l’étude de la procédure parlementaire britannique et ses applications dans le contexte canadien et d’autres colonies. Cinq ans après son entrée en fonction, il publia The practice and privileges of the two houses of parliament [...]. À la suite de l’union du Haut et du Bas Canada, en 1841, Todd devint, le 19 septembre, bibliothécaire adjoint de l’Assemblée législative et son livre, unique en son genre, fut adopté officiellement par l’Assemblée pour servir à ses membres.

Au début de l’été de 1854, Todd rédigea un important document pour l’orateur (président) de la chambre d’Assemblée, John Sandfield Macdonald*, dans lequel il appuyait ce dernier dans son opposition controversée à la dissolution du parlement par le gouverneur général lord Elgin [Bruce*], sur l’avis du premier ministre Francis Hincks. La chambre fut dissoute avant même que la nouvelle session ne se soit penchée sur une seule question, en fait avant même qu’on ait pu terminer le débat sur l’adresse en réponse au discours du trône. Dans son écrit froid et concis, Todd cite de nombreux précédents dans la tradition parlementaire britannique, remontant aussi loin qu’à la période élisabéthaine, et « justifi[e] plement » la conduite de Macdonald. Bien plus, le bref exposé de Todd devint un modèle pour des douzaines d’autres effectués au cours des années suivantes pour des députés des deux côtés de la chambre. Les recherches entreprises pour ces exposés devinrent partie intégrante de ses écrits monumentaux sur la procédure constitutionnelle britannique.

Le 31 mars 1856, Todd succéda au docteur W. Winder comme bibliothécaire en chef de l’Assemblée, et Antoine Gérin-Lajoie fut affecté au poste d’adjoint. Todd revenait tout juste d’un voyage de huit mois en Europe, où il avait été envoyé par la législature pour acquérir des livres pour la bibliothèque, celle-ci ayant subi de lourdes pertes lors de deux incendies désastreux. Celui des édifices du parlement à Montréal pendant les émeutes de 1849 n’avait épargné que 200 des 14 000 volumes de la bibliothèque. Puis, au début de 1854, alors que le parlement siégeait temporairement à Québec, ses édifices furent sérieusement endommagés par les flammes ; cependant près de 9 000 des 17 000 volumes de la bibliothèque furent sauvés et transportés au séminaire de Québec. Todd devait donc combler les pertes et augmenter la collection. Au cours de son voyage, il obtint du parlement et du gouvernement britanniques plusieurs centaines de livres en cadeau et en acheta des milliers d’autres. En France, il en acquit quelques centaines. Il revint à Québec avec plus de 17 000 volumes, tout en s’étant limité à son assez maigre budget. Todd avait de cette façon formé le noyau d’une collection de qualité, la portant judicieusement jusqu’aux 55 000 volumes qu’elle comptait en 1865. Tard cette année-là, Todd s’occupa du déménagement dans la nouvelle bibliothèque permanente à Ottawa, utilisant des chalands pour le transport. Le 1er juillet 1867, un an après la publication de ses Quelques considérations sur la formation des gouvernements locaux du Haut et du Bas-Canada [...], petit ouvrage qui influa considérablement sur les constitutions du Québec et de l’Ontario incorporées à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, Todd fut nommé bibliothécaire de la bibliothèque du parlement fédéral, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort.

L’ouvrage le plus important de Todd fut certainement On parliamentary government in England [...], publié en deux volumes dans les années 1867–1869. Ce volumineux ouvrage fut bien accueilli et fit de Todd une autorité reconnue à travers tout l’Empire. L’Edinburgh Review (Londres et Édimbourg) déclara qu’il était « remarquable que nous devions à un résidant d’une colonie éloignée [...] l’un des livres les plus utiles et les plus complets qui aient jamais paru concernant le fonctionnement de la constitution britannique ». La Westminster Review (Londres) l’appela « le traité le plus complet » sur la prérogative royale et le privilège parlementaire. Dans sa préface, Todd indique qu’il redoutait « l’élément démocratique » croissant au Canada, soulignant que des « modifications importantes » de la procédure britannique seraient nécessaires afin d’habiliter les gouvernements coloniaux « à résister aux empiétements de cette vague de ferveur démocratique partout en train de monter et qui menace d’écraser « les pouvoirs existants ». Son traité mettait donc en relief l’histoire du pouvoir exécutif dans le système britannique et « cherchait à faire valoir la place qui revenait à l’élément monarchique ». Le second volume était dédié à sir John Alexander Macdonald* et à Thomas D’Arcy McGee*, dont le « décès regretté et prématuré » avait fait perdre à l’auteur un ami dévoué. L’ouvrage fut traduit en français, en allemand, en espagnol et en italien, et on s’en servit beaucoup lors du développement des institutions parlementaires au Japon à la fin du xixe siècle. En 1887–1889, le fils de Todd, Arthur Hamlyn, publiera une nouvelle édition augmentée, et, en 1892, Spencer Walpole fera paraître une édition abrégée.

En 1873, Todd joua un rôle important à titre de conseiller spécial du gouverneur général lord Dufferin [Blackwood*] dans l’imbroglio constitutionnel relié au scandale du Pacifique et à la chute du premier gouvernement de John Alexander Macdonald. Son deuxième ouvrage important, Parliamentary government in the British colonies (1880), était dédié à lord Dufferin. Todd y élargit le cadre de son étude du gouvernement responsable, passant de la Grande-Bretagne à l’Amérique du Nord britannique et, de façon moins détaillée, à l’Australasie et à l’Afrique du Sud, et il souligne le rôle constitutionnel persistant de la couronne et de son représentant, le gouverneur général. Dans sa longue analyse du fédéralisme canadien, il décrit les provinces comme nettement subordonnées mais reconnaît clairement l’importance de leur autonomie. Il critique sévèrement la façon dont Macdonald, avant et après son retour au pouvoir en 1878, avait traité la question de la destitution de Luc Letellier de Saint-Just, lieutenant-gouverneur du Québec. Macdonald s’était appuyé, selon lui, sur des propositions parlementaires « irréfléchies et hâtives [...] de nature à ébranler l’autorité royale », pour conseiller au gouverneur général de congédier Letellier, tandis que cette grave décision aurait dû être prise par le gouverneur général en conseil et être accompagnée d’une explication des raisons motivant le renvoi. En 1889, William McDougall*, avocat et homme politique expérimenté, qualifia Parliamentary government de « seul livre du genre accessible jusqu’à présent aux étudiants en politique » ; il décrivit son auteur comme un homme travailleur, « affable, sans prétentions, patient à l’égard de ceux qui l’abordaient. Francophone ou anglophone, grit ou tory, gouvernement ou opposition étaient semblables à ses yeux quand il s’agissait de chercher une information. » En 1894, le fils de Todd publiera une seconde édition augmentée de cet ouvrage.

Le marquis de Lorne [Campbell*] écrivit en 1887 qu’il n’oublierait jamais la « circonspection inquiète, patriotique et consciencieuse [avec laquelle Todd] discutait des problèmes constitutionnels » avec lui, lorsqu’il occupait le poste de gouverneur général du Canada, ajoutant que Todd était un homme d’un « désintéressement absolu, professant des convictions claires et impartiales et, malgré tout, profondes ». En 1881, Lorne l’avait personnellement recommandé, et avec succès, au titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. L’historien William Kingsford* prétend que ce fut la rancune de Macdonald face à l’opinion « irréfutable » de Todd dans l’affaire Letellier qui empêcha Todd de recevoir un titre de chevalier ou quelque autre distinction honorifique canadienne. Todd reçut toutefois, la même année, un doctorat en droit du Queen’s College à Kingston et fut également membre fondateur de la Société royale du Canada en 1882. De plus, il s’intéressa vivement aux études théologiques. Il était ministre de l’Église catholique apostolique, à laquelle il était profondément dévoué. Il eut, à un certain moment, la charge de deux groupes de fidèles, l’un situé à Ottawa et l’autre aux États-Unis.

La seule autorité en matière de fonctionnement du parlement britannique à concurrencer Todd de son vivant fut l’écrivain britannique sir Thomas Erskine May. L’importance pour le Canada de l’ouvrage de Todd sur les colonies britanniques fut cependant bientôt éclipsée par les écrits constitutionnels de sir John George Bourinot*. Néanmoins, lorsque sir John Forrest, ministre important dans le gouvernement de l’Australie, rencontra Arthur Hamlyn Todd à Ottawa en 1902, il fit à son hôte, le gouverneur général lord Minto [Elliot*], l’observation suivante : « partout où flotte le drapeau britannique, tout gouverneur, tout premier ministre et tout ministre doit une profonde reconnaissance à [Alpheus] Todd ».

Bruce W. Hodgins

Alpheus Todd est l’auteur de The practice and privileges of the two houses of parliament : with an appendix of forms (Toronto, 1840) ; Brief suggestions in regard to the formation of local governments for Upper and Lower Canada, in connection with a federal union of the British North American provinces (Ottawa, 1866), traduit sous le titre de Quelques considérations sur la formation des gouvernements locaux du Haut et du Bas-Canada, dans l’union fédérale des provinces de l’Amérique britannique du Nord (Ottawa, 1866) ; On parliamentary government in England : its origin, development, and practical operation (2 vol., Londres, 1867–1869) (une nouvelle édition publiée à Londres en 1892, Parliamentary government [...], a été traduite sous le titre de le Gouvernement parlementaire en Angleterre [...] (Paris, 1900) ; On the position of a constitutional governor under responsible government (Ottawa, 1878) ; Parliamentary government in the British colonies (Londres, 1880) (son fils, Arthur Hamlyn, en publia une seconde édition en 1894) ; et d’un article « Is Canadian loyalty a sentiment or a principle ? », Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 7 (juill.–déc. 1881) : 523–530.

APC, MG 24, B30 ; I140.— Univ. of Saskatchewan Library (Saskatoon), Special Coll., A. S. Morton coll., A. H. Todd, « Alpheus Todd, 1821–1884 » (copie dactylographiée, 1923).— Edinburgh Rev. (Londres et Édimbourg), 125 (janv.–avril 1867) : 578–596.— Westminster Rev. (Londres), nouv. sér., 31 (janv.–avril 1867) : 527.— DNB.— Dominion annual register, 1884 : 247s.— William Kingsford, The early bibliography of the province of Ontario [...] (Toronto et Montréal, 1892).— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 373–375.— E. R. Cameron, « Alpheus Todd », Canadian Bar Rev. (Toronto), 3 (1925) : 440–447.— N.-E. Dionne, « Histoire de la bibliothèque du parlement à Québec, 1792–1892 », SRC Mémoires, 2sér., 8 (1902), sect. : 3–15.

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Bruce W. Hodgins, « TODD, ALPHEUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/todd_alpheus_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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