Suzor-Coté, Marc-Aurèle de Foy (baptisé Hypolite-Wilfrid-Marcaurèle Côté, il utilisa les prénoms et nom Marc-Aurèle Côté jusque vers 1893), décorateur, peintre, sculpteur et illustrateur, né le 6 avril 1869 à Arthabaskaville (Victoriaville, Québec), fils de Théophile Côté, notaire, et de Cécile Suzor ; le 28 novembre 1933, il épousa à Daytona Beach, Floride, Mathilde Savard, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 29 janvier 1937 au même endroit et inhumé le 14 juin suivant à Arthabaska (Victoriaville, Québec).

Marc-Aurèle Côté grandit dans le village d’Arthabaskaville, dans la région des Bois-Francs, milieu récemment colonisé mais déjà en pleine effervescence : chef-lieu de la circonscription de Drummond et Arthabaska, centre judiciaire et hospitalier, siège du premier collège commercial des Frères du Sacré-Cœur. Le village vit à l’heure de son jeune résidant et député libéral, l’avocat Wilfrid Laurier*, élu à l’Assemblée législative en 1871 et qui aura entre autres Philippe-Hypolite Côté, frère de Marc-Aurèle, comme associé. Après ses études au collège commercial du Sacré-Cœur (de 1875 à 1886 environ), où il s’illustre dans le chant et les arts plastiques, le jeune Marc-Aurèle devient l’assistant du peintre-décorateur Joseph-Thomas Rousseau qui reçoit les commandes pour les décors de l’église paroissiale, Saint-Christophe (1887–1888), et de la chapelle du collège (1888, détruite). Attiré par la peinture, Côté suit son maître sur les chantiers des églises de Saint-Jacques-le-Mineur (1890, détruite) et de la paroisse Sainte-Anne à Sorel (Sorel-Tracy) (1890–1891).

Cette première formation de Côté confirme son intérêt et son talent. Une de ses toiles, Anticipation, est même exposée dans les vitrines de l’édifice du Montreal Daily Star en août 1890. Sous les conseils de son ami, le peintre Joseph Saint-Charles, il s’embarque avec ce dernier pour Paris au printemps de 1891. Il s’inscrit à l’académie Colarossi et, en juillet 1892, est admis à l’École nationale des beaux-arts, dans l’atelier de Léon Bonnat. Son intérêt pour le paysage l’amène à poursuivre sa formation dans l’atelier d’Henri Harpignies et à fréquenter régulièrement la région de Cernay-la-Ville, au sud-ouest de Paris. Dès 1892, il envoie des tableaux au Salon du printemps de l’Association des arts de Montréal et, en 1894, il expose ses premières œuvres à Paris, au Salon de la Société des artistes français.

Vers 1893, l’artiste ajoute les noms de sa mère et de sa grand-mère maternelle (de Foy) à son patronyme. Il signera ses œuvres : Suzor-Coté (sans l’accent circonflexe). Ambitieux et prolifique, il profite de ses contacts avec les éditeurs du journal de son village natal, l’Union des Cantons de l’Est, pour signaler au public tous ses mouvements et succès. L’information, diffusée également en France par la publication parisienne Paris-Canada, propriété d’Hector Fabre*, et reprise par la presse montréalaise, lui assure un rayonnement et un premier auditoire.

De retour au Canada en juin 1894, Suzor-Coté construit un atelier à Arthabaskaville et loue un espace à Montréal : il peut ainsi travailler dans les deux milieux et développer un marché de collectionneurs. Le cercle des libéraux, Laurier en tête, lui est fidèle et, fort de ce patronage, le jeune artiste reçoit commandes (Louis Lavergne et Gabrielle Lavergne, fille d’Émilie [Barthe*], par exemple) et critiques flatteuses (de Louis Fréchette* et de Joséphine Dandurand [Marchand*], entre autres).

En 1897, Suzor-Coté retourne à Paris, où il demeurera cette fois jusqu’en 1907, séjour interrompu par deux visites au Québec. Il s’inscrit aux académies libres Julian et Colarossi, tout en voyageant afin de chercher de nouveaux sujets. Il se rend dans la région d’Auvers, en Normandie, puis en Bretagne, en particulier dans le village de Port-Blanc, de même qu’au Pays basque. C’est au cours de ce deuxième séjour qu’il acquiert le style, par lequel il se fera connaître, qui combine une fine observation des variations de la lumière, un dessin réaliste, une préférence pour les couleurs vives et saturées, et l’emploi d’une généreuse matière picturale. Ses tableaux se présentent avec certaines des caractéristiques formelles du postimpressionnisme, appliquées cependant à des sujets ruraux : paysages et scènes de genre. Pastourelle – Vallangoujard (Seine-et-Oise) (1899), le Retour des champs (1903), Port-Blanc en Bretagne (1906) et la Vallée de Senlisse (1906) témoignent à leur manière de l’intégration des sujets de l’école de Barbizon et des leçons académiques (Bonnat, Benjamin-Constant) à un art qui se développe dans la foulée de l’impressionnisme et qui devient la norme en France au tournant du xxe siècle.

Le peintre est admis à la prestigieuse galerie William Scott and Sons de Montréal, qui présentera régulièrement ses œuvres entre 1901 et 1912. La galerie de William Robinson Watson (Watson Art Galleries), notamment, prendra la relève. En 1905, il entreprend une imposante composition à sujet historique, Jacques Cartier rencontre les Indiens à Stadaconé, 1535, qu’il espère vendre au gouvernement provincial afin d’orner l’Hôtel du Parlement à Québec. Devant son refus, il tente en vain, par l’entremise de sir Wilfrid Laurier, devenu premier ministre du Canada, de la faire acheter pour Ottawa. La province de Québec n’en fera l’acquisition qu’en 1923.

De 1907 à 1927, Suzor-Coté partage surtout son temps entre Arthabaska, où il trouve ses sujets, et Montréal, où habitent ses clients. Sa carrière se consolide vers 1910, quand le marché canadien s’ouvre à lui. Il est admis au prestigieux Canadian Art Club (1913) et devient membre de l’Académie royale des arts du Canada (1916). Il expose régulièrement à Toronto et dans plusieurs autres villes canadiennes.

À deux reprises, en 1914 et en 1925, soit pour les Fumées, port de Montréal et les Ombres qui passent, rivière Nicolet, Suzor-Coté remporte le prix Jessie Dow, remis au meilleur tableau exposé à l’Association des arts de Montréal. Ses paysages de neige et de rivière au dégel font sa réputation (Habitations sur la colline, Paysage d’hiver, 1909), de même que ses portraits saisissants de vieux paysans, dont Esdras Cyr et Jean-Baptiste Cholette, traités à plusieurs reprises. Suzor-Coté se fait le chantre des méandres de la rivière Nicolet, qui lui inspirent des compositions baignées de vive lumière, ainsi que des habitants d’Arthabaska, témoins d’une première génération de pionniers locaux alors en voie de disparition. Le peintre se sert de ses propres photographies et d’études sur le motif pour rendre les sujets hivernaux, tandis que les dessins au fusain sont des étapes importantes dans la production des pastels et des huiles qu’il réalise de ses vieux modèles. À partir de 1915, il élargit son répertoire et expose régulièrement des nus, posant modestement dans l’atelier ou intégrés dans des paysages.

Au cours de ses études en France, Suzor-Coté a appris la sculpture, mais il utilisait alors celle-ci comme un moyen de créer des mises en scène réduites des sujets qu’il souhaitait peindre (la Mort de Montcalm, 1902, par exemple). Dès son retour au Canada, il développe cet aspect de son talent et produit une cinquantaine d’œuvres aux formes à la fois expressives et stylisées, dont certaines demeurent des jalons dans l’histoire de la sculpture au Canada. Le Vieux Pionnier canadien (1912) et la Compagne du vieux pionnier (1918), ainsi que Femmes de Caughnawaga (1924), sont notamment fondus en plusieurs exemplaires et se trouvent dans les collections de plusieurs musées. Il exécute également Louis Jolliet (1928), une des figures historiques qui ornent la façade de l’Hôtel du Parlement.

Inspiré par son premier métier de décorateur, Suzor-Coté a plusieurs réalisations à son actif dans ce domaine, dont la salle à déjeuner (1908–1909) du manoir Oak Ridge du riche homme d’affaires Thomas Fortune Ryan, en Virginie, deux tableaux (1909, détruits) pour le navire Québec de la Compagnie de navigation du Richelieu et d’Ontario, et un tableau pour l’église de la paroisse Saint-Raphaël-Archange, sur l’île Bizard (1920). Ses compositions (la Source, 1915, et Symphonie pathétique, 1925) intègrent souvent des éléments de nature allégorique à ses paysages, ce qui leur confère une dimension symboliste.

La réputation canadienne de Suzor-Coté est telle que Louvigny de Montigny* – traducteur au Sénat, journaliste et auteur –, qui souhaite faire connaître le roman de Louis Hémon*, Maria Chapdelaine […], paru en feuilleton à Paris, charge l’artiste en 1916 de l’exécution de 25 dessins afin d’en illustrer la première édition. Malheureusement, le résultat est décevant en raison de la technique d’impression employée. De plus, dans l’espoir d’obtenir sa rétribution, l’artiste doit poursuivre l’éditeur en justice. Suzor-Coté ne fera plus d’illustration, mais plusieurs de ses tableaux seront reproduits dans différents ouvrages.

À partir de 1919, Suzor-Coté loue un atelier dans la conciergerie qu’a fait construire le sculpteur Alfred Laliberté*, rue Sainte-Famille, à Montréal, et où habitent de nombreux artistes, dont Joseph-Charles Franchère, Joseph Saint-Charles et Frederick Simpson Coburn*. C’est là que lui rend visite Rodolphe Duguay*, qui l’assiste en réalisant des répliques de ses œuvres que signe le maître (la Bénédiction des érables, le Sacré-Cœur de Jésus apparaissant à Marguerite-Marie Alacoque, 1920, par exemple). Victime d’hémiplégie en 1927, Suzor-Coté s’installe à Daytona Beach en janvier 1929. Bien qu’il ne se soit jamais rétabli de son attaque, il y connaît une existence heureuse, voyageant régulièrement à Cuba et reprenant ses travaux à une échelle réduite. Il épouse son aide-infirmière, Mathilde Savard, qui l’accompagne dans ce séjour.

En 1929, l’école des beaux-arts de Montréal consacre à Suzor-Coté une importante rétrospective de plus de 150 œuvres que l’artiste aide à organiser de la Floride. La sélection puise largement dans les nombreuses acquisitions faites par le gouvernement depuis 1920 en vue de la collection du futur musée de la province. Ce dernier n’ouvrira ses portes qu’en 1933 ; Paul Rainville, un jeune compatriote d’Arthabaska, en sera le conservateur adjoint. À son décès, Suzor-Coté lègue un atelier rempli d’œuvres que sa femme et son frère Édouard écouleront au cours des années, authentifiant les tableaux et les dessins laissés sans signature.

Les contemporains de Suzor-Coté en ont transmis le souvenir d’un personnage extraverti, mondain, orgueilleux, vantard et frondeur. Il a réalisé quelques autoportraits, où il se représente, comme sur les photographies, fier et dominant. Lui-même se définissait comme travailleur et entreprenant, soucieux de sa personne, respectueux des codes sociaux, tout en affirmant son talent de conteur et de chanteur, d’animateur de rencontres sociales. Son succès a certes reposé sur son talent, mais également sur sa capacité de se mettre en valeur et il a sans aucun doute été son meilleur agent.

La carrière de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté est exemplaire en ce qu’elle commence en France pour se terminer aux États-Unis, après 20 ans d’activités dans son pays. Elle condense ainsi les deux pôles culturels dominants au Canada français. Suzor-Coté est cependant demeuré fidèle à son village natal et à des valeurs qui pourraient être qualifiées de contradictoires, à un moment où le milieu rural bat à l’unisson de l’idéologie du libéralisme. De la même façon, l’artiste traduit des sujets traditionnels dans une facture contemporaine, et insère dans la culture visuelle du Canada un aspect de sa topographie, de ses habitants et de son histoire, traités avec l’éclat et la luminosité de l’école française moderne.

Laurier Lacroix

Les archives de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté ont disparu, à l’exception d’une petite collection d’objets, d’œuvres et de photographies, léguée par son frère Édouard et conservée au Musée de la civilisation (Québec), dans la Coll. du séminaire de Québec. On trouve des lettres dans les fonds de ses correspondants : Arch. du séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, Québec, FN-0575 ; BAC, R10811-0-X ; BAnQ-CAM, MSS362 ; Centre de recherche en civilisation canadienne-française (Ottawa), P12 ; Musée national des beaux-arts du Québec (Québec), Dossier Rainville, Paul, 1887–1952 ; Dossier Simard, Charles-Joseph, 1877–1931.

La collection la plus complète des œuvres de Suzor-Coté (tableaux, pastels, dessins, sculptures) se trouve au Musée national des beaux-arts du Québec. Le Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), le Musée Laurier (Victoriaville, Québec), le Musée de la civilisation, l’archevêché de Rimouski et le Musée des beaux-arts de Montréal possèdent également plusieurs de ses réalisations. En outre, le Musée des beaux-arts de l’Ontario (Toronto), le Musée d’art de Joliette, Québec, la collection de la Power Corporation du Canada et l’Art Gallery of Alberta (Edmonton) conservent des œuvres majeures de l’artiste.

Les journaux l’Union des Cantons de l’Est (Arthabaskaville [Victoriaville]), Paris-Canada (Paris) et Daytona Beach Morning Journal (Daytona Beach, Fla) constituent les principaux outils pour reconstituer l’itinéraire de l’artiste.

Arch. nationales (Paris), AJ/52.— BAnQ-MCQ, CE402-S2, 7 avril 1869.— Fla, Dept. of Health, Bureau of vital statistics (Jacksonville), Certificate of marriage, 28 nov. 1933 ; Medical certificate of death, 4 févr. 1937.— Jean Chauvin, Ateliers : études sur vingt-deux peintres et sculpteurs canadiens (Montréal, 1928).— Chefs-d’œuvre de la Galerie nationale du Canada (12 vol., Ottawa, 1971–1978), 12 (Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté : paysage d’hiver, 1978).— Rodolphe Duguay, Journal, 1907–1927, J.-G. Dagenais et al., édit. (Montréal, 2002).— Émile Falardeau, Artistes et Artisans du Canada (6 sér., Montréal, 1940–1969), 6.— Hugues de Jouvancourt, Suzor-Coté (Montréal, 1967 ; éd. rév., [Montréal], 1978).— Laurier Lacroix, Retour à Arthabaska : Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, Francine Bergeron, trad. (Arthabaska [Victoriaville], [1987 ?]) ; « Rodolphe Duguay et Suzor-Coté », Liberté (Montréal), 39 (1997), no 3 : 103–119 ; Suzor-Coté : lumière et matière (catalogue d’exposition, Musée du Québec et Musée des beaux-arts du Canada, [Montréal], 2002).— Alfred Laliberté, les Artistes de mon temps, Odette Legendre, édit. (Montréal, 1986).— Pierre L’Allier, Suzor-Coté : l’œuvre sculpté (catalogue d’exposition, Musée du Québec, [Québec], 1991).— [Renaud La Vergne], Histoire de la famille Lavergne, B. C. Payette, compil. (Montréal, [1970]).— Suzor-Coté, réalisation, scénario et images de Serge Giguère (film, [Montréal], 2001).

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Laurier Lacroix, « SUZOR-COTÉ, MARC-AURÈLE DE FOY (baptisé Hypolite-Wilfrid-Marcaurèle Côté) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/suzor_cote_marc_aurele_de_foy_16F.html.

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Auteur de l'article:    Laurier Lacroix
Titre de l'article:    SUZOR-COTÉ, MARC-AURÈLE DE FOY (baptisé Hypolite-Wilfrid-Marcaurèle Côté)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
Année de la révision:    2018
Date de consultation:    28 novembre 2024