SCHOULTZ, NILS VON (baptisé Nils Gustaf Ulric), patriote, né le 6 ou le 7 octobre 1807 à Kuopio (Finlande), deuxième enfant survivant de Nils Fredrik von Schoultz et de Johanna Henrica Gripenberg ; le 20 mars 1834, il épousa à Florence (Italie) Ann Cordelia Campbell, et ils eurent deux filles ; pendu le 8 décembre 1838 au fort Henry, près de Kingston, Haut-Canada.
Jamais gredin aussi séduisant et aussi respecté que Nils von Schoultz ne mit les pieds au Canada ou n’y fit aussi grande impression en si peu de temps. Fils d’un fonctionnaire de niveau intermédiaire, il fut emmené en Suède avec le reste de sa famille quand les Russes envahirent la province de Finlande en 1808. Après la mort de son mari en 1816, Mme von Schoultz ramena tous ses enfants, sauf un, en Finlande, où son frère tenait une école. Schoultz y fit ses études puis, de retour en Suède avec sa famille en 1821, fréquenta l’académie militaire de Karlberg. La même année, il entra dans le Kunge Svea Artillerie-Regiment et, en 1825, il était sous-officier breveté de deuxième classe. Il abandonna sa commission en novembre 1830, peut-être bien par obligation (il avait des dettes de jeu), et travailla quelque temps pour l’armée en qualité de civil.
En 1831, Schoultz entama l’existence semi-nomade qui allait désormais être la sienne. Il alla d’abord combattre l’envahisseur russe aux côtés des patriotes polonais. Fait prisonnier, il s’évada et trouva refuge en France, où il s’engagea dans la Légion étrangère, puis servit en Afrique du Nord. Toutefois, comme le genre de guerre qui se livrait là-bas lui répugnait, il réussit à quitter la légion en 1832. L’année suivante, il alla visiter certains membres de sa famille à Florence, où il fit la connaissance d’Ann Cordelia Campbell, une jeune touriste écossaise qu’il épousa. En 1834, il s’installa en Suède avec sa femme, sa belle-mère et sa belle-sœur. Avec l’argent que sa belle-mère avait pu tirer d’une partie de ses biens, il acquitta certaines de ses dettes et acheta un moulin. Cependant, il n’avait pas de revenu fixe et eut bientôt deux petites filles à sa charge, outre sa femme, ses beaux-parents et ses domestiques. C’est pourquoi il monta un laboratoire et se mit à faire des expériences dans l’espoir de trouver des procédés de fabrication potentiellement lucratifs.
En juin 1836, Schoultz se rendit en Angleterre, à la fois dans le but de trouver un acheteur pour une teinture rouge de son invention et d’obtenir une plus grande part des biens de sa belle-mère. La teinture se révéla instable ; plus énergique et enthousiaste que patient, Schoultz, semble-t-il, se découragea. Comme un compatriote suédois lui offrait une place à destination des États-Unis, il accepta dans l’espoir d’y faire fortune. En quittant l’Angleterre, il ne prévint ni sa femme ni les parents de celle-ci à Londres, qui l’avaient accueilli.
C’est sous l’identité de Nils Scholtewskii von Schoultz, Polonais de 39 ans, que Schoultz se présenta aux États-Unis. Dès son arrivée à New York en août 1836, son instinct d’entrepreneur le mena aux salines de Salina (Syracuse) et Syracuse, dans le nord de l’état de New York, où le traitement de la saumure devait générer des profits considérables. Schoultz ne tarda pas à concevoir un nouveau procédé d’extraction du sel, le fit tester et se rendit dans les régions du pays où l’on produisait du sel afin d’intéresser des manufacturiers à son invention avant de demander un brevet. Distingué et charmant, il se fit des amis partout où il alla et trouva même des bailleurs de fonds. Il fit l’acquisition d’une propriété en Virginie, demanda la citoyenneté américaine et s’installa provisoirement à Salina avec un nouvel ami, Warren Green, en attendant la délivrance de son brevet. Certains témoignages contemporains laissent entendre qu’il courtisait une dame de l’endroit, peut-être Emeline Field, la nièce de Green. Dans une lettre datée de juin 1837, il promit à sa femme de lui envoyer sous peu une forte somme ; ce fut sa seule correspondance avec l’Europe. Selon toute apparence, il tentait de refaire sa vie, mais sa mort prématurée empêche de déterminer quelles étaient ses intentions profondes.
En 1838, la cause du peuple canadien toucha la fibre romantico-héroïque de Schoultz, comme l’avaient fait naguère la cause des Polonais et la perspective de vivre dans la Légion étrangère. Quelqu’un le fit entrer chez les frères-chasseurs, société secrète formée dans les États du Nord après la rébellion de 1837 pour libérer le Haut et le Bas-Canada de la domination britannique. Après avoir fait du recrutement à New York à l’automne de 1838, Schoultz accepta de prendre part à une attaque contre le village haut-canadien de Prescott. Le 11 novembre 1838, le vapeur United States quitta Sackets Harbor, dans l’état de New York, puis descendit le Saint-Laurent vers le but de l’expédition en touant deux schooners chargés d’hommes. L’un des schooners, qui transportait de 150 à 200 hommes, dont Schoultz, accosta un peu à l’est de Prescott. Cependant, divers contretemps et le tir d’un vapeur de guerre britannique [V. William Newton Fowell*] pêchèrent les autres navires d’atteindre la rive du Haut-Canada. Schoultz était d’un grade peu élevé mais, comme les officiers supérieurs se trouvaient en sol américain, c’est lui qu’on élut commandant. En se servant comme abris d’un moulin à vent en pierre et de plusieurs maisons de même construction, il organisa une défense qui tint cinq jours contre une forte troupe de miliciens et de soldats réguliers, commandée tour à tour par les colonels Plomer Young* et Henry Dundas et appuyée par les trois vapeurs armés du capitaine Williams Sandom*. Des nouvelles, venues du côté américain, laissèrent croire à l’arrivée de renforts, puis de secours, mais rien ne vint. Le 16, les envahisseurs, qui en étaient alors réduits à tirer des boulons, des charnières de porte et des clous, succombèrent à une attaque massive.
On emmena Schoultz et les autres survivants au fort Henry, où ils comparurent devant un conseil de guerre à compter du 26 novembre. Sur l’avis de certains officiers britanniques que sa prestance et ses antécédents militaires impressionnaient, il recourut aux services d’un jeune avocat kingstonien, John Alexander Macdonald*. Cependant, son naturel chevaleresque joua contre lui. Malgré l’avis de Macdonald, il souligna que, même s’il avait participé à la tentative d’invasion parce qu’il n’avait rien compris aux désirs des Haut-Canadiens, il était tout de même coupable d’avoir attaqué et devait payer pour ses crimes. Le tribunal le condamna donc à la pendaison mais, comme il le prenait pour un officier polonais, il résolut de l’exécuter au fort Henry plutôt qu’à la prison du district, avec les neuf autres condamnés. On exécuta la sentence le 8 décembre.
Nils von Schoultz demeura jusqu’au bout un vaillant romantique. Il rédigea un testament dans lequel il répartissait l’ensemble de ses biens, dont la plupart devaient provenir de la vente du brevet de son procédé d’extraction du sel. Une partie du produit de cette vente devait assurer la subsistance des veuves des quatre soldats du camp britannique tués au cours de la bataille et financer un établissement catholique alors en chantier à Kingston, le Regiopolis College. On devait diviser le reste de son argent également entre sa femme, sa mère, Warren Green et la sœur de celui-ci. De la part de Green, 1 000 $ devaient aller à sa nièce. Rien n’indique cependant que le brevet ait jamais rapporté le moindre sou. Dans des lettres publiées après sa mort, Schoultz demandait aux Américains de ne pas chercher à le venger et reconnaissait que les Haut-Canadiens n’étaient pas mécontents de leur sort. Cet homme à la vie mouvementée était mort à 31 ans.
La seule étude qui nous permette de savoir quelque chose sur la vie de Nils Gustaf von Schoultz en Europe est une modeste mais solide biographie d’Ella Pipping, Soldier of fortune : the story of a nineteenth century adventurer, Naomi Walford, trad. (Boston, 1971), publiée d’abord en suédois sous le titre de En orons legionär : Nils Gustaf von Schoultz, 1807–1838 ([Helsinki, Finlande, 1967]). Écrite par une descendante, elle est largement basée sur des papiers de famille. Elle n’est pas aussi bonne pour les événements qui se sont passés en Amérique du Nord mais cette lacune peut être comblée par différentes autres sources. Les récits officiels des événements qui se sont déroulés près de Prescott et du procès de Schoultz se trouvent aux APC, RG 1, E3, 3 : 116–176 ; et PRO, CO 42/451 : 553–561 ; 42/452 : 115, 120–121, 321–323, 338–378. Le testament de Schoultz est reproduit dans CO 42/462 : 133–152. Des récits, souvent très divergents, de la bataille de Windmill Point se retrouvent dans plusieurs journaux de l’époque : voir par exemple la Mackenzie’s Gazette (New York), 17, 24 nov., 15, 22 déc. 1838 ; le Chronicle & Gazette, 14 nov.–29 déc. 1838 ; le Kingston Spectator, 30 nov., 7 déc. 1838, 11 janv. 1839 ; l’Upper Canada Herald, 13, 20 nov. 1838, 1er janv. 1839 ; et le Brockville Recorder, 15 nov., 13, 27 déc. 1838. Ces journaux reproduisent aussi quelques lettres de Schoultz et une fausse biographie (souvent éditée ou modifiée) du « Polonais » Schoultz, d’abord publiée dans l’Onondaga Standard (Onondaga, Ontario). La plupart des informations données plus haut apparaissent aussi dans Guillet, Lives and times of Patriots ; O. A. Kinchen, The rise and fall of the Patriot Hunters (New York, 1956) ; et S. S. Wright, Narrative and recollections of Van Diemen’s Land, during a three years’ captivity of Stephen S. Wright [...], Caleb Lyon, édit. (New York, 1844). [r. j. s.]
Ronald J. Stagg, « SCHOULTZ, NILS VON (baptisé Nils Gustaf Ulric) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/schoultz_nils_von_7F.html.
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Auteur de l'article: | Ronald J. Stagg |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |