SCARTH, WILLIAM BAIN, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 10 novembre 1837 à Aberdeen, Écosse, deuxième fils de James Lendrum Scarth et de Jane Geddes ; le 27 avril 1869, il épousa à Hamilton, Ontario, Jessie Stuart Franklin Hamilton, sœur de la femme d’Alexander Begg*, et ils eurent au moins huit enfants, dont quatre fils et trois filles ; décédé le 15 mai 1902 à Ottawa.

Après des études à Édimbourg et à Aberdeen, William Bain Scarth, descendant de la famille Binscarth, des Orcades, immigra dans le Haut-Canada en 1855. Pris d’un goût immédiat pour la politique conservatrice, il fit campagne en faveur d’Isaac Buchanan* dans Hamilton. Scarth était un jeune homme plein de promesses et il partit pour London afin de se joindre à l’entreprise de l’associé de Buchanan, Adam Hope*. En 1865, il suivit Hope à Hamilton ; en 1868, il s’installa à Toronto et continua à travailler pour lui. Dès 1870, il dirigeait la A. and C. J. Hope and Company, filiale torontoise de l’entreprise de quincaillerie de Hope, mais peut-être tentait-il en même temps de s’établir à son propre compte comme marchand commissionnaire. La filiale torontoise de Hope ferma ses portes l’année suivante ; c’était dommage, mais Scarth avait acquis une expérience précieuse. Son activité politique à London et à Hamilton en avait fait un homme respecté ; sa nouvelle amitié avec sir John Alexander Macdonald* allait avoir une influence déterminante sur son avenir.

Marié en 1869, Scarth s’était installé dans le chic quartier St James. Il fut l’un des échevins du quartier en 1879 et en 1882, président de l’association conservatrice de ce même quartier et président des conservateurs fédéraux de la circonscription de Toronto Centre. Consolider la position du Parti conservateur fédéral était sa passion dominante. Il affirmait avoir joué un rôle très important dans toutes les campagnes électorales menées à Toronto de 1875 à 1884. Pourtant, il ne parvint pas en 1883 à répéter son modeste succès électoral.

En 1871, Scarth était devenu propriétaire de navires et marchand de bois. Dès 1873, avec son frère James Lendrum Scarth, il avait établi un commerce de bois, la Scarth Brothers. L’année suivante, les frères Scarth s’associèrent à Alexander McArthur*, à ses frères John et Peter et à d’autres hommes d’affaires pour former la Collins Bay Rafting and Forwarding Company. Cette entreprise participait probablement aux vastes activités d’exploitation forestière de la McArthur Brothers à la baie Georgienne. Scarth demeura associé à la Collins Bay Rafting and Forwarding Company jusque dans les années 1880, mais la Scarth Brothers fut peut-être dissoute vers 1875. Cette année-là, Scarth forma avec son frère et Robert Cochran une agence de courtage en valeurs mobilières et en immobilier, la Scarth, Cochran and Company. Tout en participant à titre personnel à diverses activités dans les assurances, les chemins de fer, l’exploitation minière et l’immobilier, il fit sa marque en administrant des capitaux britanniques au Canada. Il joua un rôle important dans la création de la North British Canadian Investment Company et de la Scottish Ontario and Manitoba Land Company. Ces deux sociétés, fondées respectivement en 1876 et en 1879, avaient des conseils d’administration où l’on retrouvait à peu près les mêmes groupes de marchands capitalistes de Glasgow. Elles faisaient de la spéculation foncière et mettaient en valeur des propriétés. Sur l’avis de Scarth, elles investirent beaucoup à Toronto et dans le Nord-Ouest canadien : en 1880, Scarth ouvrit des agences pour elles au Manitoba. Cette province était sur le point de connaître une brève période de prospérité [V. Alexander Logan*], dont Scarth avait vraiment besoin. En 1880, il confait à Macdonald que « depuis cinq ans » sa propre situation financière avait été « constamment un sujet d’inquiétude et une cause de problèmes ». Sur le plan financier, il allait traverser plusieurs périodes difficiles dans sa vie.

Le 6 juin 1882, la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique vendit une grande partie de sa concession foncière à un consortium de capitalistes anglais et canadiens représenté notamment par Scarth et Edmund Boyd Osler*. Ces terres furent revendues à la Canada North-West Land Company, qui fut créée deux semaines plus tard et dont Scarth devint immédiatement le directeur administratif. Par l’entremise des conseils d’administration successifs de l’entreprise, Scarth s’associerait à des pairs britanniques, à quelques-uns des administrateurs des sociétés foncières écossaises ainsi qu’à des notables tels l’explorateur John Rae* (oncle de sa femme) et Donald Alexander Smith*. En 1884, un an après la conclusion d’une entente entre la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, la Canada North-West Land Company et le gouvernement fédéral en vue de la mise en valeur des emplacements municipaux de Virden, au Manitoba, et de Regina, Qu’Appelle et Moose Jaw (Saskatchewan), Scarth assuma seul la responsabilité administrative de l’entreprise en participation.

À mesure que se dissipait l’effervescence du début des années 1880, les trois compagnies foncières de Scarth se débattaient avec des investissements non réalisés. Dans une lettre envoyée de Winnipeg en 1884, Scarth expliquait à Macdonald qu’il s’était installé dans cette ville avec sa famille pour « aider [ses] amis écossais à tirer un bénéfice de la compagnie, ou plutôt la compagnie à se tirer d’affaire si possible ». Il avait du pain sur la planche. À cause de la chute des ventes, la Canada North-West Land Company dut réduire le nombre de ses administrateurs et l’ampleur de ses activités. Le pouvoir à l’intérieur de l’entreprise passa lentement aux mains des Canadiens ; après le départ d’administrateurs qui étaient ses amis, Scarth trouva le climat inhospitalier. Sa propre situation financière en souffrit au point de le désespérer parfois. Il faisait de moins en moins la fine bouche en demandant des faveurs à Macdonald. « Comme bien d’autres, écrivait-il, j’ai subi des pertes pendant le boom et, outre que je suis à sec, des obligations viennent chaque jour gruger mon revenu. »

Pourtant, les problèmes financiers de Scarth n’entamaient guère son enthousiasme en politique. En 1885, il fut élu président de l’Association libérale-conservatrice de Winnipeg, malgré les récriminations d’actionnaires libéraux de la Canada North-West Land Company. On le disait à juste titre honnête et intègre, mais ses critiques déploraient son manque de jugement. Il attendait souvent des instructions de Macdonald dans des situations où subtilité et discrétion étaient nécessaires. Malgré son zèle, il ne parvint pas à unir les partisans de Macdonald et ceux du chef des conservateurs manitobains, John Norquay*. Bien qu’il ait été reconnu comme l’un des principaux porte-parole de Macdonald, il n’arrivait pas à obtenir un appui inconditionnel aux souhaits de son chef même de la part de ceux qui se considéraient comme des hommes de Macdonald.

Avec la bénédiction de Macdonald et le consentement hésitant de la Canada North-West Land Company, Scarth se présenta comme candidat indépendant contre William Fisher Luxton aux élections provinciales de décembre 1886. Malheureusement, deux semaines avant le scrutin, il n’avait pas encore d’organisation digne de ce nom, et une bronchite le força à garder le lit durant une bonne partie de la campagne. Les partisans de Macdonald ne le soutinrent pas et les partisans de Norquay qui l’appuyèrent lui firent grand tort en dénonçant la politique de Macdonald à l’égard de la législation ferroviaire de la province – politique qui consistait à refuser de reconnaître les chartes provinciales. Faute d’être parvenu à gagner l’appui des deux ailes du parti, il perdit par 39 voix.

Longtemps avant le scrutin, Scarth avait commencé à participer très activement à l’organisation de la campagne de Donald Alexander Smith en vue des prochaines élections fédérales. Cependant, Smith se retira de la course, de sorte que les conservateurs se retrouvèrent sans candidat prestigieux dans la circonscription de Winnipeg. Par trois fois, Macdonald pressa Scarth de porter l’étendard du parti. Finalement, il accepta. On remua alors ciel et terre pour lui assurer la victoire. Macdonald convainquit Duncan MacArthur de ne pas briguer les suffrages en lui promettant un siège au Sénat et donna à Scarth les moyens de battre l’autre candidat, Hugh McKay Sutherland*, promoteur de la Compagnie du chemin de fer de Winnipeg et de la baie d’Hudson. Le 22 février 1887, Scarth l’emporta par huit voix.

L’activité de Scarth au sein de l’Anti-Disallowance Association, formée peu après le scrutin, n’était qu’une ruse : comme les gouvernements provincial et fédéral s’acheminaient vers un affrontement, il devait se donner l’air de s’opposer à la politique impopulaire d’Ottawa. Sa situation n’était pas enviable. Lorsque commença la crise qui devait être fatale au régime de Norquay, Scarth se vit contraint de participer aux négociations visant à former un gouvernement de coalition sous la direction de David Howard Harrison. Ces négociations reposaient sur la proposition suivante : le monopole de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique expirerait en 1891 et, en retour, le Manitoba cesserait de prendre des mesures hostiles à ce monopole. Scarth eut cependant la maladresse d’utiliser des lettres de Macdonald, de sorte que l’on sut que la proposition venait en fait de ce dernier. Furieux, les conservateurs opposés à la politique ferroviaire d’Ottawa expulsèrent Scarth de la direction de l’Association libérale-conservatrice de Winnipeg. En se faisant l’instrument de Macdonald sans que celui-ci reconnaisse ouvertement ses services, Scarth était devenu extrêmement vulnérable. Sa carrière politique était compromise.

En avril 1888, la Canada North-West Land Company, estimant que Scarth était un atout douteux pour elle, exerça des pressions énormes pour qu’il abandonne son siège aux Communes. Alarmé de voir qu’il faudrait alors tenir une élection partielle dans la circonscription, Macdonald demanda au président de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, sir George Stephen*, qui avait beaucoup d’influence à la Canada North-West Land Company, de laisser Scarth conserver son siège. Le bien du Nord-Ouest et du chemin de fer en dépendait, fit-il valoir. Stephen répliqua sèchement que Scarth était trop « disposé à se sacrifier lui-même et à sacrifier sa famille [...] pour une ambition qui dans son cas [était] vaine, [car] politiquement, il n’[était] et ne [pourrait] jamais être autre chose qu’une nullité ». Manifestement, Macdonald cessa de consulter Scarth sur les grandes questions politiques. Régulièrement, Scarth laissait éclater sa frustration à l’endroit de Macdonald et des « magnats » de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, qui, disait-il, l’empêchaient de se rendre utile. Macdonald supportait patiemment ses crises.

À la veille des élections de 1891, la Canada North-West Land Company essaya, à l’insu de Scarth, de négocier sa retraite politique en échange de concessions fiscales de la part du gouvernement provincial de Thomas Greenway. Cette tentative échoua, mais, humilié, Scarth envisagea de la dévoiler. Finalement, il se ravisa à cause de sa nombreuse famille et de ses difficultés financières. Sachant que la Canada North-West Land Company s’opposerait à ce qu’il participe à la campagne, il favorisa la candidature du fils de Macdonald, Hugh John*, et convainquit Macdonald de l’accepter.

En 1894, Scarth devint président de la Winnipeg Industrial Exhibition Association et du Bureau de commerce de Winnipeg, ce qui accrut ses chances de succéder à John Christian Schultz* au poste de lieutenant-gouverneur. Soutenu par l’élite du Parti conservateur, il avait cependant un rival sérieux en la personne d’Arthur Wellington Ross, qui, lui, avait l’appui des simples membres du parti. Tous deux multiplièrent les démarches, mais le choix du titulaire divisait tellement les conservateurs que le poste alla à un troisième candidat. Néanmoins, Scarth finit par obtenir une récompense : le 1er décembre 1895, il fut nommé sous-ministre de l’Agriculture à Ottawa.

La compétence que William Bain Scarth pouvait avoir en matière de politique agricole ne fut jamais mise à profit. Il dut s’occuper de mesures de quarantaine et, en 1897, on lui confia en plus le poste de sous-commissaire des brevets. Sa santé commença à se détériorer en 1898. Un an plus tard, il fut atteint de diplopie. Peu après, le gouvernement libéral de sir Wilfrid Laurier* ouvrit une enquête sur la comptabilité de la fiducie créée en 1884 pour la mise en valeur des emplacements municipaux (Scarth avait été réélu au conseil d’administration de cette fiducie en 1895). La commission d’enquête l’interrogea longuement et lui reprocha dans son rapport d’avoir aidé ses amis écossais à obtenir des remboursements en 1886. En obtenant les remboursements, Scarth avait demandé à Macdonald que le mérite d’avoir réglé la question avec le gouvernement lui soit attribué à lui plutôt qu’à sir Alexander Tilloch Galt*, le représentant des investisseurs écossais. Macdonald avait déclaré que Scarth valait « une douzaine de Galt ». Pareille affirmation ne survivrait guère au premier ministre. La mort de Macdonald en 1891 marqua la fin des beaux jours de Scarth. La maladie l’empêcha de s’acquitter de ses fonctions durant ses dernières années, mais il resta en poste jusqu’à sa mort en 1902.

Zenon Gawron

AN, MG 24, H35 ; MG 26, A, 21 ; 113 ; 186 ; 214 ; 260–265 ; 326 ; 525 ; 528–530 (mfm aux PAM) ; D, 182 ; 186–187 ; 202 ; 215 (mfm aux PAM) ; MG 27, II, D15 ; RG 17, A I, 1713–1735 ; RG 31, C1, 1891, Winnipeg, Ward 2 : 113.— AO, F 67.— Manitoba, Dept. of Consumer and Corporate Affairs, Corporations Branch (Winnipeg), Canada North-West Land Company files ; North British Canadian Investment Company files ; Scottish Ontario and Manitoba Land Company files.— PAM, GR 553 ; MG 12, E.— Hamilton Spectator, 28 avril 1869.— Manitoba Morning Free Press, 1887–1901.— Manitoba Sun (Winnipeg), 8 déc. 1886, 15 janv. 1887.— Winnipeg Tribune, mars–avril 1895.— Annuaires, Ontario, 1871 ; Toronto, 1869–1885.— J. W. Brennan, « Business-government co-operation in townsite promotion in Regina and Moose Jaw, 1882–1903 », Town and city : aspects of western Canadian urban development, A. F. J. Artibise, édit. (Regina, 1981), 95–120.— Canada, Statuts, 1874, c.108.— H. A. Fleming, Canada’s Arctic outlet : a history of the Hudson Bay Railway (Berkeley, Calif., 1957 ; réimpr., Wesport, Conn., 1978).— Douglas McCalla, The Upper Canada trade, 1834–1872 : a study of the Buchanans’ business (Toronto, 1979).— [I. M. Marjoribanks Hamilton-Gordon, comtesse d’] Aberdeen [et Temair], The Canadian journal of Lady Aberdeen, 1893–1898, introd. de J. T. Saywell, édit. (Toronto, 1960).— « Western men : no. 7 – Mr. William Bain Scarth », Western World (Winnipeg), n° 62 : 1s.

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Zenon Gawron, « SCARTH, WILLIAM BAIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/scarth_william_bain_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024