ROUER D’ARTIGNY, LOUIS, seigneur, négociant, lieutenant particulier de la Prévôté de Québec, conseiller au Conseil supérieur, né le 9 février 1667 à Québec, fils de Louis Rouer* de Villeray et de Catherine Sevestre, mort célibataire à Québec le 5 juillet 1744.

Grâce à l’influence de son père, Louis Rouer d’ Artigny avait obtenu le 27 août 1684 la seigneurie de l’île Verte, qu’il partagea avec son frère, Augustin Rouer* de Villeray et de La Cardonnière, jusqu’en 1688, date où elle lui fut dévolue en totalité ; il réussit même à la faire agrandir en 1689. Le ler, mai 1701, il vendit cette seigneurie à Pierre de Niort de La Minotière.

Le sieur d’Artigny eut quelque difficulté à se trouver un poste dans la colonie. Il ne put se faire nommer au Conseil supérieur en 1709 ni en 1711 à la mort de son frère ; mais il obtint en 1712 de remplir par intérim les fonctions de lieutenant particulier de la Prévôté de Québec, charge qu’il occupa jusqu’en 1716 alors que Jean-Baptiste Couillard* de Lespinay fut nommé en permanence. En 1717, à l’âge de 50 ans, il devenait conseiller au Conseil supérieur, poste qu’il occupa jusqu’à la fin de sa vie. « Il est droit et appliqué », disait de lui l’intendant Bégon, et bien « au fait des affaires de judicature ». C’est probablement à cause de sa compétence qu’il remplit à l’occasion les « fonctions de procureur général ».

Son passage au sein du conseil aurait été sans histoire s’il ne s’était compromis dans la querelle entre l’intendant Dupuy* et le gouverneur Charles de Beauharnois, en 1728. Pour s’être déclaré favorable au parti de l’intendant, il fut, par ordre du gouverneur, exclu du conseil et même exilé à Beaumont, près de Québec [V. Guillaume Gaillard*]. Il tenta, mais en vain, de défier cet ordre d’exclusion. Certes, le gouverneur avait outrepassé ses droits, mais le conseiller récalcitrant, même s’il fut réintégré dans ses fonctions, reçut de l’intendant, sur l’ordre du roi, une mercuriale visant à lui rappeler le respect dû au premier personnage de la colonie.

Les minutes notariales nous permettent de connaître quelque peu la fortune et les activités économiques de ce membre de l’aristocratie coloniale, qui porte le titre d’écuyer et fait partie du Conseil supérieur. Son père, décédé en 1700, lui avait laissé des propriétés dans la ville de Québec et des terres à l’extérieur des murs entre le chemin de la « Grande Allée » et le fleuve, en allant vers Sillery. Les plus nombreuses transactions du sieur d’Artigny sont des ventes de terrains qu’on lui a concédés, pour la plupart, « à titre de cens et rente ». Les terrains vendus sont rarement payés comptant : on constitue en faveur de Rouer d’Artigny des rentes rachetables. C’est ainsi qu’on lui avait constitué, en 1701, une rente de 240ª pour payer les 4 800# que valait sa seigneurie de l’île Verte. Il effectue d’autres transactions plus importantes encore, telle cette vente, réalisée le 30 avril 1727, de plusieurs terrains aux ursulines, pour la somme de 8 000# ; de ce montant, 2 250# servirent à éteindre une vieille dette qui avait été contractée par le père du sieur d’Artigny ; pour les 5 750# restantes, les religieuses créaient une rente de 287# 10s. En 1734, il vend son moulin à vent, situé sur son « terrain de la Cardonnière », « le dit moulin tournant bien en faisant de la bonne farine » ; le prix de vente atteignit la somme de 2 410#, payable en une « rente rachetable ». Une seule location de maison, à 200# par an dans la basse ville, rue Saint-Pierre, a pu être retracée.

Louis Rouer d’Artigny prête parfois de l’argent, mais pour des sommes peu considérables : 233# à son frère, 100 et 50# à deux particuliers. Il trafique rarement sur les rentes en dehors des ventes de terrains : en 1713, il vend au marchand Jean Fournel une rente de 240# au principal de 4 800# et, en 1733, il en achète une de 37# 10s., au principal de 750#.

Mais là ne se bornent pas ses activités. En 1707, le seigneur de l’île Verte, le sieur de La Minotière, reconnaît devoir au sieur d’Artigny 1 520ª « pour marchandises [...] fournies pour son équipement aux fins de faire la traite des pelleteries et la pêche ». Louis Rouer d’Artigny fait des livraisons encore plus loin, puisqu’il commerce avec Plaisance (Placentia, T.-N.) où il a un facteur. Il vend aussi des bestiaux : le 7 août 1703, le boucher Michel Cadet lui achète 80 moutons, à 15# pièce. La pêche l’intéresse également : moyennant 300# par an, il loue, pour neuf ans, de François Gauvin la « pesche a marsouin haran et saumon scise a la pointe et sortie de lad. Rivière [la rivière Ouelle] ». Enfin, dernière chose à noter, il signe, en 1699, une convention avec Nicolas Pinaud*, bourgeois de Québec, pour partager avec lui les « agres ustencilles et autres effets qui se trouvèrent rester sur l’Aymable, naufragé à Cacouna ».

Dans l’état présent des recherches, il est impossible de donner le montant global précis de la fortune de ce conseiller, mais celle-ci est relativement importante. Ses activités commerciales sont bien disparates, mais elles ne comportent pas de commerce au détail, et, à cause de cela, l’intendant Jacques Raudot* déclare au roi en 1709 que le sieur d’Artigny ne fait « aucun commerce ». Voilà qui nous éclaire beaucoup sur les activités économiques de cette « noblesse » canadienne, dont le genre de vie est si différent de celui de la noblesse de la métropole.

Jean-Claude Dubé

AN, Col., D2C, 222/2, p. 232 (copies aux APC).— ANQ, Greffe de Louis Chambalon, 17 avril 1701, 24 oct. 1702, 23 avril, 7 août 1703, 29 oct. 1704 ; Greffe de J.-É. Dubreuil, 1er févr.1734 ; Greffe de François Genaple de Bellefonds, 31 oct. 1708 ; Greffe de Florent de La Cetière, 27 oct. 1707, 17 janv. 1709, 2 janv. 1712, 2 sept. 1713 ; Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 28 avril 1733 ; Greffe de François Rageot, 30 avril 1727 ; Greffe de Guillaume Roger, 20 sept. 1699.— P.-G. Roy, Inv. jug. et délib., 1717–1760, VII : 20.— Frégault, Le XVIIIe siècle canadien, 187.— P.-G. Roy, Diverses familles (3 vol., Lévis, 1920), I : 46ss.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Jean-Claude Dubé, « ROUER D'ARTIGNY, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rouer_d_artigny_louis_3F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/rouer_d_artigny_louis_3F.html
Auteur de l'article:    Jean-Claude Dubé
Titre de l'article:    ROUER D'ARTIGNY, LOUIS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    28 novembre 2024