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ROSS, JAMES, professeur, fonctionnaire, journaliste et avocat, né le 9 mai 1835 à Colony Gardens, domaine familial dans la colonie de la Rivière-Rouge, fils d’Alexander Ross*, ancien chef de poste de la Hudson’s Bay Company, et de Sarah, qui était peut-être la fille d’un chef indien okanagan, décédé le 20 septembre 1871, probablement à Colony Gardens.
James Ross fit ses études à la Rivière-Rouge et à Toronto. Le révérend David Anderson*, évêque de Rupert’s Land, écrivit plus tard que Ross avait été « un excellent élève du College of St John’s de la Rivière-Rouge [...] et qu’il poursuivit ensuite, avec honneur, des études à l’University of Toronto » où il put entrer grâce à une bourse obtenue en 1853. Il obtint des prix chaque année et, lorsqu’il reçut son diplôme en 1857, on lui décerna deux médailles d’or et une médaille d’argent. Pendant un certain temps, après avoir fini ses études, Ross envisagea sérieusement de devenir ministre de l’Église presbytérienne mais l’offre qu’on lui fit d’enseigner à Upper Canada College le fit changer d’idée. Toutefois, après la mort de son frère aîné, William, en 1856, et celle de son père au cours de la même année, les affaires de la famille se trouvèrent fort embrouillées. Ross et John Black, les deux exécuteurs testamentaires, ne purent s’entendre sur le règlement de la succession, et Ross dut retourner à la Rivière-Rouge. Avant de quitter Toronto, Ross épousa Margaret Smith le 18 mai 1858 ; cinq enfants devaient naître de cette union. À son arrivée à la Rivière-Rouge, Ross se trouva aux prises avec de nombreux problèmes familiaux. Il fit certes de son mieux pour les résoudre, mais ils devaient le harceler et envenimer ses rapports avec la famille jusqu’à sa mort. Peu après son retour, Ross fut nommé maître de poste de l’Assiniboia avec un traitement annuel de £10.
En 1860, Ross s’associa avec son beau-frère, William Coldwell, et avec William Buckingham, deux anciens journalistes de Toronto, et devint copropriétaire et rédacteur du journal le Nor’Wester, le premier à être publié dans la colonie de la Rivière-Rouge. En octobre 1860, Buckingham se retira de l’affaire ; du coup Ross s’intéressa et se consacra davantage au Nor’Wester. En 1861, le journal publia, en 16 fascicules, une « History of the Red River Settlement » ; cet écrit de Ross est d’un très grand intérêt, car on y trouve sur la colonie des détails et des renseignements qu’il est difficile de se procurer ailleurs. Peu après que Ross eut commencé de travailler au Nor’Wester, le journal publia un article de fond critiquant la Hudson’s Bay Company et le système de gouvernement de la Rivière-Rouge. À la suite de cet article, on identifia Ross et le journal au « parti canadien ». Le fait n’empêcha toutefois pas le Conseil d’Assiniboia de nommer Ross shérif et gouverneur de la prison, au printemps de 1862. Mais Ross continua de s’opposer aux autorités locales.
Au cours de l’été de 1862, les Sioux massacrèrent un grand nombre de pionniers américains et, afin d’éviter les représailles de l’armée américaine, ils s’enfuirent en territoire britannique et s’installèrent non loin de la colonie de la Rivière-Rouge. Leur présence souleva beaucoup d’inquiétude dans la colonie et, en raison des circonstances, le Conseil d’Assiniboia fit circuler une pétition demandant au gouvernement impérial d’envoyer des troupes afin de protéger les pionniers. Dans le Nor’Wester, Ross lança immédiatement une contre-pétition qui, non seulement demandait au gouvernement impérial d’envoyer des troupes dans la Rivière-Rouge, mais réclamait encore que « l’on procédât aux changements nécessaires dans le système d’administration locale pour mettre fin au mécontentement qui régnait [...] ». C’en était trop. Le conseil, par un vote unanime, le 25 novembre, décida de mettre fin à la carrière de Ross comme maître de poste, shérif et gouverneur de la prison. Ross n’en continua pas moins ses attaques. Il y eut un certain nombre de réunions au cours desquelles il se dressa contre le gouvernement local et insista auprès des habitants pour qu’ils signent sa pétition. Finalement, Sandford Fleming* fit parvenir la contre-pétition au duc de Newcastle [Henry Clinton], qui était ministre des Colonies.
Ross s’identifia une fois encore aux adversaires du gouvernement lors du procès du révérend Griffith Owen Corbett*. Corbett, qui avait donné son appui à la contre-pétition, fut traduit en justice sous prétexte qu’il avait tenté de pratiquer un avortement sur la personne de sa servante. Ross estima que c’était là une mesure de persécution, destinée à faire payer à Corbett son opposition au gouvernement. En conséquence, il joua un rôle important dans la défense de Corbett, augmentant ainsi sa réputation d’adversaire du gouvernement au pouvoir.
Les fonctions de Ross au Nor’Wester avaient nettement fait de lui un membre du « parti canadien ». Lorsque Ross abandonna le journal à la fin de 1863, parce qu’il projetait de retourner prochainement au Canada, les circonstances de son départ ne firent que donner plus de poids à cette alliance, car il fut remplacé au Nor’Wester par le médecin John Christian Schultz*, que l’on considérait comme le chef du « parti canadien » de la Rivière-Rouge.
Laissant sa femme et ses enfants, Ross quitta la colonie au printemps de 1864 et revint à Toronto pour y étudier le droit. Margaret et quelques-uns de ses enfants vinrent l’y rejoindre lorsqu’il devint évident que son séjour dans l’Est allait se prolonger. Le 5 juillet, Ross entra comme clerc dans l’étude de John McNab, et, au mois d’août suivant, il passa les examens d’admission à la Law Society of Upper Canada. Il poursuivait en même temps d’autres études et reçut en juin 1865 une maîtrise ès arts de l’University of Toronto.
Tout en continuant à étudier, Ross devait faire vivre sa femme et ses enfants, et il n’est guère étonnant qu’il se soit tourné vers le journalisme. À cause des années passées au Nor’Wester, Ross n’eut aucun mal à se mettre en rapport avec George Brown, directeur du Globe, pour le compte duquel il travailla jusqu’en septembre 1864, alors qu’il entra au Hamilton Spectator, où il devait rester jusqu’au printemps de 1865. Ayant alors pris la décision de se fixer définitivement au Canada, Ross retourna faire un bref séjour à la Rivière-Rouge, afin de mettre de l’ordre dans ses affaires. À son retour, à la fin de l’été de 1865, Ross acheta une maison à Toronto et se mit à travailler au Globe. Comme journaliste au Canada, de 1865 à 1869, Ross ne relâcha pas ses attaques contre la Hudson’s Bay Company et se fit résolument l’avocat de l’annexion des territoires de la compagnie au Canada.
À mesure que se prolongeait son séjour au Canada, il devenait de plus en plus évident que Ross n’était pas heureux. Il était loin d’une partie de sa famille et de ses amis et, comme en font foi ses lettres, il s’inquiétait de plus en plus de l’augmentation du coût de la vie à Toronto. De plus, il y avait encore des litiges concernant la succession de son père qu’il était impossible de régler de loin. À la fin de l’été de 1869, Ross vendit sa maison de Toronto et, accompagné de sa famille, repartit pour la Rivière-Rouge. Au début de l’automne, Ross était installé à Colony Gardens et put ainsi jouer un rôle important lors des événements tragiques qui devaient se dérouler en 1869 et 1870.
Après que Louis Riel* et ses partisans eurent forcé William McDougall*, le gouverneur venu du Canada, à repartir pour Pembina le 21 octobre 1869, il y eut des élections dans toutes les localités de la Rivière-Rouge afin de choisir les délégués qui étudieraient les propositions de Riel visant à établir un gouvernement provisoire. James Ross fut élu et chargé de représenter les habitants de Kildonan. Lors des réunions qui suivirent, Ross devint « le porte-parole des Anglais tout comme Riel était celui des Français ». Ross et la majorité des délégués anglais refusèrent d’approuver l’établissement d’un gouvernement provisoire, parce qu’ils estimaient que ce serait une mesure illégale. Ils proposèrent à la place d’établir un gouvernement plus représentatif, sous l’autorité de la Hudson’s Bay Company. Cependant, bien que Ross différât d’opinion avec Riel en ce qui concernait les mesures à prendre, il était convaincu de la nécessité de l’union des pionniers anglais avec les Français afin d’éviter la guerre civile dans la Rivière-Rouge. C’était là la position d’un homme politique avisé et, en s’y tenant, Ross permit d’éviter le désastre qui aurait pu accabler les habitants de la colonie. Mais, en adoptant cette attitude, Ross se trouva diamétralement opposé à ses anciens amis du « parti canadien ». Ces derniers jugèrent que sa position constituait une quasi-trahison, et ils ne la lui pardonnèrent jamais.
Après l’intervention de Donald Alexander Smith*, commissaire spécial du gouvernement canadien, on proposa la tenue d’une convention composée de délégués de toutes les régions de la colonie afin de discuter des conditions auxquelles les habitants de la Rivière-Rouge pourraient entrer dans la Confédération. Ross fut choisi à l’unanimité pour représenter la paroisse de St John. Les délégués siégèrent du 26 janvier au 11 février 1870, et choisirent Ross comme l’un des six membres du comité qui devaient rédiger un projet de « liste des droits ». Pendant tous les débats qui suivirent la présentation du rapport du comité, Ross ne fut pas seulement le porte-parole des délégués anglais, mais encore le traducteur des discours des délégués francophones. Il dirigeait souvent l’opposition aux propositions découlant de la suggestion de Riel de faire de la Rivière-Rouge une province canadienne. Ross prétendait que les intérêts des habitants seraient mieux servis si la Rivière-Rouge entrait dans la Confédération à titre de territoire, et la convention appuya ses vues. Mais bien que les débats fussent animés et que l’on fît souvent appel aux sentiments, les efforts de Ross permirent d’éviter la rupture entre les délégués anglais et les délégués français. En tant que président du gouvernement provisoire, Riel sut apprécier les efforts de Ross et le nomma juge en chef.
Il semble que Ross abusait des boissons alcoolisées depuis quelque temps déjà et, pendant cette période de tension, il le fit encore davantage. Aussi, pendant des semaines à la fin du printemps de 1870, Ross n’eut que peu d’activité et aucune influence sur les événements. À la fin de l’été, il se rendit à Toronto, supposément pour affaires personnelles ; en réalité, ainsi que le révèlent ses lettres, il voulait être loin de la colonie quand le corps expéditionnaire du colonel Garnet Joseph Wolseley* y arriverait. Il redoutait que son attitude de l’hiver précédent ne fût mal interprétée par les Canadiens. Il écrivit à sa femme qu’il ne reviendrait que lorsque les esprits se seraient calmés, et il lui demanda de bien déclarer que ses prises de position avaient été dictées par son désir d’éviter une effusion de sang. Pendant son séjour à Toronto, Ross ne manqua pas une occasion d’expliquer quelle ligne de conduite il avait suivie pendant cette période critique de l’histoire de la Rivière-Rouge.
Lorsque Ross se décida finalement à revenir, vers le milieu d’octobre 1870, la province récemment créée était relativement paisible. Ce n’était toutefois que le calme avant la tempête qui allait éclater avec les élections provinciales et fédérales de 1870 et de 1871. Le médecin John Schultz se porta candidat dans la circonscription fédérale de Lisgar ; persuadé que Schultz, par ses actions, avait failli provoquer la guerre civile au cours de l’hiver de 1869–1870, Ross se lança dans la mêlée afin d’empêcher son élection. Il commença par accorder son appui au docteur Curtis James Bird et fit vigoureusement campagne pour rallier en sa faveur les suffrages des vieux pionniers. Lorsque Bird se retira de l’arène après son élection à l’Assemblée législative provinciale, Ross accorda son appui au suppléant de Bird, Colin Inkster, mais ses efforts furent vains et Schultz n’eut aucun mal à remporter la victoire.
On créa bientôt des tribunaux au Manitoba, et Ross décida de revenir à l’exercice du droit. Le 8 mai 1871, il devint le troisième avocat à être admis au barreau de la nouvelle province, mais il eut peu d’occasions d’y exercer : à cause des tensions de la campagne électorale, Ross s’était remis à boire, et sa santé déclina rapidement pendant l’été. Il est possible qu’il soit mort des suites d’une maladie pulmonaire, dont souffraient plusieurs membres de sa famille.
PAM, Alexander Ross family papers ; Church of England registers, St John’s Church (Winnipeg), baptêmes, 1828–1879, no 885.— Begg’s Red River Journal (Morton), passim.— Canadian North-West (Oliver), I : 442, 505–508.— Hargrave, Red River, passim.— Manitoban (Winnipeg), 23 sept. 1871.— Nor’Wester (Winnipeg), 1860–1863.— Canada directory for 1857–58 [...] (Montréal, 1857), 808.— Begg et Nursey, Ten years in Winnipeg, passim.— Careless, Brown, II : 7s.
W. D. Smith, « ROSS, JAMES (1835-1871) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ross_james_1835_1871_10F.html.
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Auteur de l'article: | W. D. Smith |
Titre de l'article: | ROSS, JAMES (1835-1871) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |