PENNISSEAUT (Pénissault, Penisseau, Pennisseault), LOUIS (baptisé Louis-André-Joachim), négociant, né à Poitiers, France, le 20 mars 1724, fils de Charles Pennisseaut, avocat au présidial de Poitiers, et de Catherine Bry, décédé après le 12 septembre 1771.

Louis Pennisseaut arriva au Canada vers 1747 et s’y établit, déployant ses activités à Québec et à Montréal. D’un « caractère vif et entreprenant », il sut rapidement se lier d’amitié avec les gens en place. Le 2 mars 1753 il épousait à Montréal Marie-Marguerite, fille du marchand Alexis Lemoine*, dit Monière ; la veille, à la signature de son contrat de mariage chez le notaire Louis-Claude Danré* de Blanzy, s’étaient réunis le gouverneur Duquesne, l’intendant Bigot et quelques-uns des marchands les plus en vue de Montréal. Si l’on en croit ses propres dires – selon le sieur de Courville [Aumasson], il « étoit de mauvaise foi, et double dans toutes ses démarches » – Pennisseaut s’associa en 1754 à Brouilhet (Drouilhet), receveur général des Finances à Paris, et aux frères La Ferté, qui lui envoyaient des marchandises de France. Il semble qu’ils aient fait un commerce profitable. Pennisseaut obtint également de son beau-père des droits de traite dans les pays d’en haut, entrant ainsi de plain-pied dans le réseau économique de la colonie.

En 1756, Joseph-Michel Cadet fut nommé munitionnaire général des vivres en Nouvelle-France et il semble que Pennisseaut s’intéressa dès ce moment au ravitaillement des troupes de la région de Montréal et des pays d’en haut. De concert avec François Maurin*, que Cadet avait nommé aide-munitionnaire général, il s’occupa, jusqu’en 1759, de trouver blé, farine, lard, foin, attelages, bois de chauffage, planches, barils et tonneaux, avirons, perches et casse-tête. Le monopole de la Grande Société [V. Michel-Jean-Hugues Péan] devait bientôt s’étendre à toute la colonie puisque Maurin et Pennisseaut s’associèrent à Cadet au début de l’année 1757. D’après le contrat daté du 10 avril 1758 qui entérinait cet acte de société, Pennisseaut devait travailler « selon sa capacité », c’est-à-dire comme entrepreneur, tandis que Maurin était chargé de tenir les livres, chacun d’eux obtenant un quinzième des profits. De son propre aveu, Pennisseaut tira plus de 900 000# de profit de cette société – on est même allé jusqu’à citer le chiffre de 1 900 000# ; il reçut 1 062 000 # en lettres de change de 1759. Lorsque l’intendant Bigot fut informé de ces chiffres, il fit dire à Pennisseaut et à ses acolytes « de ne pas se Venter de ces profits ». Cette discrétion fort compréhensible ne pouvait cacher que l’étendue des prévarications, non leur existence même.

En plus de ses talents d’entrepreneur, Pennisseaut pouvait compter sur les charmes de sa femme, qui passait pour fort jolie et qui devint la maîtresse de l’aide-major Péan, puis du chevalier de Lévis. Selon Pennisseaut, c’était Péan qui dirigeait les affaires de la Grande Société à Montréal, pendant que Bigot remplissait les mêmes fonctions à Québec auprès de la Grande Société, comme aussi auprès de Mme Péan [Angélique Renaud d’Avène Des Méloizes].

Retourné en France à l’automne de 1760, Pennisseaut fut arrêté pour fraude et emprisonné à la Bastille le 16 novembre 1761. Il subit son procès au Châtelet avec tous les autres accusés dans l’Affaire du Canada et s’empressa de coopérer, tout en essayant de mettre ses escroqueries sur le compte de la naïveté. Il n’en fut pas moins reconnu coupable et condamné, le 10 décembre 1763, ainsi que François Maurin, à être banni de Paris, à payer une amende de 500# et à restituer la somme de 600 000#. Pendant ce temps, sa femme continuait à s’occuper de ses affaires et sut gagner les bonnes grâces du duc de Choiseul. Celui-ci, après avoir reçu un mémoire de Mme Pennisseaut, dans lequel elle décrivait son dénuement, suggéra, en juillet 1764, que l’on permît à son mari de quitter la Bastille et que l’on acceptât les lettres de change qu’il offrait pour payer les 600 000# de restitution. Le roi se rendit à cette demande et Pennisseaut fut libéré à la fin de l’année. Non seulement aucun intérêt ne fut exigé mais Mme Pennisseaut reçut même à la fin de 1765 une gratification de 4 000#.

Louis Pennisseaut obtenait en novembre 1769 des lettres de réhabilitation le déchargeant de l’amende et de sa peine de bannissement. La dernière mention que l’on ait de lui est une lettre du 12 septembre 1771 dans laquelle il demande un sauf-conduit et une surséance à toutes poursuites, ayant dû par suite des circonstances emprunter 24 000#. Il mourut sans doute peu après, puisque sa veuve se remaria deux fois, d’abord avec le marquis de Fresnoy, puis avec un M. de Fontanille, avant de s’éteindre le 22 décembre 1786.

José E. Igartua

AN, Col., B, 115, f.168v. ; 118, f.58 ; 120, ff.253v., 310, 351 ; 122, ff.112, 353 ; 139, f.394 ; C11A, 108, ff.1–90 ; 116, f.249 ; E, 92 (dossier Corpron, Maurin, Pénnisseaut) ; 332bis (dossier Pénissault.— ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 2 mars 1753 ; Greffe de L.-C. Danré de Blanzy, 1er mars 1753 ; Greffe de Gervais Hodiesne, 5 avril, 17 juin 1754, 25 juin 1758 ; Greffe de Pierre Panet, 14 juill. 1756–13 mai 1759.— ANQ-Q, NF 19, 40, pp.41s. (copies aux APC).— APC, MG 18, G8, 5, pp.199–230, 232s., 241.— Archives paroissiales, Saint-Paul (Poitiers, dép. de la Vienne, France), Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 21 mars 1724.— Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, 12 133–12 168, 12 501–12 506 (mfm aux APC). Ces documents contiennent surtout des détails sur la vie quotidienne des inculpés dans l’Affaire du Canada à la Bastille et ne révèlent que peu de chose sur Pennisseaut  [j. e. i.].— APC Rapport, 1905, I, vie partie, 326, 344, 353, 355, 357s., 363, 367, 396.— Mémoires sur le Canada, depuis 1749 jusqu’à 1760.— La Gazette de Québec, 25 juill. 1765.— J.-E. Roy, Rapport sur les archives de France, 693, 860, 864, 868, 870, 873s., 880s.— Tanguay, Dictionnaire.— Frégault, François Bigot, II : passim.— P.-G. Roy, Bigot et sa bande, 98105.— Les « millionnaires » de 1759, BRH, L (1944) : 19s.

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José E. Igartua, « PENNISSEAUT (Pénissault, Penisseau, Pennisseault), LOUIS (baptisé Louis-André-Joachim) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pennisseaut_louis_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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