PEARSON, BENJAMIN FRANKLIN, avocat, agent de développement, financier et homme politique, né le 4 avril 1855 à Masstown, Nouvelle-Écosse, fils de Frederick M. Pearson et d’Eliza Crowe ; le 31 décembre 1876, il épousa à Truro, Nouvelle-Écosse, Julia Reading, et ils eurent un fils et trois filles, dont l’une épousa le financier Fleming Blanchard McCurdy* ; décédé le 31 janvier 1912 à Halifax.
Benjamin Franklin Pearson venait d’une famille fière de ses antécédents loyalistes. Son arrière-grand-père, propriétaire d’une plantation en Caroline du Sud et officier dans les provinciaux britanniques pendant la Révolution américaine, s’installa en Nouvelle-Écosse avec sa famille en 1784 et finit par s’établir dans le canton de Truro, qu’il représenterait à la Chambre d’assemblée de 1806 à 1818. Frederick M. Pearson fut d’abord marchand et petit constructeur de navires à Masstown, sur la rive nord de la baie de Cobequid. Le déclin de la construction de navires en bois l’amena à réinstaller son commerce de gros à Truro. Il devint député libéral de Colchester en 1870, l’année même où il envoya son fils Benjamin Franklin à la Pictou Academy.
Benjamin Franklin n’avait que des aptitudes intellectuelles moyennes, mais il travaillait dur et réussit à entrer au Dalhousie College de Halifax en 1872. Cependant, il dut retourner à Truro après sa première année, car le commerce de son père battait de l’aile. La mort de son père en 1874 puis son propre mariage deux ans plus tard le conduisirent à prolonger son séjour. Incapable d’étudier le droit à Dalhousie en raison de ses responsabilités familiales, il résolut d’accéder à la profession par voie de stage. Dès son admission au barreau en 1881, il donna libre cours à ses ambitions, se fixa à Halifax et devint associé en second chez Otto Schwartz Weeks*, ancien procureur général de la Nouvelle-Écosse. Dès 1884, il faisait partie du cabinet MacCoy, Pearson, Morrison, and Forbes. Huit ans plus tard, il devint l’associé principal du cabinet Pearson, Forbes, and Covert. Déjà, il se consacrait davantage à la promotion d’entreprises qu’à la pratique du droit. Néanmoins, il recevrait des distinctions du monde juridique : nommé conseiller du roi en 1904, il serait élu président de la Nova Scotia Barristers’ Society en 1908.
L’entrée de Pearson dans le monde des affaires se fit notamment par l’achat d’une ligne de vapeurs entre Halifax et Dartmouth et d’un chemin de fer reliant Dartmouth et la vallée de la Musquodoboit. En 1887, il figurait parmi les fondateurs de la Nova Scotia Telephone Company Limited, qui plus tard la même année s’entendit avec Charles Fleetford Sise pour acheter tout l’avoir de la Compagnie canadienne de téléphone Bell en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Il fut le principal instigateur de la formation de la People’s Heat and Light Company Limited, qui projetait de produire du gaz combustible pour le chauffage et l’éclairage dans la région de Halifax. En cette qualité, il chargea une entreprise bostonienne de bâtir une usine de gazéification. C’est par cet intermédiaire qu’il rencontra deux des personnes les plus importantes de sa vie : Frederick Stark Pearson (sans lien de parenté avec lui), un des plus grands ingénieurs électriciens d’Amérique, et Henry Melville Whitney*, magnat de la navigation à vapeur, spéculateur et agent de développement immobilier alors occupé à transformer une bonne partie des tramways hippomobiles de Boston en un seul réseau électrifié. Les réalisations de Pearson et de Whitney le convainquirent des mérites de l’électricité, qui commençait seulement alors à révolutionner les systèmes d’éclairage et les réseaux de transport public des grandes villes nord-américaines.
Comme l’usine de la People’s Heat and Light Company avait pour fonction de transformer du charbon en gaz combustible, Pearson se mit à étudier la multitude de petites entreprises qui exploitaient des houillères en Nouvelle-Écosse. Il en conclut que plusieurs facteurs nuisaient à l’industrie – concurrence féroce, fluctuation des prix, beaucoup d’équipements et de moyens de transport en double – et qu’un regroupement s’imposait. Dépourvu du capital nécessaire pour réaliser une telle fusion, il s’adressa à ses nouveaux amis américains. Tous deux se montrèrent intéressés, notamment parce qu’ils espéraient approvisionner leurs entreprises électriques de Boston et de la région à peu de frais avec du charbon néo-écossais. Pendant l’hiver de 1891–1892, Pearson obtint des options d’achat de la plupart des mines de l’est du Cap-Breton et, avec l’aide des Américains, acheta une houillère inactive à Glace Bay pour la somme de 80 000 $. Toutefois, à la mi-février, le premier ministre libéral de la province, William Stevens Fielding*, annonça que les redevances sur le charbon passaient de 0,07 1/2 $ à 0,10 $ la tonne. Cette hausse refroidit l’ardeur des Américains, d’autant plus que le gouvernement refusait d’envisager de louer des propriétés minières à long terme.
Quand il apprit le retrait de Whitney et de son groupe, Pearson négociait, en Angleterre, l’achat des houillères néo-écossaises appartenant à la General Mining Association. Ami intime de Fielding et des membres de son cabinet, il rentra sans délai pour exercer des pressions sur le gouvernement. Des rencontres entre Whitney et Fielding en avril et mai 1892 aboutirent à un compromis. Pearson et ses associés américains obtinrent un bail très avantageux de 99 ans en échange d’une augmentation des redevances fixes, soit 0,12 1/2 $ la tonne. La durée sans précédent du bail suscita une vive opposition tant au Parlement qu’à l’extérieur. Toutefois, les libéraux avaient la majorité en Chambre et la Dominion Coal Company Limited fut constituée juridiquement le 1er février 1893. Le conseil d’administration comprenait Pearson, secrétaire de l’entreprise, Whitney, président, Frederick Stark Pearson, ingénieur en chef, et David MacKeen, directeur résidant.
L’émission de titres d’une valeur nominale de 18 millions de dollars par la Dominion Coal Company -un des premiers cas de financement à haut risque au Canada – se fit entre autres par la remise d’une masse d’actions ordinaires à Benjamin Franklin Pearson et à son consortium, qui en passèrent ensuite une partie à des courtiers et à des investisseurs pour favoriser la vente des obligations et des actions privilégiées. Lorsque le Canada connaîtrait une série de fusions, soit de 1909 à 1913, une telle dilution de capital deviendrait chose courante, mais naturellement, à l’époque, elle suscita du scepticisme et des inquiétudes. D’ailleurs, les difficultés subséquentes de la Dominion Coal furent souvent attribuées à cette stratégie de lancement que beaucoup trouvaient téméraire.
Aux prises avec divers problèmes de gestion, d’exploitation et de financement, la Dominion Coal Company ne se tirait pas aussi bien d’affaire que Pearson l’avait espéré. Incapable de retirer de bénéfices de ses actions ordinaires, Pearson devait chercher des moyens d’améliorer le rendement de l’entreprise. Incapable aussi de trouver de nouveaux marchés aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il créa deux clients dans la province même. Le premier fut la Halifax Electric Tramway Company Limited, qu’il fonda avec Whitney, Frederick Stark Pearson et son ami William Benjamin Ross, avocat et agent de développement de Halifax qui avait aussi des intérêts dans la Dominion Coal. En vertu de sa charte, obtenue en 1895, la nouvelle société avait le droit d’acheter la Halifax Street Railway Company Limited (qui exploitait un réseau hippomobile), la Nova Scotia Power Company Limited et la Halifax Illuminating and Motor Company Limited. Pearson escomptait que l’excédent de gaz produit par l’usine de gazéification de charbon de la People’s Heat and Light servirait à alimenter les chaudières de la centrale énergétique de la Halifax Electric Tramway, qui avait été reconstruite et fournissait de l’éclairage électrique et des services de transit à la ville. En même temps, il tenta d’amener la Dominion Coal à se lancer dans la production de fer et d’acier (principal débouché industriel du charbon) et proposa même une fusion avec la Nova Scotia Steel Company Limited de New Glasgow [V. Graham Fraser]. Après avoir essuyé un refus de la Nova Scotia Steel, il fonda sa propre aciérie en association avec le groupe qui l’avait aidé à former la Dominion Coal. Grâce à des pressions sur son grand ami George Henry Murray*, premier ministre libéral de la Nouvelle-Écosse, et sur William Stevens Fielding, alors ministre des Finances à Ottawa, il obtint les modalités qu’il désirait, et la Dominion Iron and Steel Company Limited fut constituée juridiquement en mars 1899. Presque du jour au lendemain, cette société devint l’une des plus grosses entreprises manufacturières du pays et le principal client de la Dominion Coal. Cependant, celle-ci continua d’avoir des problèmes, en partie à cause d’un contrat garantissant des bas prix à la Dominion Iron and Steel. En 1901, les deux compagnies passèrent aux mains d’un groupe dirigé par James Ross, de Montréal.
L’émission des titres de la Halifax Electric Tramway avait rapporté beaucoup d’argent à Pearson, et il cherchait avidement d’autres occasions du même genre. Comme le Canada n’offrait plus de possibilités de cet ordre, il se tourna vers les Caraïbes et l’Amérique latine ; il fut d’ailleurs l’un des premiers financiers canadiens à le faire. De 1897 à 1909, 11 sociétés de service public appartenant à des Canadiens et exploitées par des Canadiens s’établirent dans ces régions. Pearson avait des intérêts dans la plupart d’entre elles et était le seul agent de développement à appartenir aux trois cercles financiers – celui de Toronto, celui de Montréal et celui de Halifax – qui lançaient ces nouvelles entreprises. La première, la West India Electric Company, constituée en 1897, fournissait de l’énergie et de l’éclairage à Kingston, en Jamaïque, et y exploitait des tramways. La deuxième, la Cuban Electric Company, inaugura en 1899 un service de bacs jumelé à une ligne de tramways électriques entre La Havane et ses banlieues de l’autre côté de la baie. La même année, Pearson promut une installation hydroélectrique dont le concepteur était Frederick Stark Pearson et qui fournirait de l’énergie, de l’éclairage et un service de tramways à la région de São Paulo, au Brésil. Vinrent ensuite, respectivement en 1899 et en 1901, de plus petites exploitations d’éclairage et de tramways électriques en Guyane britannique et à Trinidad. Puis, en 1902, Pearson créa la Mexican Light and Power Company Limited avec Frederick Stark Pearson et réussit même à convaincre Charles Hazlitt Cahan* de quitter son bureau de Halifax pour devenir le conseiller général et directeur résidant de cette nouvelle entreprise. Deux ans plus tard, il aida Frederick Stark Pearson à promouvoir la Rio de Janeiro Tramway, Light and Power Company Limited. Cette fois, il prit en charge la souscription à forfait de un million de dollars d’obligations, dont 300 000 $ furent ensuite souscrits par d’autres financiers de Halifax. La dernière société hydroélectrique à laquelle il participa fut la Mexican Northern Power Company Limited en 1909. Pearson entreprit un grand nombre de ces projets avec William Benjamin Ross et le groupe de la Nova Scotia Steel, puissant cercle financier de Halifax qui gravitait autour de John Fitzwilliam Stairs*.
Bien que ces investissements aient été parmi les plus rentables de l’époque, Pearson en retira peu d’argent. Contrairement à certains de ses collègues capitalistes, dont Stairs, sir William Cornelius VanHorne, de Montréal, et George Albertus Cox, de Toronto, il ne pouvait mener trop d’affaires de front et devait constamment vendre le gros de son avoir dans une entreprise donnée afin de réunir des fonds pour la suivante. Il devait donc vendre avant que les actions de ses compagnies aient pris suffisamment de valeur pour lui faire réaliser un fort bénéfice.
La pénurie de fonds et le manque de temps n’empêchèrent pas Pearson de faire le saut en politique, ce qui était une tradition dans sa famille. En 1901, il fut élu député de la circonscription de Colchester à l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse. Malgré sa piètre assiduité et des allégations de corruption, il fut réélu cinq ans plus tard et nommé ministre sans portefeuille par le premier ministre Murray. Dans certains cercles, on critiqua sa nomination parce que, en raison de sa participation à diverses entreprises, il se trouvait mêlé à des questions de nature politique. Cependant, le Herald de Halifax dit entrevoir avec plaisir que la présence de Pearson au cabinet favoriserait l’étude de ses dossiers de prédilection : l’enseignement technique, l’amélioration des routes, la modification des lois minières, la réorganisation du département des Mines et la promotion de la politique d’immigration. Même si Pearson continua à consacrer plus de temps aux affaires qu’à la politique, il fit œuvre durable en aidant à rassembler des appuis politiques et des fonds pour le Nova Scotia Technical College, qui ouvrit ses portes à Halifax en 1909. Il subit la défaite aux élections de 1911.
Entre-temps, Pearson s’était fait une réputation d’éditeur. D’abord, en 1897, il avait acquis le Morning Chronicle de Halifax, que son maître à penser Joseph Howe* avait dirigé des décennies auparavant, puis il avait acheté d’autres journaux, dont le Nova Scotian and Weekly Chronicle et le Daily Echo, tous deux de Halifax, la Gazette de Glace Bay et le St. John Daily Sun. En 1909, sa maison, la Chronicle Publishing Company, publia une nouvelle édition en deux volumes des discours et lettres de Howe. Par la suite, Pearson acheta le domaine d’Emscote, sur le bras Northwest, où Howe était né et où lui-même mourut en 1912 après avoir dû garder le lit durant deux mois à cause d’une affection rénale.
Artisan infatigable du développement économique de la Nouvelle-Écosse, Benjamin Franklin Pearson avait contribué à transformer le paysage industriel et urbain de sa province. Sur une scène plus vaste, il avait, sans être un grand capitaliste, joué un rôle important dans l’établissement et le développement de sociétés de service public et de sociétés ferroviaires des Caraïbes ; sur le marché canadien des capitaux, alors en pleine maturation, il avait été l’un des pionniers du lancement d’entreprises industrielles nombreuses et variées. Le cortège qui accompagna sa dépouille à la cathédrale anglicane Ail Saints était l’un des plus longs jamais vus à Halifax. Bon nombre de ceux qui en faisaient partie l’avaient soutenu dans l’une ou l’autre de ses initiatives. Un ami dit de lui peu après sa mort : « Lorsque de nouveaux champs à exploiter s’ouvraient devant lui, champs qui promettaient une riche récolte, toute âme courageuse qui se montrait disposée à pousser la charrue était la bienvenue pour travailler. »
Nous aimerions remercier J. Barry Cahill de l’aide qu’il a apportée pour la biographie. [g. p. m.]
PANS, MG 1, 1193 ; MG 3, 193 ; RG 7, 104 ; RG 39, CO, M, 11, file l2.— Acadian Recorder, 1er, 5 févr. 1912.— Blue Nose (Halifax), 27 oct. 1900.— Christopher Armstrong et H. V. Nelles, Southern exposure : Canadian promoters in Latin America and the Caribbean, 1896–1930 (Toronto, 1988).— Industrial Advocate (Halifax), févr. 1899.— Kyle Jolliffe, « A saga of Gilded Age entrepreneurship in Halifax : the People’s Heat and Light Company Limited, 1893–1902 », N.S. Hist. Rev. (Halifax), 15 (1995), n° 2 : 10–25.— Don MacGillivray, « Henry Melville Whitney comes to Cape Breton : the saga of a Gilded Age entrepreneur », Acadiensis (Fredericton), 9 (1979–1980), n° 1 : 44–71.— T. G. Mackenzie, « The Honourable Benjamin Franklin Pearson,
Gregory P. Marchildon, « PEARSON, BENJAMIN FRANKLIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pearson_benjamin_franklin_14F.html.
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Titre de l'article: | PEARSON, BENJAMIN FRANKLIN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
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Date de consultation: | 28 novembre 2024 |