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ROSS, ROBERT ALEXANDER, ingénieur civil et ingénieur électricien, fonctionnaire et maître de conférences, né le 29 août 1865 à Woodstock, Haut-Canada, fils de Robert Ross et d’Annie McIntosh ; le 10 octobre 1894, il épousa à Peterborough, Ontario, Margaret Beatrice Halliday, et ils eurent deux filles ; décédé le 23 septembre 1936 à Montréal.
Après avoir fréquenté l’école publique et l’école secondaire à Woodstock, Robert Alexander Ross y fut apprenti auprès du constructeur de moteurs Robert Whitelaw, avant de s’inscrire à la School of Practical Science à Toronto en 1887. Il reçut son diplôme en génie mécanique en 1890 et, pendant les trois années suivantes, dirigea le département d’ingénierie de la Canadian General Electric Company, d’abord à Sherbrooke, au Québec, puis à Peterborough. En 1893, il devint ingénieur en chef de la Compagnie royale d’électricité à Montréal.
La University of Toronto décerna à Ross le diplôme professionnel d’ingénieur électricien en 1896 ; la même année, il lança une entreprise de consultation à Montréal. Il travailla d’abord seul, puis, après 1901, en partenariat avec l’ingénieur civil Henry Holgate jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ses premières années de pratique privée l’amenèrent en Extrême-Orient et en Russie, où il aurait été un proche associé du ministre des Finances de l’empereur Nicolas II, Sergueï Ioulievitch Witte. Après son retour au Canada, il participa au développement de l’hydroélectricité. Deux de ses premiers projets, en particulier, témoignent de la relation étroite entre l’hydroélectricité et l’exploitation minière. Dans le premier, entrepris en 1904 et achevé en 1906, on édifia la centrale énergétique de la Huronian Company Limited, sur la rivière Spanish, dans le nord de l’Ontario, qui devait fournir de l’électricité pour l’industrie minière et les fonderies en plein essor de Sudbury. Le deuxième, lancé en juin 1905 et terminé en décembre 1906, consistait à construire une centrale pour la West Kootenay Power and Light Company, aux chutes Upper Bonnington, sur la rivière Kootenay, près de Nelson, en Colombie-Britannique. Contrairement à celui de la Huronian, ce projet ne devait pas seulement desservir l’industrie locale, mais aussi contribuer à l’électrification urbaine. En 1907, la Société canadienne des ingénieurs civils décerna à Ross et à Holgate la médaille Gzowski pour la qualité des documents techniques décrivant ces projets. Durant cette même période, Ross conçut également des centrales à Copper Cliff (Sudbury), en Ontario, et à Westmount, au Québec, ainsi que pour la West India Electric Company, en Jamaïque [V. Benjamin Franklin Pearson*].
Outre sa contribution à la conception d’installations hydroélectriques, Ross prodigua des conseils techniques qui se révélèrent d’une importance capitale dans l’élaboration de politiques sur l’électricité. En 1903, sept municipalités de l’Ontario instituèrent une commission d’enquête, dirigée par le manufacturier Elias Weber Bingeman Snider*, pour se pencher sur la faisabilité d’une centrale qu’elles pourraient exploiter en coopération aux chutes du Niagara. Même si le conseiller technique de la commission était Reginald Aubrey Fessenden, Ross et Holgate furent retenus pour « étudier les aspects relatifs à l’ingénierie de l’ensemble du projet et en faire rapport ». S’appuyant sur les résultats de ses recherches, la commission recommanda que les municipalités construisent une centrale électrique de 60 000 chevaux-vapeur au-dessus des chutes Horseshoe. Le rapport, déposé en mars 1906, apportait, selon le Globe, « un bénéfice incalculable à la partie sud-ouest de l’Ontario ». Pendant ce temps, en juillet 1905, le nouveau gouvernement de James Pliny Whitney* avait nommé une deuxième commission d’enquête, présidée par un membre de la commission Snider, Adam Beck*, qui allait finalement conduire à la création de la Commission d’énergie hydroélectrique de l’Ontario, fournisseur d’électricité de propriété publique le plus important en Amérique du Nord. La participation de Ross au projet hydroélectrique des chutes du Niagara se poursuivit pendant quelques années. En 1908, la commission le consulta pour établir les devis des lignes électriques de la centrale et, l’année suivante, il présida un congrès des ingénieurs de la commission à Toronto.
Après son mandat pour la commission Snider, Ross continua à se concentrer sur l’élaboration de politiques. En 1916, il compta parmi les neuf membres fondateurs du Conseil consultatif honoraire pour recherches scientifiques et industrielles du gouvernement fédéral, précurseur du Conseil national de recherches. À sa première réunion, le 1er décembre 1916, le conseil le désigna comme président d’un comité d’étude sur les sources d’énergie nouvelles afin de remédier aux pénuries entraînées par la Première Guerre mondiale. Les intérêts du comité se tournèrent rapidement vers le raffinage de lignite de qualité inférieure et de charbon subbitumineux pour utilisation dans les provinces des Prairies. S’appuyant sur des recherches existantes et publié en 1918, le rapport de Ross recommandait que le gouvernement construise immédiatement une usine de raffinage de lignite en Saskatchewan. Même s’il était favorable à la propriété gouvernementale, Ross pensait qu’il était préférable que la gestion de l’usine soit confiée à un conseil apolitique « d’hommes d’affaires et de techniciens », plutôt qu’à un organisme gouvernemental. Par la suite, entre août 1918 et mars 1922, il présida le Lignite Utilization Board of Canada, dont il avait souhaité la création, et, d’août 1921 à mars 1922, le Conseil national de recherches lui-même. Il quitta les deux postes, de même que le Peat Board, où il avait été nommé en mars 1918, afin de protester contre le transfert prévu du Lignite Utilization Board au ministère fédéral des Mines, car il craignait que ce changement expose l’organisme aux jalousies et ingérences politiques.
Même s’il contribua à accroître le rôle de l’État, Ross n’était pas un démocrate. En fait, ce fut par son engagement dans la profession d’ingénieur encore toute neuve que son parti pris pour l’autonomie et l’autorité de l’expert se manifesta le plus. Membre de la Société canadienne des ingénieurs civils depuis le 6 mai 1897, il accomplit huit mandats au sein de son conseil d’administration et en assura la vice-présidence pendant trois ans, soit de 1914 à 1916. En 1920, il fut élu à la présidence de l’organisme qui lui succéda, l’Engineering Institute of Canada. Sous sa direction, l’organisme atteignit deux de ses objectifs à long terme : l’adoption de lois régissant la délivrance des permis (dans six provinces) et la publication de grilles de paiement normalisées. Ces réalisations marquèrent le passage de l’ingénierie au Canada d’un métier ouvert et faiblement rémunéré à une profession d’exercice exclusif et autogérée. Appartenant à la première génération d’ingénieurs de formation universitaire, Ross fut maître de conférences en économie appliquée à l’industrie à la McGill University entre 1909 et 1911 et contribua à la création du « Rite d’engagement de l’ingénieur », cérémonie secrète et ésotérique qui insufflait aux étudiants un sens de la fraternité et une compréhension des responsabilités propres au statut professionnel.
Ross prévoyait que sa profession prendrait une place prépondérante au Canada. Dans son allocution présidentielle de 1921 à l’Engineering Institute of Canada, il fit observer que si les fonctions de l’ingénieur se bornaient autrefois à des aspects techniques, « les signes des temps annon[çaient] une conception plus large de son rôle en englobant une connaissance des rapports humains, sociaux et commerciaux qui dans le passé ne semblaient pas être de son ressort ». Certains de ses collègues méprisaient à la fois les scientifiques et les industriels, mais Ross croyait que la nouvelle mission des ingénieurs était de former le noyau d’une vaste classe scientifique et professionnelle. Il envisageait également un statut inédit pour les ingénieurs au sein de la population en général. On ne pouvait faire confiance aux hommes politiques et à l’électorat pour prendre des décisions éclairées ; les ingénieurs devaient par conséquent intervenir davantage dans l’administration publique, particulièrement dans l’ordre de gouvernement municipal.
Ross eut l’occasion de mettre en pratique ses idées sur la gouvernance municipale. Quand, en 1918, Montréal fut au bord de la faillite, le gouvernement provincial de sir Lomer Gouin* modifia la charte de la ville, transférant la plupart des pouvoirs auparavant détenus par le maire élu et son conseil à la Commission administrative de la cité de Montréal. Nommée par le gouvernement, cette dernière était présidée par Ernest-Rémi Décary et composée de quatre autres commissaires, dont Ross. Affranchie de toute supervision démocratique, la commission haussa les impôts et lança un ambitieux programme de modernisation administrative, notamment en adoptant des échelles salariales normalisées pour les employés municipaux. Ross fit bon usage de son expérience. Il y acquit un intérêt pour la réglementation des abattoirs. Il défendit des résolutions en vue d’engager des ingénieurs comme consultants, de fixer les salaires du personnel technique et d’autoriser les mesures instaurées par le nouveau service des travaux publics. Dans son allocution présidentielle, quand Ross décrivit l’ingénieur comme un « homme de l’urgence » appelé pour « remplacer les vieux incompétents qui reviennent aussitôt que la situation revient à la normale », il faisait sans nul doute allusion à son rôle au sein de la commission. Le rétablissement de la gouvernance démocratique à Montréal, en 1921, n’ébranla pas sa confiance en la capacité des experts de corriger les erreurs des dirigeants élus.
Les questions de politique occupèrent Ross jusque vers la fin de sa carrière. Bien avancé dans la soixantaine, il continuait à conseiller gouvernements et administrations, dont la ville de Québec, sur les tarifs d’hydroélectricité. En 1922, il fut appelé à participer à l’enquête du gouvernement de l’Ontario sur la gestion de la Commission d’énergie hydroélectrique [V. sir Adam Beck] ; présidée par l’avocat Walter Dymond Gregory, celle-ci se pencha sur les dépassements de coûts à la commission. Le rapport de Gregory réaffirma le principe de la propriété publique des ressources hydroélectriques de la province, mais il critiqua les décisions financières de la commission, les dépassements de coûts et son expansion dans le domaine des chemins de fer interurbains. L’influence de Ross est peut-être évidente dans le fait que le rapport soulignait la compétence des ingénieurs de la commission et faisait remarquer que des ingénieurs externes auraient dû être engagés pour examiner les estimations relatives aux nouveaux projets de Queenston et de Chippawa. Reconnaissant l’importance de l’autonomie professionnelle, principe que Ross avait défendu tout au long de sa carrière, le rapport exprimait le souhait que la commission d’énergie puisse continuer à jouir de sa « liberté de gestion » malgré les nouvelles mesures prises pour assurer son imputabilité devant le Parlement provincial.
La carrière de Robert Alexander Ross est représentative de l’évolution du génie canadien vers un professionnalisme accru. En reconnaissance de ses services, la University of Toronto lui décerna un doctorat honorifique en sciences en 1922 et l’Engineering Institute of Canada lui offrit en 1934 la médaille sir John Kennedy, la plus haute distinction canadienne de la profession. À sa mort, en 1936, à l’âge de 71 ans, l’Engineering Journal rappelait : « Dr Ross avait très tôt pris conscience que, pour un ingénieur digne de ce nom, la compétence en conception, la connaissance des principes scientifiques et la familiarité avec les détails techniques devaient se conjuguer à des capacités administratives et à l’aptitude à s’occuper des hommes et des affaires. » La carrière de Ross incarnait sa vision de l’ingénieur comme expert technique compétent, revendiquant une autorité en matière de politiques.
Robert Alexander Ross, en collaboration avec Henry Holgate, a écrit « The Huronian Company’s power development » et « Power development on the Kootenay River for the West Kootenay Power & Light Company, Limited », articles parus dans Soc. canadienne des ingénieurs civils, Trans. (Montréal), 21 (1907) : 123–138 et 149–157. Il est également l’auteur de : Canada, Conseil consultatif honoraire pour recherches scientifiques et industrielles, Report (29 vol., Ottawa, 1918–1925), 1 (The briquetting of lignites, 1918), et de « Retiring president’s address », Engineering Instit. of Canada, Journal (Montréal), 4 (1921) : 198–202.
AO, RG 18-83 ; RG 80-5-0-218, no 10099.— VM-SA, VM18.— Globe, 4 avril 1906.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— McGill Univ., Annual calendar (Montréal), 1909–1911.— J. R. Millard, The master spirit of the age : Canadian engineers and the politics of professionalism, 1887–1922 (Toronto, 1988).— Jeremy Mouat, The business of power : hydro-electricity in southeastern British Columbia, 1897–1997 (Victoria, 1997).— « Obituaries : Robert Alexander Ross, M.E.I.C. », Engineering Journal (Montréal), 19 (1936) : 463–464.— Mel Thistle, The inner ring : the early history of the National Research Council of Canada (Toronto, 1966).
Forrest D. Pass, « ROSS, ROBERT ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ross_robert_alexander_16F.html.
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Titre de l'article: | ROSS, ROBERT ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2017 |
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Date de consultation: | 28 novembre 2024 |